Cameroun : le diocèse d’Obala en opposition avec le Ministère de la santé publique à cause d’un vaccin administré aux jeunes filles dans les écoles
À l'heure de l'intelligence artificielle, l'accès à des faits vérifiables est crucial. Soutenez le Journal Chrétien en cliquant ici.Après une sortie médiatique de Mgr Luc Onambele, suivie d’une lettre circulaire du diocèse d’Obala interdisant le vaccin administré actuellement aux jeunes filles contre le cancer du col de l’utérus dans son espace ecclésiastique, le ministre de la Santé publique est monté au créneau. Il qualifie la note épiscopale de « déclarations à la fois erronées et scandaleuse » et y apporte des précisions point par point.
D’après Mgr Luc Onambele, il existe 18 types de Virus Papilloma Humano (VPH) à l’origine du cancer du col de l’utérus. À en croire à ses propos, le vaccin (le Gardasil) administré actuellement au Cameroun contre le cancer du col de l’utérus est efficace uniquement contre les lésions pré-cancérigènes de type 16 et 18 du VPH et non des 15 autres restants.
« Ce vaccin ne change pas le développement de l’infection chez les femmes déjà malades. C’est pourquoi on l’administre chez les filles de 9 à 13 ans. Pourtant, les jeunes filles de cette tranche d’âge ont été moins représentées dans les essais cliniques qui ont été menés jusqu’à présent. Ce sont celles qui sont un peu plus âgées avec une grande immunogénicité qui ont participé à ces essais cliniques. Pourtant, la médecine basée sur l’évidence scientifique voudrait que les essais cliniques ne se limitent aux résultats intermédiaires, mais qu’ils aboutissent aux résultats définitifs », a expliqué ainsi le Vicaire général du diocèse d’Obala qui est également docteur (Ph D) en santé publique et médecine de prévention.
Par ailleurs, il fait savoir qui est en train d’être donné aux jeunes filles dans les établissements scolaires est un vaccin VPH du type 16 et 18 ou alors contre les infections pré-cancérigènes et pas un vaccin contre le cancer du col de l’utérus. « On n’a jamais réalisé un essai clinique en utilisant la mortalité ou le cancer invasif comme end-point tel que cela est exigé pour les essais des autres cancers avec des moyens préventifs notamment la mammographie, les hormones pendant la ménopause, la tamoxifene etc. », a-t-il déploré.
Quelques jours après, une circulaire du diocèse d’Obala signée de Mgr Luc Onambele, Vicaire général a été publiée. Dans celle-ci, le Professeur de santé publique et de Bioéthique à l’Ecole des Sciences de la Santé de l’Université Catholique d’Afrique Centrale (UCAC) interdisait ni plus ni moins la vaccination des filles contre le cancer du col de l’utérus sur le territoire administré par Mgr Bayemi Matjei, évêque dudit diocèse.
Réplique cinglante du Ministère de la Santé publique
Prenant les taureaux par les cornes, c’est le Ministre de la santé publique Manaouda Malachie, personnellement, qui est monté au créneau. A travers son communiqué radio-presse, il a qualifié la circulaire du diocèse de « déclarations à la fois erronées et scandaleuses ». Sûr de ses convictions, il a trouvé nécessaire d’y apporter des précisions. Il commence premièrement sur le fait que le vaccin disponible contre le VPH est uniquement efficace contre les lésions pré-cancérigènes de types 16 et 18 et non des 15 autres environ.
En fait, « Le vaccin quadrivalent introduit au Cameroun cible types oncogènes 15 et 18 mais aussi les types 6 et 11 à l’origine des condylomes acuminés. Bien plus, une protection croisée contre les types 31, 33 et 45 représentants 13% des cas de cancer du col de l’utérus a été démontrée, portant ainsi la protection à 83% », a éclairé le Minsanté.
Cible et immunogénicité
Ensuite, à propos de la cible, il a été dit que ce sont les jeunes filles de 9 à 13 ans qui ont été moins représentées dans les essais cliniques menés jusqu’à présent et que ce sont plutôt celles qui sont plus âgées avec une grande immunogénicité qui ont participé à ces essais cliniques, le Dr Manaouda a expliqué : « Des études ont démontré que les réponses en anticorps des adolescents n’étaient pas inférieures à celles induites chez les femmes plus âgées. Il n’est donc pas scientifiquement vrai que celles qui sont un peu plus âgées ont une grande immunogénicité ».
Enfin un autre point important soulevé dans la circulaire, c’est que le cancer du col de l’utérus de type « adénocarcinome » est hormono-dépendant en particulier des œstrogènes et que les hormones exogènes ou traitements hormonaux de substitution auxquels on soumet les femmes à la puberté et à la ménopause est aussi à l’origine du cancer du col de l’utérus. Or, « S’il est vrai que les adénocarcinomes du col de l’utérus seraient hormono-dépendants, il convient de noter que 90 à 95% des cancers invasifs du col sont des cancers épidermoïdes. L’adénocarcinome représente moins de 5% dans cancers du col dans les pays en développement », a argumenté le Minsanté.
Cette controverse a fait réagir le Pr Tétanye Ekoe à travers une tribune intitulée « Église et politique de santé publique ». Le pédiatre n’a pas mâché. Il a dit que cette « note épiscopale légère aux conséquences graves sur le plan santé publique et révélait des incongruités scientifiques ainsi que des germes d’une dangereuse opposition à la politique de santé publique de l’Etat ».
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