Anniversaire de la guerre en Ukraine sur fond de doutes sur le soutien des USA à Kyiv
par Tom Balmforth et Olena Harmash
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KYIV (Reuters) – La guerre entre l’Ukraine et la Russie va entrer dans sa quatrième année, alors que lundi marque le troisième anniversaire de l’offensive lancée par Moscou, sur fond d’incertitudes à Kyiv à l’égard du soutien crucial des Etats-Unis, au moment même où les troupes ukrainiennes peinent à repousser les assauts incessants de l’armée russe.
En milieu de semaine dernière, le président américain Donald Trump s’en est pris vivement à Volodimir Zelensky, qualifiant son homologue ukrainien de « dictateur » et l’exhortant à sceller rapidement un accord de paix sous peine de perdre son pays. Zelensky a accusé Trump de vivre dans une « bulle de désinformation » russe.
Cette querelle est survenue en parallèle à l’ouverture de discussions entre Washington et Moscou, dont des représentants de haut rang se sont rencontrés mardi dernier en Arabie saoudite pour évoquer notamment le conflit en Ukraine – un changement de posture radical de la part des Etats-Unis qui a décontenancé et inquiété l’Ukraine et les Européens, tenus à l’écart.
L’administration de Donald Trump, revenu au pouvoir à la Maison blanche le 20 janvier, a également fait savoir qu’elle n’enverrait aucun soldat en Ukraine pour apporter les garanties réclamées par Kyiv en cas d’accord de paix, laissant aux puissances européennes la responsabilité d’une telle mission, à la réalisation compliquée sans le soutien américain.
Volodimir Zelensky a multiplié les échanges téléphoniques avec des dirigeants européens ces derniers jours, avec l’objectif de s’assurer de leur soutien et d’établir la marche à suivre, après avoir demandé à l’Europe de créer sa propre armée et appelé les Etats-Unis à se montrer « pragmatiques ».
« Trois ans de résistance. Trois ans de remerciement. Trois ans d’héroïsme absolu des Ukrainiens. Je suis fier de l’Ukraine ! », a déclaré Volodimir Zelensky sur l’application de messagerie Telegram, alors que des dirigeants étrangers commençaient à arriver à Kyiv pour montrer leur soutien au pays.
Parmi les dirigeants européens arrivés en Ukraine, figurent notamment la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, le président du Conseil européen, Antonio Costa et des représentants de pays alliés, dont Benjamin Haddad, ministre français délégué chargé de l’Europe.
« Ce que nous dirons avec les chefs d’Etat et de gouvernement réunis autour de Volodimir Zelensky, c’est que ce qui se passe ici engage notre responsabilité. Donc c’est le moment de rester unis, déterminés (…), assurer un rapport de force avec la Russie », a dit Benjamin Haddad sur BFMTV, depuis Kyiv.
« ÉPUISÉS PSYCHOLOGIQUEMENT »
Des milliers de civils ukrainiens ont été tués depuis le lancement le 24 février 2022 de ce que la Russie a présenté comme une « opération militaire spéciale », qualifiée d’invasion par l’Ukraine et ses alliés occidentaux. Plus de 6 millions de citoyens ukrainiens ont fui le pays.
Si les pertes sur les lignes de front restent tenues secrètes, aussi bien par Kyiv que Moscou, des estimations de pays occidentaux basées sur des compte-rendus des services de renseignement divergent mais font toutes état de centaines de milliers de soldats tués ou blessés dans les deux camps.
Nombre de familles ukrainiennes ont été affectées par le conflit dans chaque recoin du pays, où les funérailles militaires sont devenues courantes. La population est exténuée, entre les sirènes d’alerte au milieu de la nuit et les frappes russes contre des infrastructures énergétiques.
Evhen Kolosov, chef des services de secours sur une base militaire ukrainienne dans l’Est du pays, a déclaré que les soldats étaient épuisés psychologiquement.
« Ils continuent de se battre, mais ceux (qui sont là) depuis les premiers jours sont fatigués, davantage psychologiquement que physiquement, de même que les médecins. C’est difficile, mais c’est la guerre », a-t-il dit.
Pavlo Klimkin, ancien ministre des Affaires étrangères à Kyiv, a déclaré qu’il fallait que Volodimir Zelensky tente de préserver les liens stratégiques avec Washington tout en renforçant les relations avec l’Europe et en entrant en contact avec d’autres pays comme la Chine et l’Inde.
Les relations entre l’Ukraine et les Etats-Unis n’ont pas encore atteint un point de crise, en dépit des coups de colère de Donald Trump, a estimé celui qui fut chef de la diplomatie ukrainienne de 2014 à 2019.
« Cette tornade n’est pas viable, elle va passer, mais il est important de ne pas l’alimenter de quelque manière que ce soit », a dit Pavlo Klimkin.
Il a ajouté ne pas s’attendre à un accord cette année qui répondrait aux attentes de Kyiv – une paix durable et juste -, mais a déclaré qu’un cessez-le-feu était envisageable.
Au coeur de la relation actuelle entre Kyiv et Washington se trouve la question des minerais ukrainiens, auxquels Donald Trump entend avoir accès, alors que le président américain dit vouloir récupérer les centaines de milliards de dollars d’aides apportées par les Etats-Unis à l’Ukraine.
Volodimir Zelensky a refusé de signer plus tôt ce mois-ci un projet d’accord sur les minerais, déplorant l’absence de garanties sécuritaires réclamées par Kyiv et déclarant que l’accord n’était en l’état pas dans l’intérêt du pays.
Donald Trump a déclaré vendredi qu’un accord était proche, sans donner davantage de précisions.
Le chef de la Maison blanche a réclamé par ailleurs que l’Ukraine organise des élections, alors qu’un scrutin était prévu l’an dernier, reprochant à Volodimir Zelensky son manque de légitimité – une critique formulée de longue date par la Russie.
Volodimir Zelensky, dont le mandat devait expirer en mai dernier, dit ne pas pouvoir organiser d’élections du fait de la loi martiale entrée en vigueur en Ukraine en réponse à l’offensive lancée par la Russie.
Le président ukrainien a déclaré dimanche qu’il était prêt à quitter ses fonctions si cela permettait la conclusion d’un accord de paix et l’entrée de l’Ukraine au sein de l’Otan.
(Avec la contribution de Dan Peleschuk, Max Hunder, Vitalii Hnidyi; version française Jean Terzian et Kate Entringer; édité par Augustin Turpin)
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