La présidente géorgienne appelle à manifester contre le parti au pouvoir après les législatives
par Felix Light et Lucy Papachristou
TBILISSI (Reuters) -La présidente géorgienne Salomé Zourabichvili a appelé dimanche la population à descendre dans la rue pour protester contre les résultats des élections législatives remportées par le parti au pouvoir, selon les données de la commission électorale.
Rêve géorgien, le parti au pouvoir en Géorgie, a remporté les élections législatives qui se tenaient samedi dans l’Etat du Caucase avec plus de 54% des voix, selon des résultats quasi définitifs, a annoncé dimanche la commission électorale.
L’opposition pro-occidentale a refusé de reconnaître la victoire d’une formation qu’elle accuse de dérive autoritaire et d’alignement sur la Russie, l’un de ses dirigeants qualifiant le scrutin de « coup de force constitutionnel ».
La présidente Salomé Zourabichvili – ancienne alliée devenue adversaire de Rêve géorgien et dont les fonctions sont essentiellement honorifiques – a refusé de reconnaître le résultats de l’élection, dénonçant une « falsification totale » des votes.
Elle a appelé les Géorgiens à manifester lundi soir dans le centre de la capitale, Tbilissi, « pour annoncer au monde que nous ne reconnaissons pas ces élections », a-t-elle dit aux journalistes.
Rêve géorgien, qui se dirige désormais vers un quatrième mandat, remporterait 89 sièges au Parlement, soit un de moins qu’en 2020, selon la commission électorale. Les quatre partis d’opposition pro-occidentaux recevraient eux 61 sièges au total.
Trois missions d’observation du scrutin – conduites par l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe), les ONG américaines NDI (National Democratic Institute) et IRI (International Republican Institute) et l’ISFED, une organisation géorgienne – ont signalé dimanche des irrégularités importantes.
Elles ont estimé que ces violations, notamment des cas de bourrages des urnes, de corruption, d’intimidation des électeurs ou de violence physique pourraient avoir eu un impact sur le résultat du vote.
Elles n’en ont toutefois pas conclu que les élections avaient été truquées, ce que l’opposition affirme.
INQUIÉTUDE
« Nous continuons d’exprimer notre profonde inquiétude face au recul démocratique en Géorgie », a déclaré Antonio López-Istúriz White, chef de la délégation du Parlement européen au sein de la mission de l’OSCE. « Le déroulement de l’élection d’hier en est malheureusement la preuve. »
Sur le réseau social X, le président du Conseil européen, Charles Michel, a appelé la commission électorale géorgienne à enquêter pleinement sur les irrégularités signalées.
« Nous réitérons l’appel de l’UE aux dirigeants géorgiens pour qu’ils démontrent leur ferme engagement envers la voie de l’adhésion du pays à l’UE », a-t-il dit.
L’ISFED a déclaré que ses observateurs avaient déposé plus de 200 plaintes auprès de la commission électorale. Elle a toutefois ajouté ne pas avoir constaté d’irrégularités significatives lors du dépouillement des bulletins, dont la majeure partie a été comptée par des appareils électroniques.
Ni la commission électorale ni le parti Rêve géorgien n’ont réagi dans l’immédiat à ces allégations. Ils avaient tous deux salué samedi des élections libres et équitables.
Tina Bokoutchava, cheffe du Mouvement national uni, l’un des principaux partis d’opposition, a estimé que l’élection avait été « volée ». « Ma position, notre position, est que nous devons à coup sûr manifester », a-t-elle déclaré dimanche à Reuters.
La Géorgie, brièvement envahie par les troupes russes en 2008, a perdu une partie de son territoire désormais aux mains de séparatistes pro-russes.
L’Etat du Caucase a longtemps figuré parmi les ex-républiques soviétiques les plus favorables à l’Occident et déposé une demande d’adhésion à l’Union européenne.
Mais depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, Rêve géorgien a replacé le pays dans l’orbite de Moscou, en accusant l’Occident de chercher à l’entraîner dans la guerre, ce que l’opposition assimile à une trahison de ses engagements.
Après avoir validé la candidature de Tbilissi, le Conseil européen a gelé en juin dernier la procédure d’adhésion après le vote d’une loi sur la « transparence de l’influence étrangère » inspirée par une législation similaire en Russie. De vastes manifestations contre cette loi controversée ont été réprimées.
(Avec Lili Bayer à Bruxelles, Jean-Stéphane Brosse et Kate Entringer pour la version française)
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