Début des débats de la CMP, compliqués par l’ire socialiste
par Elizabeth Pineau
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PARIS (Reuters) – Sept députés, sept sénateurs et leurs suppléants sont réunis à huis clos jeudi en Commission mixte paritaire (CMP) pour tenter de s’entendre sur un texte commun à même de doter la France du budget qui lui fait défaut pour 2025.
Le gouvernement vise un effort budgétaire de 53 milliards d’euros – 32 milliards via une réduction des dépenses et 21 milliards par une hausse des recettes – pour ramener le déficit à 5,4% du produit intérieur brut (PIB) en fin d’année.
Plus de six milliards d’euros d’économies supplémentaires par rapport au projet initial du gouvernement caractérisent le Projet de loi de finances (PLF) voté la semaine dernière au Sénat dans un contexte d’instabilité dû à l’absence de majorité à l’Assemblée nationale où perdure le spectre d’une censure de l’équipe de François Bayrou, installée en décembre.
L’équation déjà difficile a été compliquée par la décision des élus du Parti socialiste (PS) – nécessaires au gouvernement pour échapper à la censure – de quitter mardi les pourparlers en raison de l’emploi par le Premier ministre de l’expression « submersion migratoire », à leurs yeux empruntée à l’extrême droite.
Engagés dans une négociation avec le gouvernement avant même le discours de politique générale de François Bayrou, le 14 janvier, le PS a exigé une révision de la copie des sénateurs.
« Nous avons des propositions de réécriture, et nous les défendrons avec beaucoup de détermination », a affirmé jeudi à la presse le chef de file des députés socialistes, Boris Vallaud, dans les couloirs de l’Assemblée nationale.
Le PS réclame notamment une revalorisation de la prime d’activité et du Smic ainsi que le maintien des crédits alloués à l’aide médicale d’Etat pour les étrangers sans papiers.
« Si le socle commun n’en fait qu’à sa tête, ne prend pas en compte nos propositions, alors il expose le pays à de graves difficultés et à la censure », a prévenu le député socialiste Philippe Brun, membre de la CMP, au Palais-Bourbon.
« Nous sommes prêts au débat, nous sommes prêts au compromis », a-t-il néanmoins assuré, ajoutant avoir « bon espoir que nous trouvions un accord aujourd’hui ».
LE SPECTRE DE LA CENSURE
La copie des sénateurs réclame la suppression de 4.000 postes de professeurs et l’instauration de sept heures de travail annuel non rémunérées – deux mesures écartées par François Bayrou lundi sur LCI.
Une taxation exceptionnelle des grandes entreprises et des hauts revenus, instaurée pour un an, devrait en revanche figurer dans la mouture finale, malgré le courroux de l’homme le plus riche de France, le patron de LVMH Bernard Arnault.
Les retraités devraient être épargnés, tout comme le budget des sports, dont la baisse envisagée avait provoqué une levée de bouclier jusqu’à l’Elysée.
Des économies devraient provenir d’une réforme des quelque 1.200 agences de l’Etat qui emploient plus de 400.000 personnes.
Le budget de la recherche devrait être impacté, ainsi que les mesures « vertes » (Plan vélo, PrimeRénov, aide à l’achat d’un véhicule électrique), au grand dam des écologistes et des socialistes.
Le choix du PS de négocier avec le gouvernement a fâché La France insoumise (LFI), qui a voté la censure après le discours de politique générale, tout comme les communistes et les Verts, ses autres alliés du Nouveau Front populaire.
« Que les socialistes essaient de trouver des compromis (…) certainement (…), mais ce sera des miettes », a estimé le député LFI Eric Coquerel devant la presse au Palais-Bourbon.
« Sur le papier, il n’y a aucune raison que cette CMP ne soit pas conclusive », a-t-il reconnu, renvoyant au « rendez-vous » de lundi, date du vote à l’Assemblée en cas d’accord en CMP.
Les Insoumis ont dit leur intention de déposer une motion de censure en cas de validation, probable, du PLF 2025 via l’article 49-3 de la Constitution qui permet au Premier ministre de faire adopter un texte sans vote.
STABILITÉ
Les débats sur le budget ont aussi été nourris avec Les Républicains et le camp présidentiel (Ensemble pour la République, Horizons, MoDem), socle nécessaire, mais pas suffisant, pour assurer la pérennité de l’ère Bayrou.
Le Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen, dont les 125 députés ont fait tomber le précédent gouvernement de Michel Barnier après avoir pourtant obtenu des concessions, brandit cette fois encore le couperet de la censure alors que les négociations avec l’actuel gouvernement n’ont jamais cessé.
« Je suis très inquiet parce qu’on rentre dans cette CMP avec très peu d’informations », a commenté jeudi sur franceinfo le député RN Jean-Philippe Tanguy, membre de la CMP.
« On a un budget ectoplasmique », a-t-il ajouté, prêtant à François Bayrou « l’obsession de ne froisser personne, de ne déranger personne ».
Le camp présidentiel considère la nécessaire relance d’un pays en proie à une incertitude nocive pour l’économie depuis la dissolution de juin comme le meilleur atout de François Bayrou.
« Le scénario le plus probable, c’est un budget adopté via le 49-3 et pas de censure ensuite, car les parlementaires savent que les Français en ont assez du chaos et veulent de la stabilité », veut croire une source parlementaire « macroniste ».
(Rédigé par Elizabeth Pineau et Blandine Hénault)