Le magnat tchèque Daniel Kretinsky ébranle l’élite française des affaires
par Mathieu Rosemain et Jan Lopatka
PARIS/PRAGUE (Reuters) – En mai, le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky faisait partie des dirigeants d’entreprise invités à la sixième édition du sommet annuel « Choose France ».
Deux mois plus tard, l’homme de 48 ans a provoqué une onde de choc au sein de l’élite des affaires en France en remportant une bataille serrée pour le contrôle du groupe de supermarchés Casino, criblé de dettes, face au trio regroupant plusieurs grands noms du capitalisme français et constitué par Xavier Niel, Matthieu Pigasse et Moez-Alexandre Zouari.
Daniel Kretinsky, dont la fortune nette s’élève à 9,5 milliards de dollars (environ 9 milliards d’euros) selon Forbes, se décrit comme un amoureux de la France et a appris à parler le français en regardant en boucle « Le dernier métro » de François Truffaut. « Il a décidé d’accélérer ce développement en France, ce qui est d’autant plus intéressant pour lui qu’il est francophone et francophile », a déclaré Denis Olivennes, bras droit de Daniel Kretinsky en France. « Il joint l’utile à l’agréable. »
Casino a annoncé jeudi la finalisation d’un accord de lock-up sur la restructuration de sa dette avec ses principaux créanciers, menés par Daniel Kretinsky, afin d’éviter la faillite. Daniel Kretinsky, qui a fait fortune dans le secteur de l’énergie grâce à une série d’achats clés et qui possède aujourd’hui une maison près du palais de l’Élysée à Paris, est également en pourparlers pour devenir le premier actionnaire de la société de conseil en informatique Atos.
En France, il est déjà le premier actionnaire de Fnac Darty et détient des participations dans plusieurs médias dont TF1.
Cette frénésie d’achats dans l’Hexagone fait suite à une série d’investissements au Royaume-Uni, où Kretinsky a notamment misé sur le supermarché Sainsbury, le club de football West Ham et la Royal Mail.
Le mois dernier, deux sources proches du dossier ont déclaré à Reuters que l’entreprise allemande Thyssenkrupp était en pourparlers avancés pour vendre jusqu’à 50% de sa division acier à Kretinsky.
PRISE DE POUVOIR
Daniel Kretinsky, qui était assis aux côtés de Brigitte Macron lors du dîner du sommet « Choose France », a mis les pieds dans l’Hexagone pour la première fois à l’été 1990, lorsqu’il était adolescent.
Neuf ans plus tard, alors qu’il venait d’obtenir son diplôme d’avocat, Daniel Kretinsky a décroché son premier emploi au sein du groupe d’investissement tchéco-slovaque J&T.
Il a bâti par la suite sa fortune en achetant du charbon et des centrales électriques dont les entreprises européennes se débarrassaient pour améliorer leur image écologique.
Son entreprise EPH est la plus grande compagnie d’électricité privée d’Europe en termes de production, avec une capacité de 14,4 GW dans neuf pays, du charbon au nucléaire et du gaz aux énergies renouvelables.
« Il a fini par gagner beaucoup d’argent sur des actifs qu’il avait achetés à bas prix », a déclaré une source proche de l’entreprise française Engie.
Le rachat en 2016 des mines allemandes et des centrales électriques au charbon de 8.000 mégawatts de Vattenfall en est un exemple : Kretinsky a reçu 1,7 milliard d’euros en espèces pour acheter les actifs et Vattenfall a enregistré une perte importante sur l’opération.
Selon un vétéran du marché tchèque de l’énergie, Daniel Kretinsky a fait preuve de ses talents de négociateur lors de cette transaction, en obtenant l’adhésion de toutes les parties prenantes, y compris des syndicats.
Pour l’investisseur tchèque spécialiste de l’énergie Michal Snobr, le principe de Daniel Kretinsky était simple.
« Acheter une entreprise, l’exploiter immédiatement et la faire croître rapidement dans un contexte de faibles taux d’intérêt », résume Michal Snobr, qui a travaillé avec Daniel Kretinsky au début des années 2000 au sein de J&T.
Daniel Kretinsky, connu de ses associés pour travailler de très longues heures lorsque la situation l’exige, avait « une grande clairvoyance, du courage et la capacité d’aller totalement au bout des choses ».
« TRÈS, TRÈS DUR »
D’autres associés soulignent la capacité de Daniel Kretinsky à se plonger dans les détails opérationnels des entreprises dans lesquelles il investit.
« Parfois, il connaît mieux l’entreprise cible que son propre directeur financier », relève Igor Mesensky, associé responsable des transactions chez KPMG Czech Republic, qui a conseillé Daniel Kretinsky.
Les entreprises contrôlées ou contrôlées conjointement par l’homme d’affaires tchèque ont enregistré des bénéfices d’exploitation de base (EBITDA) de plus de 9 milliards d’euros l’année dernière ainsi que des actifs de plus de 80 milliards d’euros, a déclaré un porte-parole d’EPH. EPH a déclaré un bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement de 4,3 milliards d’euros pour 2022.
La holding de Kretinsky, basée à Prague, emploie environ 250 personnes. Seule une discrète plaque signale sa présence sur la bien nommée rue de Paris, dans la capitale tchèque. La société est dirigée par un cercle restreint de gestionnaires loyaux, dont certains détiennent de petites participations.
Si les récents paris de Kretinsky en France peuvent apparaître comme complexes, l’investissement financier reste relativement faible pour l’homme d’affaires et la mise pourrait en valoir la peine.
« Nous parlons de 1,2 milliard pour Casino… ce n’est rien du tout », a déclaré la source proche d’Engie, en faisant référence à la prise de participation mise sur la table par le camp Kretinsky.
Il en va de même pour Atos, soulignent certains banquiers d’affaires, qui mettent en avant la capacité de Daniel Kretinsky à obtenir les meilleures conditions financières dans les transactions où il est le seul acheteur crédible.
« Il est très, très dur », a déclaré un banquier d’affaires qui a traité avec lui. « Sa marque de fabrique est de conclure des transactions dans des conditions extrêmement difficiles. »
(Reportage Jan Lopatka et Jason Hovet à Prague, Mathieu Rosemain à Paris, avec la contribution d’Emma-Victoria Farr à Francfort, version française Stéphanie Hamel, édité par Blandine Hénault)
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