Tunisie: Un candidat à la présidentielle arrêté, trois autres éliminés de la course
par Tarek Amara
TUNIS (Reuters) – La commission électorale tunisienne a rejeté lundi une décision de justice qui réintégrait trois candidats à l’élection présidentielle prévue le 6 octobre, tandis que la police a arrêté un autre candidat, dans ce que l’opposition considère comme un nouvel exemple de la répression exercée par le président sortant Kaïs Saïed à l’encontre de ses rivaux politiques.
Défiant la décision de la plus haute juridiction administrative, l’autorité électorale n’a validé lundi que les candidatures du président sortant et de deux autres personnes, Zouhair Magzhaoui et Ayachi Zammel, pour l’élection présidentielle du mois prochain.
« La commission est le seul organe constitutionnellement chargé de veiller à l’intégrité des élections », a déclaré Farouk Bouasker, le chef de la commission électorale.
Par ailleurs, la police tunisienne a arrêté plus tôt lundi Ayachi Zammel, a dit à Reuters un membre de son équipe de campagne.
Le candidat a été arrêté à son domicile vers 3 heures du matin pour soupçons de falsification de parrainages, a précisé Mahdi Abdel Jawad, qui dénonce une tentative visant à exclure le candidat de la course présidentielle.
Ces développements pourraient nuire à la crédibilité du scrutin et aggraver la crise politique dans le pays, qui s’est intensifiée depuis que le président Kaïs Saïed a commencé à gouverner par décret en 2021 – ce que l’opposition a dénoncé comme un coup d’État.
La semaine dernière, la justice administrative tunisienne avait autorisé trois autres candidats, Mondher Zenaïdi, Abdellatif Mekki et Imed Daïmi, à se présenter au scrutin après le refus initial de leur candidature par la commission électorale.
La commission a précisé que la campagne présidentielle débuterait le 14 septembre.
Des dizaines de militants d’opposition se sont rassemblés devant le siège de l’autorité électorale lundi, exigeant la démission de ses responsables.
« Il s’agit d’un coup d’État complet contre la volonté des électeurs (…) Cela crée un précédent dans l’histoire des élections : la commission ne respecte pas la décision du tribunal administratif », a déclaré à Reuters Hichem Ajbouni, un manifestant.
« Nous sommes passés à la loi de la force (…) C’est une farce », a-t-il ajouté.
Les partis d’opposition et les groupes de défense des droits de l’homme ont accusé les autorités de recourir à des « restrictions arbitraires » et à l’intimidation pour assurer la réélection du président sortant.
Selon les membres de l’opposition, la commission électorale n’est plus indépendante et son seul objectif est de garantir une victoire facile à Kaïs Saïed, accusations que l’organisme nie, assurant être neutre.
Kaïs Saïed, élu démocratiquement en 2019, a dissous le Parlement deux ans plus tard, révoqué le gouvernement et dirige depuis le pays par décrets. Il a déclaré l’année dernière qu’il ne livrerait pas le pays à des « non-patriotes » et présente ses mesures comme essentielles à la lutte contre la corruption.
(Reportage Tarek Amara, version française Kate Entringer et Diana Mandiá, édité par Blandine Hénault)