Les Syriens célèbrent la chute de Bachar al Assad, qui a fui en Russie (actualisé)
par Suleiman Al-Khalidi et Timour Azhari
DAMAS (Reuters) – Les rebelles syriens ont envahi Damas dimanche sans rencontrer d’opposition et renversé le président Bachar al Assad, mettant fin à la dynastie familiale au pouvoir depuis plus d’un demi-siècle, après une avancée éclair qui a inversé le cours de la guerre civile débutée il y a 13 ans.
Les rebelles syriens ont également porté indirectement un coup dur à la Russie et à l’Iran, deux pays qui soutenaient Bachar al Assad et disposent d’une grande influence dans la région.
Selon une source du Kremlin citée par les agences de presse russes, la Russie a accordé l’asile politique à Bachar al Assad et sa famille, qui se trouvent à Moscou.
Cet évènement pourrait permettre à des millions de réfugiés dispersés depuis plus d’une décennie dans des camps en Turquie, au Liban ou encore en Jordanie, de retourner chez eux.
« Combien de personnes ont été déplacées à travers le monde ? Combien de personnes vivaient dans des tentes ? Combien se sont noyées en mer ? », a déclaré le chef rebelle Abou Mohammed al Joulani à une foule immense réunie dans la grande mosquée des médiévale des Omeyyades, au centre de Damas, en faisant référence aux réfugiés qui se sont noyés en essayant de rejoindre l’Europe.
« Une nouvelle histoire, mes frères, est en train de s’écrire dans toute la région après cette grande victoire », a-t-il affirmé. Il faudra travailler dur pour construire une nouvelle Syrie qui, selon lui, sera « un phare pour la nation islamique ».
Le régime de la famille Assad, qui a débuté dans les années 1960 avec le père, Hafez al Assad, est connu comme l’un des plus durs du Moyen-Orient, avec des centaines de milliers de prisonniers politiques enfermés.
Les rebelles ont libéré des prisonniers d’un important centre de détention à la périphérie de Damas où le gouvernement syrien avait enfermé des milliers de personnes.
Les détenus, à la fois déconcertés et heureux, ont quitté les prisons tandis que leurs familles se réjouissaient de leur libération.
« Nous célébrons avec le peuple syrien la nouvelle de la libération de nos prisonniers et de la libération de leurs chaînes », ont dit les rebelles.
CÉLÉBRATIONS
Alors que le soleil se couchait Damas, les routes menant à la ville étaient pour la plupart vides, à l’exception de motos transportant des hommes armés et des véhicules rebelles recouverts de boue brunâtre en guise de camouflage.
Des hommes ont été aperçus en train de piller un centre commercial sur la route reliant la capitale à la frontière libanaise, entassant des marchandises dans des sacs en plastique ou dans des camionnettes.
Les innombrables postes de contrôle qui jalonnent la route vers Damas étaient vides. Un camion militaire syrien en feu était garé en diagonale sur la route qui mène hors de la ville.
Une épaisse colonne de fumée noire s’échappait du quartier de Mazzeh, où des frappes israéliennes ont frappé plus tôt des antennes des services de sécurité de l’Etat syrien, selon deux sources de sécurité.
Au cours de la soirée, des coups de feu intermittents retentissaient dans toute la ville, apparemment en signe de célébration.
Les magasins et les restaurants ont fermé tôt, conformément au couvre-feu imposé par les rebelles. Juste avant son entrée en vigueur, on pouvait voir des gens rentrer chez eux à grandes enjambées, chargés de pain.
Les rebelles ont dit plus tôt qu’ils étaient entrés dans la capitale sans aucune opposition. Des milliers de personnes en voiture et à pied se sont rassemblées sur la place principale de Damas, scandant « Liberté ».
Des personnes ont été aperçues à l’intérieur du palais présidentiel d’Al Rawda, certains en sortaient en emportant des meubles. Une moto était garée sur le parquet luxueux d’une des pièces du palais.
« L’AVENIR NOUS APPARTIENT »
Abou Mohammed al Joulani, le chef de la faction qui a mené l’assaut – Hayat Tahrir al Cham (HTC), ancienne branche syrienne d’Al Qaïda -, a déclaré qu’il n’y avait pas de retour en arrière.
