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Trump s’offre un retour spectaculaire à la Maison blanche

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par Joseph Ax

WASHINGTON (Reuters) – Quatre ans après la fin d’un premier mandat mouvementé, Donald Trump, vainqueur de l’élection présidentielle américaine face à Kamala Harris, s’offre un retour spectaculaire à la Maison blanche qui augure d’une gouvernance à même de mettre à l’épreuve les institutions démocratiques aux Etats-Unis et les relations de Washington sur la scène internationale.

Alors que les enquêtes d’opinion le donnaient au coude-à-coude avec la vice-présidente démocrate sortante, le candidat républicain s’est largement imposé dans de nombreux Etats jugés décisifs pour faire basculer le scrutin dans un camp ou dans l’autre, en épilogue d’une campagne durant laquelle il a adopté une rhétorique sombre ayant exacerbé les divisions dans le pays.

Le crépuscule de la carrière politique de Donald Trump semblait pourtant se dessiner après la précédente élection présidentielle, quand son refus de reconnaître sa défaite face à Joe Biden, en dénonçant sans fondement un « vol », a nourri la colère de ses partisans qui ont mené un assaut sanglant contre le Capitole à Washington le 6 janvier 2021.

Mais l’ancien magnat de l’immobilier, 78 ans, a écarté rapidement et sans encombre toute concurrence pour l’investiture du Parti républicain, avant de prendre l’ascendant sur Kamala Harris en profitant de l’inquiétude des électeurs américains face à l’inflation et de ce que Donald Trump a présenté sans preuve comme une hausse de la criminalité trouvant son origine dans l’immigration clandestine à la frontière Sud.

Des enquêtes d’opinion Reuters/Ipsos ont montré que l’économie était la principale préoccupation des électeurs, nombreux à être mécontents de la hausse des prix et du coût élevé de la vie, en dépit de la rapide croissance des salaires et du faible taux de chômage. Ils ont dit blâmer surtout l’administration de Joe Biden et considérer Donald Trump comme plus apte que Kamala Harris à améliorer la situation.

Les électeurs hispaniques, traditionnellement favorables aux démocrates, et les foyers américains issus de la classe populaire, frappée le plus durement par l’inflation, ont contribué à faire pencher le scrutin en faveur du républicain.

Sa base électorale, composée essentiellement d’hommes blancs résidant dans des zones rurales, s’est également mobilisée avec ferveur.

BOULEVERSEMENTS POLITIQUES EN VUE

En dépit des controverses et scandales judiciaires, malgré une cote de popularité globalement faible et après deux procédures de destitution (« impeachment ») engagées à son encontre lors de son premier mandat, Donald Trump entre dans l’histoire des Etats-Unis en devenant seulement le deuxième président à revenir au pouvoir pour des mandats non successifs (après Grover Cleveland, élu en 1885 puis en 1893).

Sa victoire laisse entrevoir des bouleversements dans les politiques de Washington, qu’il s’agisse de commerce, de climat, de relations internationales, d’impôts ou encore d’immigration.

Il pourrait avoir d’autant plus de latitude pour gouverner que les républicains ont repris aux démocrates le contrôle du Sénat tandis que la composition de la Chambre des représentants, entièrement renouvelée en parallèle à l’élection présidentielle, est encore indécise. Les républicains disposaient d’une courte majorité dans la Chambre sortante.

Donald Trump a promis d’imposer des droits de douane sur un grand nombre d’importations, notamment en provenance de Chine, ce qui pourrait entraîner selon des économistes une nouvelle guerre commerciale avec Pékin mais aussi des tensions avec des alliés de Washington. Des experts pointent également que la volonté du républicain d’alléger la taxation des entreprises et de baisser les impôts pourrait alourdir de manière significative la dette des Etats-Unis.

En marge de sa promesse de réprimer les migrants à la frontière avec le Mexique et de procéder à des expulsions massives, Donald Trump devrait adopter une politique étrangère isolationniste.

Il a maintes fois mis en cause le soutien apporté par Washington à l’Ukraine dans sa guerre face à la Russie, se déclarant en mesure de trouver une issue au conflit en 24 heures – en laissant entendre que Kyiv pourrait devoir céder des territoires, une hypothèse rejetée par le gouvernement ukrainien.

S’agissant du Proche-Orient, il a promis de mettre fin au conflit, sans expliquer comment il entendait y parvenir.

Par ailleurs, des commentaires effectués durant la campagne suggèrent que Donald Trump entend soumettre la bureaucratie fédérale à son gré, puisqu’il veut disposer du pouvoir de licencier des fonctionnaires jugés déloyaux et d’utiliser le département de la Justice et des agences fédérales comme armes politiques face à ceux qu’il perçoit comme ses ennemis.

« ENNEMIS DE L’INTÉRIEUR »

Il est vraisemblable que le second mandat de Donald Trump exacerbe les désaccords entre républicains et démocrates sur des questions telles que la justice raciale et les droits reproductifs.

