Washington instaure des droits de douane de 25% sur l’acier et l’aluminium
par David Lawder et Andrea Shalal
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WASHINGTON (Reuters) – Les Etats-Unis ont instauré mercredi des droits de douane de 25% sur toutes leurs importations d’acier et d’aluminium, une nouvelle escalade dans la guerre tarifaire qu’entend mener Donald Trump pour réduire le déficit commercial et protéger les producteurs sidérurgiques américains.
La Commission européenne a promis de riposter à cette mesure annoncée il y a un mois par Washington en surtaxant pour 26 milliards d’euros de produits américains à partir du 1er avril.
Le Canada, principal fournisseur d’acier et d’aluminium des Etats-Unis, a annoncé pour sa part l’instauration dès jeudi de droits de douane de 25% sur des produits américains importés d’une valeur totale de 29,8 milliards de dollars canadiens (19 milliards d’euros), dont des produits sidérurgiques pour 12,6 milliards, des biens en aluminium pour 3 milliards, et diverses marchandises (équipements sportifs, ordinateurs, etc) pour 14,2 milliards de dollars canadiens.
Le relèvement des droits de douane américains concerne non seulement l’acier et l’aluminium mais aussi 289 catégories de produits dérivés (écrous, boulons, pièces automobiles, canettes de soda, lames de bulldozers, etc), soit près de 150 milliards de dollars (137,4 milliards d’euros) de biens importés selon les données 2024 de l’US International Trade Commission.
Le recours systématique de Donald Trump à l’arme tarifaire, non sans revirements et contradictions, a douché l’enthousiasme initial des marchés financiers qui avaient applaudi son retour à la Maison blanche le 20 janvier.
Wall Street a effacé tous les gains engrangés depuis la victoire en novembre de l’ex-promoteur immobilier à la présidentielle, la confiance des investisseurs et consommateurs américains est ébranlée et des économistes s’inquiètent d’un risque de contraction de la croissance voire de récession.
S’exprimant sur Fox Business Network, le secrétaire américain au Commerce, Howard Lutnick, a déclaré que rien n’arrêterait Donald Trump dans sa volonté de protéger l’industrie sidérurgique américaine. Il n’a pas exclu que les importations de cuivre soient également surtaxées.
BRUXELLES PRÊT À « UN DIALOGUE CONSTRUCTIF »
La hausse des droits de douane sur l’acier et l’aluminium, qui devrait également peser sur le commerce mondial, a été unanimement condamnée à l’étranger.
« Nous sommes fermement convaincus que dans un monde confronté à des incertitudes géo-économiques et géopolitiques, il n’est pas dans notre intérêt commun d’entraver nos économies avec de tels droits de douane », a déclaré la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, à des journalistes.
« Nous sommes prêts à engager un dialogue constructif », a-t-elle ajouté, indiquant avoir demandé au commissaire européen au Commerce, Maros Sefcovic, de reprendre les discussions « pour examiner de meilleures solutions » avec Washington.
Donnant le ton des discussions à venir, le représentant américain au Commerce, Jamieson Greer, a estimé que les mesures de rétorsion européennes ignoraient totalement les impératifs de sécurité nationale des Etats-Unis. Dans un communiqué, il a également accusé l’UE d’avoir rejeté les efforts déployés par Washington pour réduire les surcapacités de production d’acier et d’aluminium dans le monde.
La décision de l’administration de Donald Trump a été bien accueillie par les sidérurgistes américains, les surtaxes déjà imposées en 2018, sous le premier mandat du président républicain, ayant perdu de leur impact au fil des dérogations accordées par son successeur Joe Biden.
« En remédiant aux failles qui ont été exploitées toutes ces années, le président Trump dynamise à nouveau une industrie sidérurgique prête à reconstruire l’Amérique », a déclaré Philip Bell, le président de la Steel Manufacturers Association, le lobby du secteur.
Avec ces droits de douane révisés, a-t-il estimé, « les producteurs d’acier américains pourront continuer à créer de nouveaux emplois bien rémunérés et à réaliser des investissements plus importants, sachant qu’ils ne seront pas handicapés par des pratiques commerciales déloyales ».
TENSIONS AVEC LE CANADA
Les pays les plus affectés devraient être, outre le Canada, le Brésil, le Mexique et la Corée du Sud, qui bénéficiaient jusqu’ici d’un régime d’exemptions ou de quotas.
Donald Trump est allé mardi jusqu’à menacer d’imposer des droits de douane de 50% sur l’acier et l’aluminium canadiens avant de revenir sur sa décision, la province de l’Ontario ayant de son côté suspendu sa menace de surtaxer de 25% ses exportations d’électricité vers les Etats américains du Minnesota, du Michigan et de New York.
Le ministre canadien de l’Energie, Jonathan Wilkinson, a déclaré que son pays pourrait imposer des mesures non tarifaires telles que la restriction de ses exportations de pétrole vers les Etats-Unis ou la perception de droits d’exportation sur ses minerais si les droits de douane américains étaient maintenus.
Howard Lutnick doit s’entretenir jeudi à Washington avec le gouverneur de l’Ontario, Doug Ford, et il a dit espérer « faire baisser la température » dans les relations entre les deux pays. « Ensuite, nous négocierons avec l’ensemble du Canada », a-t-il dit sur Fox Business.
Doté de vastes ressources hydroélectriques, le Canada a acquis une position dominante sur le marché américain de l’aluminium alors que les fonderies américaines ont été mises à l’arrêt.
Loin derrière le Canada, la Chine est le deuxième fournisseur d’aluminium et de ses produits dérivés aux Etats-Unis. Elle doit déjà faire face à des mesures anti-dumping imposées par Washington ainsi qu’à une hausse de 20% des droits de douane sur ses exportations vers les Etats-Unis.
L’Union européenne devrait être moins touchée. L’institut économique allemand Kiel a estimé que les taxes américaines n’affecteraient que 0,02% du PIB de l’UE car « seule une infime fraction » des produits ciblés sont exportés aux Etats-Unis.
La riposte promise par Bruxelles, portant sur des produits aussi divers que le bourbon, les peignoirs ou le fil dentaire, ne couvre que des marchandises représentant six jours d’échanges de biens et de services entre l’UE et les Etats-Unis.
Le lobby des spiritueux SpiritEurope, qui défend les intérêts de grands producteurs des deux côtés de l’Atlantique comme Diageo ou le fabricant du whisky Jack Daniel’s Brown-Forman, a cependant estimé que le rétablissement d’une surtaxe sur le bourbon aurait des « conséquences dévastatrices » y compris pour les groupes européens installés aux Etats-Unis.
(Avec Philip Blenkinsop à Bruxelles, David Ljunggren à Ottawa, Jarrett Renshaw et Arathy Somasekhar à Houston, Shubham Kalia et Gnaneshwar Rajan à Bangalore et Renju Jose à Sydney; version française Camille Raynaud et Jean-Stéphane Brosse, édité par Blandine Hénault)
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