« L’avenir nous appartient », a-t-il dit dans une déclaration lue à la télévision d’État.
La coalition rebelle syrienne a indiqué qu’elle travaillait à achever le transfert du pouvoir à un organe de transition doté de pouvoirs exécutifs.
« La grande révolution syrienne est passée du stade de la lutte pour renverser le régime d’Assad à la lutte pour construire ensemble une Syrie digne des sacrifices de son peuple », a-t-elle ajouté dans un communiqué.
Le Premier ministre Mohammad Ghazi al Jalali a déclaré que son pays devrait organiser des élections libres afin que les Syriens puissent choisir leurs dirigeants. Mais cela nécessitera une transition en douceur dans un pays où les intérêts sont complexes et divergents, allant des islamistes aux groupes liés aux Etats-Unis, à la Russie et à la Turquie.
Il a ajouté avoir été en contact avec Abou Mohammed al Joulani pour discuter de la manière de gérer la période de transition.
L’effondrement du régime de Bachar al Assad fait suite à un changement dans l’équilibre des pouvoirs au Moyen-Orient après que de nombreux dirigeants du Hezbollah libanais, soutenu par l’Iran, pilier de la force de combat du président syrien, ont été tués par Israël au cours des deux derniers mois.
STABILISER LA SYRIE
Les forces syriennes, soutenues par la Turquie, ont pris le contrôle d’environ 80% de la région de Manbij, dans le nord de la Syrie, et sont proches de la victoire contre les forces kurdes, a déclaré une source de sécurité turque.
Dans une allocution télévisée, le président américain Joe Biden a salué la chute d’Assad, tout en reconnaissant qu’il s’agissait d’un moment de risque et d’incertitude. Il s’est engagé à soutenir les voisins de la Syrie.
Des partisans de la révolte en liesse ont envahi des ambassades syriennes dans plusieurs villes du monde, abaissant les drapeaux rouge, blanc et noir de l’ère Assad pour les remplacer par le drapeau vert, blanc et noir de ses opposants.
Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a salué dimanche l’éviction du président syrien, parlant d’une « journée historique » qui fait suite aux coups portés par Israël à l’endroit des soutiens de Bachar al Assad, l’Iran et le Hezbollah libanais.
« L’Etat de barbarie est tombé. Enfin », a écrit sur le réseau social X le président français Emmanuel Macron, tandis que la France a salué la chute du régime du président syrien et appelé à la fin des combats, ainsi qu’à une transition politique pacifique dans le pays.
Une fois passée la période de liesse, les nouveaux dirigeants syriens seront confrontés à la tâche ardue d’apporter la stabilité à un pays divisé qui aura besoin de milliards de dollars d’aide.
La guerre civile en Syrie, qui a éclaté en 2011 sous la forme d’un soulèvement contre le régime de Bachar al Assad, a entraîné l’intervention de grandes puissances extérieures et provoqué un afflux de millions de réfugiés dans les Etats voisins.
Les lignes de front de la guerre civile en Syrie sont restées inactives pendant des années. Puis des islamistes autrefois affiliés à Al Qaïda sont soudainement entrés en action, posant un défi majeur à Bachar al Assad, qui avait survécu à des années de guerre et d’isolement international avec l’aide de la Russie, de l’Iran et du Hezbollah libanais.
(Reportage Suleiman al-Khalidi à Damas, Timour Azhari, Tom Perry, Maya Gebeily et Laila Bassam à Beyrouth, Jaidaa Taha et Adam Makary au Caire, Clauda Tanios, Nadine Awadallah et Tala Ramadan à Dubaï; Phil Stewart, Idrees Ali, Trevor Hunnicutt à Washington et Alex Cornwell à Manama; rédigé par Angus McDowall, Matt Spetalnick, Michael Perry et Michael Georgy; version française Claude Chendjou et Kate Entringer)
Faites un don au Journal Chrétien avant le 31 décembre et bénéficiez de 66% de déduction fiscale