Propulsée durant l’été à la tête du « ticket » présidentiel des démocrates après la mise en retrait de Joe Biden, Kamala Harris s’est évertuée en vain lors de la campagne à mettre en garde contre le risque que Donald Trump s’affranchisse de tout contrôle démocratique.

L’homme d’affaires lui a reproché en retour une rhétorique selon lui responsable des deux tentatives d’assassinat à son encontre dans les derniers mois de la campagne.

Un sondage de sortie des urnes réalisé mardi par Edison Research a montré que près de trois quarts des électeurs jugeaient la démocratie américaine st menacée, mettant en exergue une polarisation du pays qui n’a fait que s’accroître au fil de la campagne – l’une des périodes les plus tumultueuses de l’histoire moderne des Etats-Unis.

Donald Trump a utilisé des propos apocalyptiques et vindicatifs, présentant des rivaux comme des « ennemis de l’intérieur », décrivant les Etats-Unis comme une « poubelle » pour les migrants et promettant de sauver l’économie d’un « anéantissement ».

Il a régulièrement lancé des salves d’attaques à caractère raciste et sexiste, notamment à l’encontre de Kamala Harris, dont il a fréquemment moqué l’intelligence.

Il a promis d’utiliser les leviers du pouvoir pour se venger de ses opposants. Il a dit également vouloir mettre en place un programme de déportation de masse sans précédent, reprochant aux migrants d' »empoisonner le sang » du pays.

RESCAPÉ

En mai dernier, Donald Trump a été reconnu coupable d’avoir falsifié des documents comptables afin de masquer des pots-de-vin versés à une ancienne actrice de films X afin d’acheter son silence lors de la campagne électorale de 2016.

Deux mois plus tard, il a réchappé de quelques millimètres à une tentative d’assassinat, quand un assaillant équipé d’un fusil à longue portée a ouvert le feu lors d’un rassemblement de campagne à Butler, en Pennsylvanie.

L’incident, lors duquel Donald Trump a été légèrement touché à l’oreille droite, a exacerbé les craintes de violences politiques. Une autre tentative d’assassinat a été déjouée en septembre en Floride, au domaine de golf dont le républicain est propriétaire.

En parallèle, Joe Biden a mis fin à contrecoeur à sa campagne de réélection, le 21 juillet, huit jours après la première tentative d’assassinat contre Donald Trump et trois semaines après le débat télévisé entre les deux rivaux lors duquel la prestation du président sortant a été jugée catastrophique.

La décision de Joe Biden, mis sous pression par des élus démocrates de haut rang ne croyant plus en ses capacités de remporter le scrutin, a transformé la course à la Maison blanche en sprint, Kamala Harris s’affairant pour mettre sur les rails en quelques semaines, au lieu de longs mois, une campagne en tant que numéro une.

Avec l’ancienne sénatrice et procureure générale de Californie, les démocrates ont repris espoir, les dons de campagne ont afflué et l’avance que Donald Trump commençait à prendre sur Joe Biden dans les intentions de vote s’est effacée.

Mais l’avantage financier rapidement engrangé par la candidate démocrate a été en partie effacé par l’entrée en scène de l’homme le plus riche au monde, Elon Musk, qui a versé plus de 100 millions de dollars à un comité conservateur d’action politique chargé de démarcher les électeurs républicains et a utilisé le réseau social X, dont il est propriétaire, comme porte-voix des messages de Donald Trump.

LOYAUTÉ

Dans la dernière ligne droite de la campagne, Kamala Harris a axé de plus en plus son message sur les dangers de réélire Donald Trump, tendant la main aux électeurs républicains modérés. Elle s’est appuyée pour cela sur des commentaires d’anciens membres de l’administration Trump, dont John Kelly, ancien secrétaire général de la Maison blanche, qui a qualifié le républicain de « fasciste », sans résultat.

Le retour au pouvoir de Donald Trump va encore renforcer les fractures de la société américaine, compte tenu des accusations infondées de fraude électorale qu’il a ressassées, de sa rhétorique anti-migrants et de la diabolisation de ses adversaires politiques, estime Alan Abramowitz, professeur en science politique à l’université Emory.

« A court terme, la polarisation va probablement empirer », prédit-il. « Ça pourrait mal tourner. »

Le désir de Donald Trump de refaçonner à sa guise le pouvoir exécutif, notamment en licenciant des fonctionnaires jugés déloyaux et en utilisant les agences fédérales pour enquêter sur ses ennemis politiques, s’inscrit en violation d’une tradition voulant que ces employés et agences restent indépendants.

S’agissant de la composition de son administration, le républicain a répété au fil de ses deux années de campagne qu’il privilégierait ceux lui étant fidèles et loyaux.

Le Congrès doit se réunir le 6 janvier pour valider les résultats électoraux, qui auront été transmis trois semaines plus tôt par le Collège électoral.

Donald Trump et son vice-président désigné, le sénateur JD Vance, prêteront ensuite serment le 20 janvier.

(Joseph Ax; version française Jean Terzian, édité par Jean-Stéphane Brosse)

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