Etats-Unis 2024: L’électorat afro-américain atterré par le triomphe de Trump
À l'heure de l'intelligence artificielle, l'accès à des faits vérifiables est crucial. Soutenez le Journal Chrétien en cliquant ici.par Tim Reid, Bianca Flowers, Helen Coster, Timothy Aeppel et Stephanie Kelly
ATLANTA, Géorgie (Reuters) – Le triomphe électoral de Donald Trump est une très mauvaise nouvelle pour les Afro-Américains, qui ont voté massivement pour Kamala Harris malgré les efforts déployés par le candidat républicain pour les courtiser.
Même s’il a gagné des voix au sein de cet électorat en Caroline du Nord, le président-élu n’a obtenu au niveau national que 12% des suffrages afro-américains, contre 86% pour sa rivale démocrate, selon l’institut Edison Research. L’écart était similaire lors de l’élection de Joe Biden en 2020.
Chez les électeurs noirs, Donald Trump n’a progressé que d’un point de pourcentage par rapport à 2020, à 20%, tandis que chez les femmes, 92% se sont prononcées pour Kamala Harris, soit deux points de plus qu’il y a quatre ans. La communauté afro-américaine représente 11% des électeurs américains.
Parmi la vingtaine d’électeurs afro-américains interrogés par Reuters à l’issue du scrutin, la plupart redoutent la perspective d’un second mandat Trump et s’attendent à une régression sur le plan des droits civiques, l’ex-président ayant notamment juré de supprimer les programmes fédéraux de promotion de l’inclusion et de la diversité.
Ils relèvent aussi nombre de propos racistes ou sexistes prononcés par l’homme d’affaires, sa manière condescendante de s’adresser à eux.
« Parce que c’est ce qu’il pense de nous », déclare Mary Spencer, une infirmière et éducatrice à la retraite, âgée de 72 ans, qui vit à Oak Creek, dans le « swing state » du Wisconsin. « Il pense que nous ne sommes bons qu’à exercer des métiers que viennent occuper les immigrés (clandestins), faire des ménages ou travailler dans le bâtiment. Des métiers qui ne demandent pas beaucoup d’études ou de compétences. »
Lors d’une conversation avec des journalistes afro-américains en juillet dernier, Donald Trump avait accusé les immigrants clandestins de s’accaparer les « black jobs ».
L’ex-promoteur immobilier, qui a relayé pendant sa campagne de fausses informations selon lesquelles des Haïtiens mangeraient des chiens et des chats, accusé les immigrés d' »empoisonner le sang » des Etats-Unis ou promis de combattre ce qu’il qualifie de « sentiment anti-blanc », dément être raciste.
Il affirme que son programme économique de baisse des impôts et des loyers, de création d’emplois, profitera à tous les Américains, y compris ceux d’ascendance africaine.
« UN DANGEREUX ÊTRE HUMAIN »
Un discours qui a porté auprès de certains électeurs de la communauté, particulièrement en Caroline du Nord, l’un des Etats « pivots » de la présidentielle où Donald Trump s’est imposé avec 51% des voix et où la part du vote noir en sa faveur a progressé de 7% à 12% entre 2020 et 2024, selon Edison Research.
En Géorgie, le candidat républicain a gagné un point de pourcentage au sein de l’électorat afro-américain, ce qui réjouit Shedrick Carter, 38 ans, gérant d’une petite entreprise à Atlanta.
« Cela va être incroyable pour les Noirs américains », déclare cet ardent partisan du président-élu, qui a déjà voté Trump en 2016 et 2020.
« J’aime son assurance, j’aime la façon dont il se comporte », renchérit Bryson Goodbeir, 32 ans, qui travaille sur les chantiers. « Trump essaie de nous protéger », veut-il croire en approuvant son programme anti-immigration.
Mais Nadia Brown, directrice du programme d’études sur les femmes et les genres à la Georgetown University, estime que la victoire du républicain a été un « choc psychologique » pour une majorité d’Afro-Américains qui espéraient que l’élection de Kamala Harris, née de parents d’origine indienne et jamaïcaine, pourrait améliorer leur place dans la société américaine.
« Je pense que c’est un dangereux être humain », résume Sondra Walker, enseignante à Creedmoor, en Caroline du Nord.
« Certaines remarques qu’il fait… les gens qui applaudissent… et ça n’a aucune répercussion. Cela me stupéfie », ajoute Shenekia McDaniels, enseignante elle aussi, à Asheville, autre ville de cet Etat-clé du Sud.
« Nous allons nous mobiliser partout pour tenter d’enrayer le recul de tous nos droits fondamentaux et de nos libertés », promet de son côté Jotaka Eaddy, l’une des fondatrices du mouvement Win With Black Women, qui a levé des millions de dollars en faveur de Kamala Harris.
« Nous ne resterons pas silencieux. »
(Jean-Stéphane Brosse pour la version française, édité par Tangi Salaün)
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