Trump a bouleversé la « relation de confiance » entre l’Europe et les Etats-Unis, selon la commissaire européenne à la Concurrence
par George Hay et Foo Yun Chee
LONDRES (Reuters) – La commissaire européenne à la Concurrence, Teresa Ribera, estime que le président américain Donald Trump a bouleversé la « relation de confiance » entre les États-Unis et l’Europe, et que Bruxelles devrait s’efforcer d’apporter la prévisibilité et la stabilité qui font défaut à Washington.
Teresa Ribera a déclaré à Reuters que, si l’Europe doit négocier avec la Maison blanche et entendre ses préoccupations en matière de commerce, elle ne devrait pas être forcée à modifier ses lois.
« Nous devons nous en tenir à nos forces et à nos principes », a-t-elle déclaré lors d’une interview à Londres lundi, critiquant l’approche transactionnelle de Donald Trump en matière de politique.
« Nous devons être flexibles, mais nous ne pouvons pas transiger sur les droits de l’homme, ni sur l’unité de l’Europe, et nous n’allons pas transiger sur la démocratie et les valeurs », a-t-elle ajouté.
Donald Trump et d’autres membres de son gouvernement ont reproché à l’Union européenne (UE) sa réglementation jugée trop lourde et ont qualifié les amendes imposées aux géants américains de la technologie de forme de « taxation ».
La semaine dernière, le vice-président américain JD Vance a fustigé lors de la Conférence de Munich sur la sécurité la censure exercée selon lui par les gouvernements européens contre la libre expression et contre leurs opposants, dénonçant notamment les mesures prises par l’UE pour restreindre les contenus haineux sur Internet.
« S’il y a un problème, une préoccupation, il faut l’expliquer. Il ne s’agit pas d’intimidation : vous pouvez vous attendre à entrer à la table des négociations. Cela n’a pas de sens », a déclaré Teresa Ribera.
La commissaire européenne à la Concurrence a le pouvoir d’approuver ou d’opposer son veto à des fusions de plusieurs milliards d’euros et d’infliger de lourdes amendes aux entreprises qui cherchent à se renforcer en écrasant leurs concurrents plus petits.
Teresa Ribera supervise également le programme vert de l’UE et a pour mission de veiller à ce que les Etats membres restent sur la bonne voie pour atteindre les objectifs climatiques de 2030.
Les tensions sont vives entre Washington et Bruxelles depuis la décision de Donald Trump d’imposer des droits de douane de 25% sur l’acier et l’aluminium à partir du 12 mars, des droits de douane réciproques à partir d’avril et des droits de douane distincts sur les voitures, les produits pharmaceutiques et les puces semi-conductrices.
Teresa Ribera a souligné l’absence de certitude et de prévisibilité des Etats-Unis par rapport à l’Europe, affirmant que les entreprises ne souhaitaient pas voir cette situation se prolonger à long terme.
« Elles veulent un écosystème et un cadre juridique qui offre certitude, stabilité et prévisibilité et je me demande pourquoi nous n’entendons pas cette question soulevée dans l’autre sens à l’égard de l’administration de Trump », a-t-elle déclaré.
« Je ne vois aucune prévisibilité, stabilité ou accessibilité financière dans ces annonces, c’est un peu choquant », a souligné Teresa Ribera.
La Commission européenne a déclaré la semaine dernière qu’elle réagirait « fermement et immédiatement » aux droits de douane « réciproques » exigés par Donald Trump.
Le commissaire européen au Commerce, Maros Sefcovic, devait se rendre à Washington lundi pour rencontrer ses homologues américains.
DÉCISIONS D’APPLE ET DE META
Les menaces brandies fréquemment par la Maison blanche ont déstabilisé les dirigeants, les investisseurs et les consommateurs, qui ne savent pas si les dernières attaques vont se concrétiser ou si des exemptions seront accordées aux entreprises qui font du lobbying auprès de Donald Trump.
La semaine dernière, Jim Farley, directeur général de Ford, a déclaré que les mesures commerciales de Donald Trump avaient jusqu’à présent ajouté « beaucoup de coûts et beaucoup de chaos » aux entreprises américaines.
Teresa Ribera a déclaré que l’UE était prête à rendre des décisions le mois prochain sur la question de savoir si Apple et Meta Platforms ont respecté les règles fondamentales qui limitent leur pouvoir.
Les deux entreprises sont visées par l’UE depuis mars dernier et pourraient se voir infliger de lourdes amendes, allant jusqu’à 10% de leur chiffre d’affaires annuel global, s’il est établi qu’elles ont enfreint la loi sur les marchés numériques (Digital Markets Act).
Certains ont spéculé que Teresa Ribera pourrait retarder les délibérations, à la suite des critiques formulées par Donald Trump et le directeur général de Meta Mark Zuckerberg sur la réglementation de l’UE, qu’ils accusent de viser injustement les grands groupes technologiques.
À la question de savoir si elle rendrait des décisions sur les deux entreprises en mars, Teresa Ribera a répondu : « Oui, le mois prochain ».
« Il y aura des décisions qui iront dans le sens de ce qui a été discuté avec les entreprises, qui seront élaborées et basées sur des preuves », a-t-elle déclaré.
La Commission européenne enquête également pour savoir si la plateforme de médias sociaux X d’Elon Musk a enfreint les règles de l’UE contre les contenus illégaux. Teresa Ribera a déclaré que le rôle d’Elon Musk dans l’administration américaine ne serait pas un facteur dans la décision de l’UE.
« Il ne s’agit pas de savoir qui est le propriétaire de l’entreprise qui pourrait être impliquée dans l’un de ces processus », a-t-elle déclaré.
(Reportage George Hay et Foo Yun Chee ; version française Mara Vîlcu, édité par Augustin Turpin)
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