L’équipe de campagne d’Emmanuel Macron taille en secret ses flèches contre la droite
À l'heure de l'intelligence artificielle, l'accès à des faits vérifiables est crucial. Soutenez le Journal Chrétien en cliquant ici.Emmanuel Macron a beau ne pas encore avoir officialisé sa candidature pour un second mandat, une équipe de campagne officieuse essentiellement composée de personnalités du camp conservateur oeuvre déjà en coulisses avec une mission claire : repousser la menace venue de la droite.
Le président français, qui a battu Marine Le Pen en 2017 sur une ligne « ni de droite ni de gauche » était jusqu’à un passé récent presque certain de retrouver la présidente du Rassemblement national au second tour de l’élection prévue en avril 2022, et de l’emporter in fine.
C’était compter sans la récente montée en puissance du polémiste souverainiste Eric Zemmour, en passe de changer la dynamique de la course à l’Elysée. Marine Le Pen perd du terrain dans les sondages, le vote d’extrême droite est désormais divisé, tandis que le camp Les Républicains (LR) tente de s’unir.
Déjà en course pour 2022, l’ancien ministre Xavier Bertrand a accepté de participer au congrès de LR, parti qu’il avait quitté en 2017, qui désignera son champion le 4 décembre.
L’ancien négociateur du Brexit Michel Barnier et la présidente de la région Ile-de-France Valérie Pécresse sont aussi candidats et le gagnant représentera pour le président sortant une menace plus grande qu’un postulant d’extrême droite.
« LECORNU NIERA SI VOUS LE LUI DEMANDEZ »
Selon trois sources au sein de la majorité, cette équation a conduit Emmanuel Macron à promouvoir secrètement Sébastien Lecornu, actuel ministre des Outre-mer. « Il a chargé Lecornu de la campagne. Lecornu niera si vous le lui demandez. Parce que confirmer signifierait que le président se présente », a dit l’une d’elles à Reuters.
L’entourage de l’intéressé temporise, sans démentir. « Est-ce qu’il sera directeur de campagne ou autre, je n’ai pas la réponse », dit-on. « Sébastien Lecornu encourage chaque élu à créer son comité local pour avoir un maillage et contrecarrer l’idée que le président serait hors sol, déconnecté des territoires ».
L’Elysée a pour sa part déclaré à Reuters : « Le président n’est pas candidat. Il est pleinement concentré sur son action pour le pays ».
Aujourd’hui âgé de 35 ans, Sébastien Lecornu est entré en politique dès l’adolescence dans les pas de Nicolas Sarkozy, dont il est devenu le conseiller à 22 ans. Il a aussi dirigé la campagne de l’actuel ministre de l’Economie Bruno Le Maire pour prendre la direction de l’UMP en 2013.
Comme lui, des stratèges issus de la droite conservatrice joueront un rôle de premier plan dans la campagne de 2022, éclipsant des fidèles venus de la gauche comme le député européen Stéphane Séjourné, futur chef de file de Renew Europe, qui passera donc plus de temps à Strasbourg et Bruxelles.
De quoi irriter les « Mormons » issus de centre-gauche qui ont contribué à installer Emmanuel Macron à l’Elysée en 2017. Interrogé sur le rôle confié à Sébastien Lecornu, une source issue de ce camp a répondu : « J’ai entendu ça aussi. Je ne suis pas fan du personnage. Mais comme en 2017, le vrai directeur de campagne ça restera le président lui-même. Il a des intuitions absolument folles. »
Les différents courants de la sphère présidentielle s’entendent au moins sur une chose : c’est à droite que se jouera la campagne.
Selon des proches du président, ce dernier a identifié deux sortes d’électeurs de droite : ceux préoccupés par les questions identitaires (et les sujets comme l’immigration, l’islam, etc.) et ceux pour qui l’économie et les réformes sont une priorité.
« Nous voulons attirer la droite économique, qui nous est déjà favorable aux deux tiers. Notre cible numéro un, c’est le tiers restant, qui vote toujours pour Les Républicains », a déclaré l’une de ces sources.
Thierry Solère, élu de droite devenu conseiller politique du président, a manoeuvré avec succès pour diviser la droite en Provence-Alpes-Côte d’Azur, la région où Emmanuel Macron avait obtenu le score le plus faible en 2017.
MACRON « MAÎTRE DES HORLOGES JUSQU’AU BOUT »
De puissants barons conservateurs comme les maires des puissantes Nice, Christian Estrosi, et Toulon, Hubert Falco, sont tombés dans l’escarcelle présidentielle et un accord a été passé avec le président de région LR sortant, Renaud Muselier, finalement réélu face à un candidat du Rassemblement national.
« Qu’ils aillent à la radio pour soutenir le président, ça change tout », souligne une source.
Malgré cette nette inclinaison vers la droite, Emmanuel Macron sauvera les apparences en confiant des missions à des étoiles montantes issues de la gauche comme Clément Beaune, secrétaire d’Etat aux Affaires européennes et Gabriel Attal, le porte-parole du gouvernement, ont indiqué deux sources.
La déclaration de candidature d’Emmanuel Macron devrait survenir tardivement, pas avant janvier ou février, pour profiter le plus longtemps possible de l’autorité et du prestige de la fonction présidentielle, souligne une autre source. « Maître des horloges jusqu’au bout », ajoute-t-elle dans un sourire à propos du chef de l’Etat.
Signe supplémentaire que cette candidature n’est qu’un secret de Polichinelle : selon deux sources, une aile du nouveau siège du parti présidentiel La République en marche, dans le 8e arrondissement de Paris, est prête à accueillir la future équipe de campagne.
A six mois du scrutin, alors qu’Eric Zemmour continue de troubler le jeu tandis que l’ancien Premier ministre Edouard Philippe vient de lancer son parti, Horizons – en restant loyal au président mais avec un oeil sur les futures élections législatives -, une certaine nervosité s’empare du camp présidentiel.
« Il ne faut pas s’endormir ni considérer que c’est gagné. Il faut laisser les autres patauger et faire des projets », affirme Jean-Marc Borello, haut responsable de LaRem.
(Edité par Blandine Hénault)