Les Européens se détournent des Etats-Unis à cause de Donald Trump
par Joanna Plucinska, Doyinsola Oladipo et Ilona Wissenbach
LONDRES/NEW YORK (Reuters) – Kennet Brask, un Danois parti pêcher en Floride il y a deux ans, brûlait de renouveler l’expérience en 2025. Mais Donald Trump et son altercation historique avec Volodimir Zelensky le 28 février à la Maison blanche ont joué comme un repoussoir.
Comme lui, de nombreux Européens ont décidé de reconsidérer leur projet de voyage aux Etats-Unis depuis l’investiture de Donald Trump, le 20 janvier, et les décisions radicales qui ont suivi, selon cinq agents de voyage européens.
« Quand j’ai vu cet échange, je me suis dit que je n’irais jamais aux États-Unis tant que Donald Trump en serait le président », témoigne Kennet Brask, ajoutant que le président américain était « très impoli » et ne se comportait pas comme un adulte.
Il se rendra finalement au Mexique.
Selon des données de l’Union européenne, les Européens ont dépensé 155 milliards de dollars (142,86 milliards d’euros) pour des voyages aux Etats-Unis en 2023, alors que les vols transatlantiques ont largement bénéficié aux compagnies aériennes, British Airways notamment, ces derniers trimestres.
Le nombre de visiteurs d’Europe occidentale aux États-Unis a chuté de 1% en glissement annuel en février, selon les données préliminaires de l’Office américain pour le voyage et le tourisme (NTTO), après avoir augmenté de 14% sur la même période en 2024. La palme revient aux voyageurs slovènes, dont le nombre a chuté de 26%, suivis des voyageurs suisses et belges.
La volonté de Donald Trump d’annexer le Groenland, un territoire autonome du Danemark, a particulièrement hérissé les Danois. Kim Kugel Sorenson a déclaré à Reuters avoir annulé un voyage en Californie pour le mariage d’un ami de la famille et effacé la bannière étoilée sur l’un de ses tatouages pour ne pas avoir l’air d’être pro-américain.
Les arrivées au Danemark en provenance des États-Unis ont diminué de 6% en février après avoir augmenté de 7% l’année précédente, selon les données du NTTO.
Des agences européennes de voyage et de données liées au tourisme ont également confirmé à Reuters avoir observé une baisse des recherches pour les voyages aux États-Unis, ce qui les pousse à proposer désormais d’autres destinations.
« Nous avons pris la décision de ne pas dépenser un seul centime sur du marketing pour des séjours aux USA à cause du manque de clients, de la situation actuelle et de l’attitude à l’encontre du Danemark et du Groenland en particulier », explique Steen Albrechtsen, un gestionnaire de produit senior chez Albatros Travel Company à Copenhague.
Les visiteurs étrangers dépensent aux Etats-Unis en moyenne sept à huit fois plus que les voyageurs américains, selon l’Association américaine du voyage.
La hausse du dollar et le ralentissement de l’économie européenne pourraient également dissuader des voyageurs de se rendre en Amérique du Nord, bien que les agents de voyage soulignent que la nouvelle donne politique est la raison principale de cette désaffection.
Le nombre de recherches internet pour des vols à destination des États-Unis a fortement régressé ce mois-ci en France, en Italie et en Espagne, selon Mirko Lalli, le dirigeant de la Data Appeal Company, un fournisseur de données sur le tourisme. La demande britannique demeure en revanche robuste, précise-t-il.
LE CANADA ATTIRE
Les Allemands en particulier jettent leur dévolu sur le Canada comme solution alternative, a déclaré l’agence de voyage allemande America Unlimited.
Donald Trump ayant menacé de faire du Canada le 51e état américain, certains Européens considèrent que s’y rendre est un signe de solidarité.
« Le Canada fait face à une explosion de la demande sans précédent », confirme le dirigeant d’America Unlimited Timo Kohlenberg.
De leur côté, les Canadiens pourraient se rendre en grand nombre en Europe cet été s’ils boudent les États-Unis.
Le nombre de logements saisonniers loués par des Canadiens a augmenté de 32% entre juin et août sur un an, selon Key Data, une entreprise qui analyse les locations à court terme.
D’autres entreprises liées au voyage telles que le plus grand tour opérateur d’Europe TUI s’attendent tout de même à ce que la demande pour le marché américain se maintienne, en particulier pour les courts séjours citadins et les excursions en camping-car.
« Nous anticipons plus de voyageurs allemands aux États-Unis qu’en 2024 », a précisé un porte-parole de TUI à Reuters.
En février, le nombre de visiteurs allemands aux États-Unis a diminué de 9% sur un an après avoir augmenté de 18% sur la même période l’année précédente, selon le NTTO.
Le Royaume-Uni et l’Allemagne ont mis à jour leur avis aux voyageurs vers les États-Unis, insistant sur les règles d’entrée dans le pays. Le ministère des Affaires étrangères allemand a déclaré être en train de vérifier les règles américaines en matière d’immigration après que trois citoyens ont été arrêtés.
Maria del Carmen Ramos, avocate spécialisée dans l’immigration et partenaire chez Shumaker, Loop & Kendrick LLP, explique que les voyageurs se présentant à la frontière américaine font face à des contrôles plus stricts, les agents des douanes disposant de nombreuses prérogatives.
« C’est le Far West à la frontière et les procédures n’ont ni rime ni raison », déplore-t-elle.
(Avec Stine Jacobsen à Copenhague; version française Pauline Foret, édité par Sophie Louet)
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