« L’avenir de l’Ukraine est dans l’Otan », mais pas d’invitation pour l’heure
À l'heure de l'intelligence artificielle, l'accès à des faits vérifiables est crucial. Soutenez le Journal Chrétien en cliquant ici.Les dirigeants de l’Otan sont convenus mardi que l’avenir de l’Ukraine se trouvait dans l’Alliance mais se sont abstenus d’émettre à Kyiv l’invitation qu’il réclamait ou de dévoiler un calendrier d’adhésion, un scénario que le président ukrainien Volodimir Zelensky avait préalablement décrit comme absurde.
Réunis pour un sommet de deux jours dans la capitale lituanienne Vilnius, dans un contexte de contre-offensive lancée par l’Ukraine afin de reprendre des territoires contrôlés par les troupes russes, les dirigeants de l’Otan ont toutefois levé un obstacle pour Kyiv, supprimant les obligations politiques, économiques et militaires fixées par le Plan d’action pour l’adhésion (MAP).
« L’avenir de l’Ukraine est dans l’Otan », est-il écrit dans une déclaration. « Nous serons en position d’émettre une invitation à l’Ukraine pour rejoindre l’Alliance quand les alliés seront d’accord et les conditions réunies ».
Aucun détail sur les conditions à remplir par l’Ukraine n’a été donné. L’Otan, ont dit toutefois ses dirigeants, aidera Kyiv à effectuer des avancées sur l’interopérabilité militaire ainsi que sur des réformes démocratiques et sécuritaires.
S’exprimant plus tôt dans la journée, Volodimir Zelensky avait fortement critiqué les membres de l’Alliance pour leur refus de communiquer à Kyiv un calendrier d’adhésion.
« Il est sans précédent et absurde qu’aucun délai ne soit fixé pour l’adhésion de l’Ukraine », a-t-il déclaré avant de prendre part au sommet en tant qu’invité spécial, alors que le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, avait indiqué en ouverture du sommet, dans la matinée, que Kyiv recevrait un « message positif et fort » sur son chemin vers l’adhésion.
L’Ukraine « mérite » une invitation à rejoindre l’Otan, a dit Volodimir Zelensky après la déclaration du sommet. « L’Otan va rendre l’Ukraine plus sûre, et l’Ukraine va rendre l’Otan plus forte », a-t-il ajouté lors d’un discours devant plusieurs milliers de personnes dans le centre de Vilnius.
PREMIER SOMMET DE LA FINLANDE EN TANT QUE MEMBRE
Ce début de sommet a été marqué par ailleurs par la perspective de voir la Suède finaliser son adhésion, après que le président turc Recep Tayyip Erdogan a accepté lundi soir de lever son opposition tout en poussant pour que l’Union européenne rouvre des discussions avec Ankara pour l’intégrer.
La Finlande, qui a opéré l’an dernier en même temps que la Suède un virage sécuritaire après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, en demandant à rejoindre l’Otan, prenait part pour la première fois à un sommet en tant que membre, son adhésion ayant été finalisée en avril.
L’absence d’une invitation formelle ou d’un calendrier d’adhésion pour l’Ukraine illustre les divergences sur ces questions entre les 31 membres de l’Otan, dont certains, comme les Etats-Unis et l’Allemagne, prônent la prudence pour éviter une guerre directe avec la Russie.
Kyiv réclame de longue date, avant même le lancement de l’offensive russe le 24 février 2022, un processus d’adhésion rapide et des garanties sécuritaires de longue date.
« Nous réaffirmons notre solidarité indéfectible avec le gouvernement et le peuple ukrainiens dans leur défense héroïque de leur nation, de leur territoire et de nos valeurs partagées », dit la déclaration du sommet.
Adoptant une rhétorique forte à l’égard de Moscou, les dirigeants de l’Otan ont décrit la Russie comme « la menace la plus significative et la plus directe pour la sécurité des alliés et pour la paix et la stabilité dans la zone euro-atlantique ».
MISSILES LONGUE-PORTÉE
Interrogé sur les critiques de Volodimir Zelensky en conférence de presse, Jens Stoltenberg a déclaré qu’il n’y avait jamais eu auparavant de « message aussi fort » de la part de l’Otan, « à la fois s’agissant du message politique sur la voie vers l’adhésion que d’un soutien concret des alliés ».
Les précédentes procédures d’adhésion à l’Otan, a-t-il dit, n’étaient pas accompagnées d’un calendrier mais « basées sur des conditions ».
Volodimir Zelensky a quand même obtenu des victoires. Son homologue français Emmanuel Macron a déclaré que Paris commencerait à livrer à l’Ukraine « de nouveaux missiles permettant des frappes dans la profondeur », à la suite d’une annonce similaire faite par la Grande-Bretagne.
Une source militaire française a rejeté l’idée que ces missiles Scalp constituaient une escalade des tensions avec Moscou, déclarant que leur utilisation était proportionnelle et que la Russie utilisait des missiles de croisière lancés avec des milliers de kilomètres de distance.
L’Allemagne a également annoncé une nouvelle aide militaire à l’Ukraine, d’un montant de 700 millions d’euros, incluant deux lanceurs Patriot, 40 véhicules de combat d’infanterie Marder et 25 chars de combat 1A5.
« ERREUR »
Si les membres de l’Otan sont convenus que l’Ukraine ne pourra pas rejoindre l’Alliance tant que la guerre ne sera pas terminée, ils divergent sur la vitesse avec laquelle une adhésion pourrait alors intervenir et sur les conditions à apposer à celle-ci.
Les pays d’Europe de l’Est soutiennent la requête de l’Ukraine, disant voir la défense collective de l’Otan comme le meilleur moyen de dissuader la Russie d’attaquer.
D’autres membres de l’Otan se montrent plus prudents et veulent éviter toute démarche qui pourrait entraîner l’Alliance dans une guerre directe avec la Russie.
Il faut que l’Otan reste uni face aux tentatives de Moscou de la diviser, a déclaré le président américain Joe Biden. « Le président (russe Vladimir) Poutine croit que son moyen pour l’emporter est de briser l’Otan, et nous n’allons pas faire ça », a-t-il dit.
Moscou a justifié sa décision d’envoyer l’an dernier des troupes en Ukraine, pour ce qu’il a décrit comme une « opération militaire spéciale », par l’élargissement de l’Otan près des frontières russes, disant craindre pour la sécurité du pays, entre autres motifs invoqués.
Le Kremlin a critiqué le sommet de Vilnius, qui prendra fin mercredi, et prévenu l’Europe de « conséquences catastrophiques » en cas d’escalade du conflit.
« Potentiellement, la question (de l’adhésion de l’Ukraine) est très dangereuse pour la sécurité de l’Europe », a dit le porte-parole de la présidence russe.
Les dirigeants européens semblent ne pas comprendre que rapprocher les infrastructures militaires de l’Otan vers les frontières de la Russie est une erreur, a ajouté Dmitri Peskov.
(Reportage John Irish, Andrew Gray et Sabine Siebold, avec Steve Holland, Justyna Pawlak, Andrius Sytas, Krisztina Than, Niklas Pollard, Jason Hovet, Janis Laizans; version française Dina Kartit, Corentin Chappron et Jean Terzian, édité par Kate Entringer et Jean-Stéphane Brosse)