Des milliers d’Ukrainiens sans nouvelles de leurs proches piégés à Marioupol
À l'heure de l'intelligence artificielle, l'accès à des faits vérifiables est crucial. Soutenez le Journal Chrétien en cliquant ici.Au téléphone, Victoria Zabourina a supplié sa mère âgée de 76 ans de fuir face à l’avancée des troupes russes qui assiègent désormais Marioupol dans le sud-est de l’Ukraine.
La vieille dame lui a répondu qu’elle resterait, que la ville était calme. Puis elle a rappelé sa fille pour lui dire qu’elle avait trouvé refuge dans une salle municipale car une bombe ou un obus avait détruit une école proche de son appartement, désormais jonché de débris.
« C’est plutôt tranquille maintenant, alors je vais probablement retourner à la maison », a encore déclaré Tamara Oussenko. « Ne t’en fais pas » seront ses derniers mots entendus par sa fille, qui n’a depuis lors aucune nouvelle.
Les lignes téléphoniques sont coupées avec la ville portuaire bombardée par les forces russes, où des centaines de milliers d’habitants se terrent, privés d’eau et d’électricité depuis plus d’une semaine.
Comme Victoria Zabourina, des milliers d’Ukrainiens cherchent désespérément à obtenir des nouvelles de leurs proches.
Oleg Maksimtchouk a un frère plus âgé, Viktor, retraité, âgé de 63 ans, qui vit dans un village à l’est de Marioupol. Les deux hommes n’ont plus échangé un mot depuis le 26 février, quand Viktor se cachait dans une cave.
« Les bombardements ont commencé », a dit Viktor lors de cette dernière conversation téléphonique. « Je peux voir des avions de chasse aussi. »
Oleg, qui vit à des centaines de kilomètres de là, a tenté de rappeler son frère le lendemain, sans succès. « J’espère qu’il est en vie », dit-il.
Il a posté un message sur une page Facebook créée pour aider les Ukrainiens ayant des proches à Marioupol. « Toute information sera appréciée », a-t-il écrit en ajoutant: « Gloire à l’Ukraine. »
Un groupe a également été créé sur la messagerie Telegram pour rechercher les habitants de Marioupol et d’autres villes bombardées dont les familles sont sans nouvelles. Il compte 70.000 abonnés.
« JE SURVIVRAI ENCORE UNE FOIS »
La Russie a promis l’ouverture d’un couloir humanitaire pour évacuer les habitants de la cité portuaire mais le projet a tourné court quand les autorités ukrainiennes ont accusé les forces russes de l’avoir pilonné.
Mardi, le gouvernement de Kiev a affirmé qu’une fillette de six ans avait péri par déshydratation après qu’une frappe russe eut détruit sa maison et tué sa mère.
La Russie décrit son offensive militaire massive en Ukraine comme une « opération spéciale » destinée à démilitariser, « dénazifier » et « neutraliser » l’ancienne république soviétique.
Jusqu’en 1989, au début de l’effondrement de l’URSS, Marioupol se nommait Jdanov, du nom de l’ancien membre du politburo du Parti communiste soviétique qui dirigea notamment la défense de Leningrad lors du siège long et meurtrier de la ville par l’armée allemande pendant la Seconde Guerre mondiale.
La ville natale d’Andreï Jdanov est désormais à son tour assiégée, par l’armée russe.
Olga Ouga n’a plus de nouvelles de son oncle âgé de 82 ans, Anatoly Moulika, depuis huit ou neuf jours. Il vivait seul dans un appartement de l’est de Marioupol.
Né pendant la Seconde Guerre mondiale, il a refusé de partir. « Il était optimiste et ne voulait pas entendre parler de s’échapper », raconte sa nièce.
« Je survivrai encore une fois. Je n’abandonnerai jamais », lui a-t-il dit lors de leur dernier entretien.
(Reportage Andrew R.C. Marshall; version française Jean-Stéphane Brosse, édité par Marc Angrand)