Interview: Les violences qui menacent l’unité de la Syrie ne resteront pas impunies, promet al Charaa
par Samia Nakhoul, Maya Gebeily et Timour Azhari
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(Reuters) – Le président par intérim de la Syrie, Ahmed al Charaa, estime dans une interview à Reuters que le massacre de membres de la communauté minoritaire alaouite favorable au président déchu Bachar al Assad constitue une menace pour l’unification du pays et s’engage à punir les responsables, y compris ses soutiens si nécessaire.
Dans un entretien enregistré après quatre jours d’affrontements entre miliciens alaouites et forces de sécurité islamistes sunnites dans les régions côtières du nord-ouest de la Syrie, Ahmed al Charaa accuse les groupes pro-Assad soutenus par des forces « étrangères » d’avoir déclenché l’effusion de sang, qui a fait plus de mille morts.
Il reconnaît toutefois que des violences ont été menées en représailles par la partie adverse contre des civils, notamment.
« La Syrie est un État de droit. La loi suivra son cours pour tous », a-t-il assuré à Reuters dans le palais présidentiel de Damas, où résidait Bachar al Assad avant son éviction le 8 décembre.
« Nous nous sommes battus pour défendre les opprimés, et nous n’accepterons pas que le sang soit versé injustement, impunément, même par certains de nos proches », a-t-il ajouté.
S’il impute les récents heurts à une ancienne unité militaire loyale au frère de Bachar al Assad, Maher al Assad, et à une « puissance étrangère » qu’il n’a pas identifiée, il concède que « de nombreuses parties ont pénétré sur la côte syrienne et de nombreuses violations ont été commises ».
« C’est devenu une occasion de se venger » de griefs refoulés depuis des années, a-t-il estimé, précisant que la situation avait été largement maîtrisée depuis lors.
Il a souligné que 200 membres des forces de sécurité syriennes avaient été tués lors des affrontements, mais a refusé de préciser le nombre total de victimes avant la conclusion d’une enquête, qui sera menée par un comité indépendant.
Selon des estimations publiées dimanche par l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), organisation basée en Grande-Bretagne, 973 civils alaouites ont été tués, ainsi que plus de 250 combattants alaouites et plus de 230 membres des forces de sécurité syriennes.
UN IMPACT NATIONAL ET INTERNATIONAL
Les événements de ces derniers jours, les plus sanglants depuis la chute d’Assad, sont un revers significatif pour Ahmed al Charaa, qui met à mal sa quête de légitimité sur la scène internationale et dans un pays fracturé par 14 années de guerre civile et toujours soumis à des sanctions occidentales, notamment américaines.
Lors de sa prise de pouvoir en décembre, Ahmed al Charaa promettait un gouvernement inclusif respectant toutes les communautés de Syrie – sunnites, alaouites, druzes, chrétiens, chiites, kurdes et arméniens -, et s’était efforcé d’apaiser les inquiétudes internationales quant à son passé djihadiste.
Il concède que le massacre de civils alaouites risque de faire échouer ses tentatives d’unification nationale.
Cela « aura un impact sur cette voie », a-t-il dit, s’engageant à « rectifier la situation autant que possible ».
Les villes côtières de Lattaquié, Banyas et Jableh, ont par ailleurs été profondément ébranlées par les affrontements, obligeant des milliers d’alaouites à fuir vers des villages montagneux ou à franchir la frontière avec le Liban.
Selon Ahmed al Charaa, des loyalistes d’Assad appartenant à la 4e division de Maher al Assad et une puissance étrangère alliée ont déclenché les affrontements jeudi dernier « pour fomenter des troubles et créer des discordes communautaires. »
S’il n’a pas identifié la puissance étrangère mentionnée, il a pointé du doigt « les parties qui sont perdantes avec la nouvelle réalité en Syrie », une référence implicite à l’Iran, allié de longue date de Bachar al Assad et dont l’ambassade à Damas est toujours fermée.
Téhéran a rejeté toute implication dans les affrontements et a déclaré qu’aucun groupe ne devait être « opprimé ».
L’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie ont fermement soutenu Ahmed al Charaa, tandis que la Russie, ancien allié d’Assad, a exprimé sa profonde inquiétude.
Washington a blâmé les « terroristes islamistes radicaux, y compris les djihadistes étrangers », les puissances occidentales faisant état de leurs inquiétudes et préoccupations.
(Reportage Samia Nakhoul, Timour Azhari et Maya Gebeily à Damas, rédigé par Samia Nakhoul et Timour Azhari, version française Etienne Breban, édité par)
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