Tunisie: Un juge ordonne l’incarcération de l’opposant Rached Ghannouchi
TUNIS (Reuters) – Un juge d’instruction tunisien a ordonné jeudi le placement en détention de Rached Ghannouchi, chef de file du parti islamiste modéré Ennahda, le principal parti d’opposition au président Kaïs Saïed, a déclaré à Reuters l’avocate de l’homme politique.
Arrêté lundi, Rached Ghannouchi, un des plus virulents critiques de la dérive autoritaire du président Kaïs Saïed, est accusé de complot contre la sécurité intérieure de l’Etat. La décision de l’emprisonner a été prise à l’issue d’une enquête qui a duré huit heures, a-t-elle ajouté.
Les autorités tunisiennes ont multiplié les arrestations d’opposants depuis le début de l’année, enfermant de plus en plus le régime de Kaïs Saïed dans une logique répressive, après la suspension du Parlement en 2021 et l’adoption d’une Constitution accordant les quasi pleins pouvoirs au chef de l’Etat.
« La décision d’emprisonner M. Ghannouchi a été prise à l’avance, uniquement parce qu’il a exprimé son opinion », a déclaré à Reuters l’avocate Monia Bouali.
De son côté, le parti Ennahda a condamné une « décision injuste » visant selon lui à masquer l’échec de la gestion de la crise économique et financière qu’affronte le pays.
« Je suis optimiste pour l’avenir […]. La Tunisie est libre », peut-on lire sur la page officielle de Rached Ghannouchi sur Facebook.
L’homme politique, âgé de 81 ans, présidait le Parlement qui a été fermé en 2021 par Kaïs Saïed.
Les autorités tunisiennes ont par ailleurs interdit mardi les réunions dans tous les bureaux du parti Ennahda et la police a fermé le quartier général du Front du salut national, la principale coalition d’opposition.
Ennahda craint que cette mesure n’ouvre la voie à l’interdiction du parti, a-t-il déclaré.
L’arrestation de Rached Ghannouchi, la fermeture du siège d’Ennahda et l’interdiction des réunions des groupes d’opposition constituent une escalade inquiétante, a jugé mercredi le département d’Etat américain.
Mardi, après l’annonce de l’arrestation de Rached Ghannouchi, la France a appelé « les autorités tunisiennes à veiller au respect de l’indépendance de la justice et des droits de la défense ».
Un responsable du ministère de l’Intérieur a déclaré que Rached Ghannouchi avait été arrêté dans le cadre d’une enquête sur des déclarations « inflammatoires ».
Rached Ghannouchi, revenu en Tunisie lors de la révolution de 2011 après des années d’exil, a dit samedi dernier lors d’un meeting que « la Tunisie sans Ennahda, sans l’islam politique, sans la gauche, ou toute autre composante, est un projet de guerre civile », en imputant implicitement cette intention à Kaïs Saïed.
(Reportage Tarek Amara, rédigé par Kim Coghill et Mark Potter, version française Diana Mandiá, édité par Blandine Hénault)
Faites un don au Journal Chrétien avant le 31 décembre et bénéficiez de 66% de déduction fiscale