L’Azerbaïdjan se retire d’une réunion avec l’Arménie et l’UE, boycotte la France
(Reuters) – Le président azerbaïdjanais, Ilham Aliev, a décidé de ne pas prendre part à des discussions avec le Premier ministre arménien, Nikol Pachinian, prévues jeudi en Espagne sous l’égide de l’Union européenne, un revers pour les démarches destinées à sauver le processus de paix entre Bakou et Erevan.
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Dans le sillage de l’opération militaire éclair menée le mois dernier par l’Azerbaïdjan au Haut-Karabakh pour prendre le contrôle de l’enclave au détriment d’ethnies arméniennes, provoquant la fuite de plus de 100.000 personnes vers l’Arménie, la réunion de Grenade devait servir à prévenir toute escalade supplémentaire.
Nikol Pachinian, contesté en Arménie, a indiqué qu’il prendrait tout de même part aux discussions, comme attendu, alors qu’Erevan est en quête d’aide pour faire face à une crise alimentaire amplifiée par l’opération de Bakou le 20 septembre.
Le président du Conseil européen, Charles Michel, le président français, Emmanuel Macron, et le chancelier allemand, Olaf Scholz, doivent participer à la réunion, qui s’inscrit dans le cadre du sommet de la Communauté politique européenne (CPE).
D’après l’agence de presse officielle azerbaïdjanaise APA, citant des sources non-identifiées, Ilham Aliev a décidé de ne pas se rendre en Espagne après avoir essuyé un refus de la France et de l’Allemagne au sujet de la présence de la Turquie à la réunion.
Le dirigeant azerbaïdjanais désapprouve aussi les « déclarations pro-arméniennes » de représentants français et la décision de Paris, annoncée mardi à Erevan par la ministre française des Affaires étrangères, Catherine Colonna, de fournir du matériel militaire à l’Arménie.
Bakou a aussi senti qu’une « atmosphère anti-Azerbaïdjan » s’était développée parmi les participants potentiels aux discussions, a rapporté l’agence de presse officielle.
Une source au sein de l’administration azerbaïdjanaise a confirmé à Reuters la décision d’Ilham Aliev. Cette source a indiqué que le dirigeant était toutefois disposé à prendre part à des discussions trilatérales avec Nikol Pachinian et Charles Michel.
REVERS CINGLANT
Le Haut-Karabakh est depuis plus de trois décennies au coeur d’un conflit entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie. Reconnue comme territoire azerbaïdjanais par la communauté internationale, l’enclave était de facto indépendante depuis la chute de l’Union soviétique et une guerre au début des années 1990, dirigée depuis lors par des ethnies arméniennes considérant le Haut-Karabakh comme leur patrie ancestrale.
En dépit de multiples cycles de discussions, Bakou et Erevan ne sont jusqu’à présent pas parvenus à sceller un accord de paix, un horizon qui semble s’être éloigné davantage avec l’intervention militaire du mois dernier.
Olessia Vartanian, analyste du Caucase du Sud pour l’ONG International Crisis Group qui oeuvre à apaiser les conflits mondiaux, a déclaré que l’absence d’Ilham Aliev à la réunion de jeudi était un revers cinglant.
« C’était très important pour lui de venir, après l’opération militaire au Haut-Karabakh, pour se réengager pour le processus de paix avec la médiation de l’Union européenne et des Etats-Unis », a-t-elle commenté.
Elle a ajouté que des conseillers d’Ilham Aliev et de Nikol Pachinian s’étaient entretenus la semaine dernière à Bruxelles avec des représentants français, allemands et européens afin d’éviter toute surprise ou malentendu en vue de la réunion de Grenade.
Sans dialogue, les risques d’un conflit armé sur le terrain sont amplifiés, a-t-elle souligné.
L’Azerbaïdjan a aussi dénoncé, via son ministère des Affaires étrangères, des propos selon lui non-fondés de la part de Catherine Colonna, qui a déclaré mercredi que Bakou n’avait « jamais cessé de s’armer » à des fins offensives et qu’il était ainsi normal que Paris continue de fournir des équipements défensifs à Erevan.
La France, a ajouté la ministre devant une commission parlementaire, ne cherche pas à alimenter la crise entre les deux pays. Elle a répété que toute action contre l’intégrité territoriale de l’Arménie donnerait lieu à des réponses « robustes », appelant l’UE à envoyer un signal clair en ce sens.
(Reportage Mark Trevelyan, avec Nailia Bagirova, Andrew Osborn, John Irish, Tuvan Gumrukcu, Doina Chacu et Paul Grant; version française Jean-Stéphane Brosse, Kate Entringer et Jean Terzian, édité par Nicolas Delame)
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