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France: Quitter Le Pen pour Zemmour, quand la radicalité change de camp

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Depuis une semaine, le député européen ex-Rassemblement national Jérôme Rivière occupe un petit bureau sans fenêtre au siège de la campagne présidentielle d’Eric Zemmour, théâtre d’un nouveau chapitre politique pour ce déçu de Marine Le Pen.

A 57 ans, l’ancien député UMP tombé en 2017 dans l’escarcelle du Front national, président du groupe « Identité et démocratie » au Parlement de Strasbourg, rallie l’ancien journaliste, vieille connaissance dont l’irruption dans le paysage politique suscite à ses yeux un enthousiasme qui fait défaut au RN.

Marine Le Pen « s’organise pour une défaite », juge-t-il. « Ce n’est pas le rassemblement national, c’est le rétrécissement national ».

Malgré les défections, Marine Le Pen reste une prétendante sérieuse dans les sondages d’intentions de vote qui la placent au coude à coude avec la candidate Les Républicains Valérie Pécresse, derrière Emmanuel Macron et devant Eric Zemmour.

Le parti Reconquête, dont Jérôme Rivière est désormais le vice-président, compte plus de 85.000 adhérents, huit semaines après son lancement le 5 décembre lors du meeting d’Eric Zemmour à Villepinte (Seine-Saint-Denis).

« Chacun se positionne par rapport à ce qu’il dit. Il est le personnage central de cette élection présidentielle », dit Jérôme Rivière, partie prenante des réunions aux côtés du général Bertrand de la Chesnais, directeur de campagne, et de l’ancien élu vendéen Philippe de Villiers.

« Eric Zemmour est radical dans ses positions, il dit les choses. C’est blanc ou noir, il n’a pas à utiliser les nuances de gris pour décrire la réalité », ajoute-t-il, récusant toute « brutalité » de la part du candidat, qui a choqué en proposant de bannir les prénoms étrangers, suggérant que les enfants handicapés pénalisent les autres élèves en classe ou en affirmant que le maréchal Pétain a sauvé des juifs pendant la guerre.

Il y a quelques années, ce genre d’excès était la marque du Front national, parti taxé de racisme et de xénophobie qui suscitait, comme Eric Zemmour aujourd’hui, des manifestations d’opposants parfois violentes.

« NI SURENCHÈRE, NI OUTRANCE », DIT LE PEN

Au fil des ans, Marine Le Pen a rompu avec cette image, notamment en écartant son père Jean-Marie, et abandonné certaines idées radicales comme une sortie de la France de l’Union européenne. Pour sa troisième participation à la course à l’Elysée, elle assume aujourd’hui un positionnement apaisé, signe à ses yeux de maturité politique.

« Nous avons définitivement rompu avec les provocations qui ont pu être parfois, dans un passé de plus en plus lointain, le péché de notre famille politique », a-t-elle déclaré mercredi lors de ses voeux à la presse.

« Il n’y aura pas de ma part ni de surenchère ni d’outrance et il n’y aura pas une course de vitesse à la radicalité ou au buzz », a-t-elle ajouté pour mieux se démarquer du camp Zemmour, qui se voit en réunificateur des droites là où Marine Le Pen veut « l’union de tous les Français. ».

Mais pour Jérôme Rivière, la candidate a abandonné son ADN politique. « Marine Le Pen a entamé en 2012 la dédiabolisation. En 2017 c’était la normalisation. Et là, elle est en train de devenir un ultime variant du système », déplore-t-il.

Il lui reproche notamment d’avoir renoncé à suspendre les accords de libre circulation de Schengen, de ne plus demander la suppression de la Cour européenne des droits de l’homme ni l’interdiction de la double nationalité.

Qu’il s’agisse de « l’immigration zéro » ou de la suppression de l’aide médicale d’Etat (AME), Eric Zemmour sera, lui, « sans concession », affirme-t-il.

Outre Jérôme Rivière, le député européen Gilbert Collard, le militant identitaire Damien Rieu et l’ancien vice-président de LR Guillaume Peltier ont rallié Zemmour et d’autres élus pourraient en faire autant, selon les intéressés.

« Ils sentent une dynamique sur le terrain porteuse pour Eric Zemmour et du coup, ils le jouent gagnant par proximité idéologique et politique, ou bien ils intériorisent une défaite de Marine Le Pen face au candidat Emmanuel Macron et ils préparent le coup d’après, considérant que celui qui serait en situation de recomposer les droites serait Eric Zemmour », analyse le politologue Stéphane Rozès.

En cas de troisième défaite consécutive à la présidentielle, l’avenir politique de Marine Le Pen serait compromis et le camp nationaliste appelé à se recomposer. Parmi les inconnues figure le rôle que pourrait jouer Marion Maréchal-Le Pen, nièce de Marine.

« Dans quelques semaines elle se déclarera », prédit Jérôme Rivière. « Elle est suffisamment inquiète du sort de la France si Emmanuel Macron est réélu pour s’engager, oui. »

(Reportage Elizabeth Pineau avec la contribution de Lucien Libert, édité par Sophie Louet)

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