Russie: Prigojine enterré lors d’une cérémonie privée, Poutine absent
SAINT-PETERSBOURG, Russie (Reuters) – Evguéni Prigojine, chef du groupe paramilitaire russe Wagner tué dans la chute toujours inexpliquée de son avion la semaine dernière, a été enterré lors d’une cérémonie privée dans un cimetière situé en périphérie de Saint-Pétersbourg, sa ville natale, a annoncé mardi son service de presse.
Cette discrétion tranche avec la personnalité de l’homme d’affaires, devenu une figure très présente sur les réseaux sociaux depuis le début en février 2022 de la guerre en Ukraine, où les combattants de Wagner ont épaulé l’armée russe.
Sa personnalité abrupte, son caractère impitoyable et son ambition en ont fait une personnalité aussi détestée qu’admirée, en Russie et ailleurs à travers le monde, alors que Wagner opère notamment dans plusieurs pays d’Afrique.
« L’adieu à Evguéni Prigojine s’est déroulé dans un format privé. Ceux souhaitant lui dire au revoir peuvent se rendre au cimetière de Porokhovskoïe », est-il écrit dans un court message publié sur Telegram, accompagné d’une photo du défunt.
Des photos et vidéos prises par Reuters montrent la pierre tombale en granit sombre d’Evguéni Prigojine entourée par une marée de fleurs, dans un cimetière boisé où un important dispositif de sécurité avait été mis en place par la police et la Garde nationale.
Un employé du cimetière, cité par le média indépendant Agentstvo, a déclaré qu’entre 20 et 30 proches du défunt étaient présents à la cérémonie et que celle-ci a duré 40 minutes.
Les proches de Evguéni Prigojine avaient gardé le secret sur l’organisation de ses funérailles.
Le Kremlin avait indiqué auparavant n’avoir aucune information sur l’enterrement du chef de Wagner, faisant savoir via son porte-parole que le président Vladimir Poutine n’avait pas l’intention d’assister à l’enterrement.
SANCTUAIRES DE FORTUNE À TRAVERS LE PAYS
Alors que Vladimir Poutine est accusé par certains d’avoir commandité, par vengeance, l’assassinat de celui qui a représenté en juin la menace la plus importante à son encontre depuis son arrivée au pouvoir en 1999, la présidence russe a dénoncé un « mensonge absolu ».
Evguéni Prigojine a dirigé fin juin une brève rébellion des combattants de Wagner contre le commandement militaire russe. Il est mort mercredi dernier avec plusieurs de ses proches dans la chute de son avion qui l’emmenait de Moscou à Saint-Pétersbourg.
La discrétion de la cérémonie a empêché toute marque publique de soutien à Evguéni Prigojine, dont certains en Russie admiraient son « franc-parler » pour dénoncer ce qu’il décrivait comme des défaillances de l’armée russe et de son commandement, alors que les combattants de Wagner ont pris part aux affrontements parmi les plus sanglants en Ukraine.
Depuis plusieurs jours, des sanctuaires de fortune en hommage à Evguéni Prigojine sont apparus dans plusieurs villes russes, dont Moscou et Saint-Pétersbourg.
Parmi les dix personnes tuées la semaine dernière dans la chute de l’avion privé d’Evguéni Prigojine figuraient notamment deux autres dirigeants du groupe Wagner.
Les funérailles de Valéri Tchekalov, directeur de la logistique de Wagner, ont aussi eu lieu dans la journée à Saint-Pétersbourg, dans un cimetière distinct. La famille de Valéri Tchekalov et des dizaines de personnes, dont certaines ont été identifiées par Reuters comme membres du groupe Wagner, se sont recueillies au cimetière Severnoïe.
Dmitri Outkine, bras droit d’Evguéni Prigojine, se trouvait aussi dans l’avion, comme quatre autres hommes présumés gardes du corps du patron de Wagner. L’identification des victimes a été confirmée dimanche par des tests génétiques.
« ERREURS »
Les détails exacts de l’accident demeurent flous mais des témoins proches du site ont rapporté à Reuters avoir entendu une détonation suivie du crash de l’avion.
Le président américain Joe Biden a déclaré la semaine dernière, à l’annonce de la mort présumée d’Evguéni Prigojine, qu’il n’était pas surpris par l’accident et que peu de choses se déroulaient en Russie sans l’aval de Vladimir Poutine.
Au lendemain de l’accident, le président russe a présenté ses condoléances aux familles des victimes et a rappelé qu’il connaissait le patron du groupe Wagner depuis les années 1990.
Le chef du Kremlin a décrit Evguéni Prigojine comme un homme d’affaires talentueux, au destin « compliqué » et ayant commis « des erreurs ».
Evguéni Prigojine s’est toujours montré loyal à l’égard de Vladimir Poutine, tout en critiquant vertement son ministre de la Défense, Sergueï Choigou, déclarant que ce dernier devait être exécuté pour son incompétence équivalente à une trahison.
A la suite du décès du patron de Wagner, Vladimir Poutine a ordonné aux combattants du groupe de faire serment d’allégeance à l’Etat russe, une mesure à laquelle s’opposait Evguéni Prigojine du fait de son différend avec le ministère de la Défense.
Dans le cadre de l’accord conclu en juin avec le Kremlin pour mettre fin à la mutinerie éclair, Evguéni Prigojine avait été autorisé à s’exiler en Biélorussie. Il était toutefois apparu publiquement depuis en Afrique et à Saint-Pétersbourg, semblant disposer toujours d’une liberté de déplacement en Russie.
(Rédaction de Reuters; version française Zhifan Liu, Dina Kartit et Jean Terzian, édité par Bertrand Boucey)
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