La justice russe ordonne la fermeture du Centre des droits de l’homme Memorial
par Andrew Osborn et Mikhail Antonov
MOSCOU (Reuters) – La justice russe a ordonné mercredi la fermeture du Centre de défense des droits de l’homme (CDH) de Memorial, au lendemain de la dissolution par la Cour suprême de l’autre branche de la plus ancienne ONG de défense des droits humains en Russie, Memorial International.
Le CDH de Memorial est accusé d’avoir enfreint la loi l’obligeant à s’enregistrer comme « agent de l’étranger », ainsi que de justifier le terrorisme et l’extrémisme dans certains de ces travaux, ce que l’ONG dément.
Le CDH a fait part de sa volonté de faire appel de cette décision, qui se traduit par la fermeture de ses différentes agences.
L’annonce de la décision a été accueillie aux cris de « Pozor! Pozor! » (Honte ! Honte!) par des soutiens de l’association massés à l’extérieur du tribunal moscovite par -12°C.
Anna Dobrovolskaïa, directrice générale du CDH, a expliqué à la sortie du tribunal qu’elle pressentait que le ciblage de Memorial n’était que la première étape d’une « purge » du secteur de la défense des droits humains par les autorités russes.
« Manifestement notre travail était devenu trop gênant et a dérangé quelqu’un », a-t-elle déclaré, en précisant que cette décision n’était « pas une surprise » pour les équipes de Memorial mais risquait de dissuader d’autres activistes des droits humains en Russie.
Le CDH de Memorial dispose d’un réseau de représentations dans le Nord-Caucase, région à majorité musulmane du Sud de la Russie, où il a oeuvré à documenter les atteintes aux droits humains dans certaines régions comme la Tchétchénie, tout en fournissant une aide juridique et pratique aux victimes.
« PURGE »
Il maintient également une liste de personnes considérées comme des prisonniers politiques en Russie, par exemple l’opposant Alexeï Navalny et ses soutiens, ou encore des Témoins de Jéhovah ou des musulmans accusés de terrorisme qui, selon Memorial, ont été les victimes « d’accusations infondées reposant sur des preuves montées de toutes pièces simplement du fait de leur appartenance religieuse ».
Comme la dissolution la veille de Memorial International par la Cour suprême russe, qui a suscité une vague de critiques à l’échelle internationale, la fermeture du CDH de l’ONG a immédiatement été dénoncée par d’autres organisations de défense des droits humains.
« En deux jours, la justice russe a assené deux coups durs successif au mouvement pour la défense des droits humains en Russie », a déclaré sur Twitter Rachel Denber, directrice adjointe de la division Europe et Asie centrale de l’ONG Human Rights Watch.
La ministre britannique des Affaires étrangères Liz Truss a condamné cette fermeture qu’elle a qualifiée de « coup dur pour la liberté d’expression en Russie. »
Cette offensive judiciaire contre Memorial intervient à la fin d’une année marquée par l’incarcération d’Alexeï Navalny, farouche adversaire du président Vladimir Poutine, par l’interdiction des activités de son mouvement et l’exil contrait de bon nombre de ses alliés.
Aucun commentaire n’a pu être obtenu dans l’immédiat de la présidence russe au sujet de la fermeture du CDH de Memorial, alors que le Kremlin assure régulièrement ne pas interférer dans les décisions de justice et simplement veiller à l’application des lois afin de lutter contre l’extrémisme et de protéger le pays des influences étrangères malveillantes.
Fondée en 1989 par des dissidents, dont Andreï Sakharov, Memorial s’est d’abord attachée à documenter les crimes de l’ère stalinienne et à défendre les droits humains en Russie, avant d’élargir ses activités à la répression des opposants sous Vladimir Poutine.
(Avec la contribution de Svetlana Ivanova, version française Jean-Stéphane Brosse et Myriam Rivet, édité par Matthieu Protard)