L’UE pourrait revoir ses liens avec Bakou si la crise s’aggrave, selon un document de son service diplomatique
BRUXELLES (Reuters) – L’Union européenne pourrait revoir ses liens avec l’Azerbaïdjan si la situation s’aggrave dans le Caucase du Sud à la suite de la prise de contrôle militaire de l’enclave du Haut-Karabakh par Bakou, montre un document du service diplomatique de l’UE.
L’UE pourrait reconsidérer l’engagement politique, l’assistance financière et la coopération sectorielle avec l’Azerbaïdjan, dit le document sans plus de précision. Il ne mentionne pas le secteur énergétique.
Les forces azerbaïdjanaises ont envahi l’enclave du Haut-Karabakh, peuplé principalement d’Arméniens, lors d’une opération militaire le 19 septembre, provoquant un exode massif : 100.000 des 140.000 Arméniens de l’enclave ont quitté leur foyer et rejoint l’Arménie.
Le chef de la politique étrangère de l’UE, Josep Borrell, et de nombreux dirigeants des 27 ont condamné l’opération. Toutefois, des diplomates affirment que les pays de l’UE sont en désaccord sur la réponse diplomatique ou politique à donner.
L’Union européenne a réduit ses livraisons de pétrole et gaz russes depuis la guerre menée par Moscou en Ukraine et s’appuie davantage sur Bakou pour s’approvisionner en énergie.
Le document, préparé par le Service européen pour l’action extérieure et consulté par Reuters, esquisse prudemment plusieurs réactions possibles.
Il indique que si la situation se détériorait, l’UE pourrait envisager de revoir ses relations avec l’Azerbaïdjan « sur la base d’une approche graduelle ».
« Si de graves violations des droits de l’homme sont commises, des mesures restrictives à l’encontre des personnes responsables de ces violations pourraient être envisagées », ajoute le document.
Les décisions relatives aux sanctions de l’UE requièrent généralement l’unanimité des pays membres.
Un diplomate d’un pays favorable à une position plus dure à l’égard de l’Azerbaïdjan, s’exprimant sous le couvert de l’anonymat, a déclaré que le document « reflète un équilibre entre les différentes positions des États membres : nous voulons plus, mais d’autres ne veulent rien du tout ».
Selon les diplomates, la France, l’Allemagne et les Pays-Bas souhaitent envoyer des signaux forts de désapprobation à l’égard de Bakou, tandis que d’autres, comme l’Autriche et la Hongrie, sont à l’opposé.
Lors d’un déplacement en Arménie, la ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna a jugé que les « tragiques événements » du Haut-Karabakh « conduisent un certain nombre de nos partenaires à changer leur vision et, j’espère, à les rapprocher de notre point de vue » afin d’aider l’Arménie à « trouver les voies d’un accord de paix juste et durable » avec l’Azerbaïdjan.
Selon un diplomate, l’UE pourrait se contenter de condamner l’action de l’Azerbaïdjan et se concentrer sur le soutien à l’Arménie sur le plan économique, et éventuellement par une aide militaire.
Le document suggère que l’UE envisage « des actions politiques et économiques pour soutenir davantage les autorités démocratiquement élues de l’Arménie, y compris dans le domaine de la sécurité et de la résilience, et la poursuite des réformes démocratiques ».
(Reportage Andrew Gray et John Irish, rédigé par Andrew Gray ; version française Gaëlle Sheehan, édité par Jean-Stéphane Brosse)