En plein désarroi, des électeurs démocrates inquiets pour leur avenir
À l'heure de l'intelligence artificielle, l'accès à des faits vérifiables est crucial. Soutenez le Journal Chrétien en cliquant ici.par Timothy Aeppel, Andrea Shalal, Helen Coster et Tim Reid
MILWAUKEE, Wisconsin (Reuters) – De nombreux démocrates américains en plein désarroi s’inquiètent pour leur avenir, celui de leurs proches, de leurs amis, après le triomphe électoral de Donald Trump et le basculement des Etats-Unis vers des valeurs à l’opposé de leurs convictions.
« Une campagne s’appuyait sur la nécessité de rapprocher les gens, l’autre était axée sur la peur, la haine et la division. Et c’est effrayant de constater que mes valeurs sont à ce point minoritaires », résume William Washkuhn, un ingénieur de Milwaukee (Wisconsin) âgé de 33 ans. Il a voté pour Kamala Harris après avoir versé 1.600 dollars de dons pour soutenir la vice-présidente sortante.
Joan Arrow, une femme transgenre âgée de 29 ans qui a fait campagne pour la candidate démocrate en Arizona, a pleuré à l’annonce de la victoire de Donald Trump. Elle et son mari se demandent aujourd’hui s’ils ne devraient pas partir vivre au Canada.
« L’urgence climatique sera encore plus ignorée », s’inquiète pour sa part Karla Miller, 61 ans, pasteure pour une église congrégationaliste à Hendersonville, en Caroline du Nord.
En Géorgie, à Smyrna, Allen Meza, travailleur social âgé de 34 ans, de père afro-américain et de mère mexicaine, redoute d’être pris pour cible en raison de sa couleur de peau.
« C’est un jour difficile pour les femmes », souligne quant à elle Krista Wilson, une consultante âgée de 40 ans vivant à Raleigh, en Caroline du Nord.
Kamala Harris, née de parents d’origine indienne et jamaïcaine, aurait été la première femme à devenir présidente des Etats-Unis en cas de victoire.
Au lieu de cela, la majorité des électeurs ont choisi pour président un homme reconnu coupable au civil d’agression sexuelle, condamné au pénal pour falsification de documents comptables, qui a nommé une majorité de juges conservateurs à la Cour suprême ayant abrogé l’arrêt Roe vs Wade protégeant l’IVG au niveau fédéral.
« J’ai peur pour mon pays quand je vois que les gens ont voté pour un criminel condamné, un individu instable, qui incite à la violence et a eu recours à la peur et au racisme pour motiver les électeurs », ajoute Krista Wilson.
« AU SERVICE DU PEUPLE » ?
D’autres démocrates préfèrent insister sur le problème du pouvoir d’achat pour expliquer le raz-de-marée électoral en faveur de l’homme d’affaires.
« C’est une question de portefeuille », assure Jean Thomson, qui vit à Marietta, en Géorgie. Les denrées essentielles ou l’essence étaient moins coûteuses sous le premier mandat de Donald Trump (2017-2021) que lors de la présidence de Joe Biden et de nombreux électeurs espèrent, même s’ils se trompent selon elle, que le président-élu va faire baisser les prix.
« Son comportement est très choquant, mais beaucoup de mes amis républicains me disent qu’il faut regarder au-delà de ça », dit cette coach en management âgée de 63 ans.
Aaliyah Pilgrim, âgée de 28 ans, est consternée par l’élection de Donald Trump mais ne peut s’empêcher de reprocher au Parti démocrate de s’être déconnecté des réalités.
« Les démocrates doivent être au service du peuple, mais le peuple ne le voit pas », dit cette aide-soignante, qui travaille aussi comme conductrice pour des entreprises de covoiturage afin de boucler ses fins de mois.
« Les choses deviennent plus dures pour les classes modestes. On a besoin de plus d’aide et les gens pensent qu’ils l’obtiendront grâce aux républicains. Ça me fait peur. »
« Cette administration a complètement ignoré beaucoup de sujets qui préoccupent les gens – la justice climatique, le pouvoir d’achat », mais aussi la guerre à Gaza, déclare Lexis Zeidan, une démocrate d’origine palestinienne vivant à Dearborn, dans le Michigan, où vit la plus forte communauté arabe-américaine du pays. Sur son bulletin de vote, elle a coché toutes les cases pour les démocrates à l’exception de celle concernant le scrutin présidentiel.
Les Etats-Unis comptent plus de 330 millions d’habitants et à la date de mars dernier, environ 45 millions d’entre eux, inscrits sur les listes électorales, se déclaraient affiliés au Parti démocrate, bien plus que les 35,7 millions de républicains déclarés et les 32,5 millions d’indépendants.
Avant la vague rouge qui l’a balayé le 5 novembre 2024, le Parti démocrate avait remporté en nombre de voix au niveau national toutes les élections présidentielles depuis 2008.
Mais Donald Trump s’est imposé mardi soir avec cinq millions de voix de plus que son adversaire, notamment dans les grandes villes ou leurs banlieues, fiefs traditionnels des démocrates.
D’après un sondage de sortie des urnes de l’institut Edison Research, il a obtenu 14 points de pourcentage de plus qu’en 2020 au sein de l’électorat hispanique et a pu compter une nouvelle fois sur sa base d’électeurs non diplômés.
Et William Washkuhn, l’ingénieur de Milwaukee, ne voit pas comment le parti de Franklin Roosevelt, John Kennedy ou Barack Obama parviendra à stopper l’hémorragie.
« C’est comme si les démocrates essayaient de jouer aux échecs mais ne savaient plus comment bouger les pièces. »
(Jean-Stéphane Brosse pour la version française, édité par Kate Entringer)
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