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France: Exercice d’équilibriste pour François Bayrou à l’Assemblée

par Elizabeth Pineau

PARIS (Reuters) – Le Premier ministre français, François Bayrou, prononce ce mardi à l’Assemblée nationale un discours de politique générale à mots pesés dans l’espoir de convaincre suffisamment de parlementaires pour échapper à la censure qui a eu raison de son éphémère prédécesseur, Michel Barnier.

Le centriste de 73 ans à la tête d’un gouvernement nommé fin décembre s’est entretenu avec chefs de partis et partenaires sociaux pour tenter de trouver, à défaut de compromis, l’ébauche d’un accord de « non-censure », à court terme du moins.

« Le Premier ministre a écrit son discours en grande partie seul, en le reprenant à maintes reprises, en homme de lettres et de dialogue », souligne son entourage, qui le dit « serein ».

Après une rencontre lundi avec des syndicats agricoles impatients de recevoir les aides promises avant l’ère d’incertitude déclenchée par la dissolution, François Bayrou a consulté les présidents des deux assemblées, Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher, pour peaufiner la dernière mouture de son intervention, prévue ce jour à 15h00.

Comme avant lui Elisabeth Borne, Gabriel Attal et Michel Barnier, il ne sollicitera pas le vote de confiance des députés.

Si La France insoumise (LFI) entend déposer une motion de censure, comme l’a confirmé mardi matin Manuel Bompard sur RTL, les socialistes continuent à négocier avec le gouvernement la « non-censure » en contrepartie d’une suspension de la réforme des retraites adoptée en 2023.

Le Premier secrétaire du Parti socialiste (PS), Olivier Faure dit avoir fait lundi soir une « dernière proposition », sur laquelle il n’a fourni aucun détail, et attendre la réponse du gouvernement.

« MONEY-TIME »

« Au moment où nous nous parlons, nous n’avons pas encore conclu (…) Nous sommes dans le money-time. Nous sommes peut-être à quelques heures d’un accord possible », a-t-il dit mardi sur BFMTV.

« Il faut la garantie que tout sera reposé, y compris la question de l’âge légal », a-t-il cependant ajouté, assurant que d’autres moyens de financement que l’allongement de l’âge de départ à la retraite sont possibles pour réduire le déficit budgétaire.

François Bayrou a affirmé n’avoir « aucun tabou » quant au réexamen du texte voulu par Emmanuel Macron, qui relève progressivement l’âge de la retraite de 62 à 64 ans, mais tout retour en arrière suscite de fortes réticences à droite et au sein de l’ex-majorité présidentielle, les deux composantes de son gouvernement.

Olivier Faure a pour sa part répété que même en cas d’accord de non-censure, le PS resterait dans l’opposition.

« On a besoin d’être utiles à la vie des Français. C’est le rôle de l’opposition », a expliqué le président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, Boris Vallaud, qui a participé avec Olivier Faure à un ultime rendez-vous avec des ministres du gouvernement Bayrou lundi soir.

« On ne veut pas que les classes populaires paient la facture du ‘quoi qu’il en coûte' », a-t-il insisté, estimant qu’il faut « tout remettre à plat ».

Ces négociations entre le PS et le gouvernement sont mal vues par LFI, adepte d’une ligne dure, ce qui pourrait sonner le glas du Nouveau Front populaire, alliance des socialistes, communistes, insoumis et écologistes née l’été dernier à l’occasion des élections législatives.

En courtisant les socialistes sans braquer le Rassemblement national, François Bayrou s’est démarqué de Michel Barnier, qui avait essentiellement négocié avec l’extrême droite sans échapper in fine à la censure du camp de Marine Le Pen.

Le chef du gouvernement et son ministre des Finances Eric Lombard n’entendent pas pour autant renoncer à réduire le déficit public prévu pour cette année entre 5,0% et 5,5% du produit intérieur brut (PIB).

« NE PAS PERDRE À DROITE CE QU’IL A GAGNÉ À GAUCHE »

La chute du conservateur Michel Barnier au bout de trois mois a crispé investisseurs et agences de notation, et conduit le Parlement à voter une « loi spéciale » pour permettre la continuité de l’Etat malgré l’absence de budget.

De son côté, Eric Lombard a rencontré la plupart des partis d’opposition afin de finaliser le Projet de loi de finances 2025, bloqué au Sénat depuis la chute du précédent gouvernement.

Issu de la gauche, l’ancien directeur général de la Caisse des dépôts envisage des augmentations d’impôts malgré les réticences d’une droite attachée au dynamisme économique et d’un camp présidentiel soucieux de préserver les acquis de sept ans de « macronisme ».

« On continue de dire que le travail reste au coeur de la société et le premier moyen de créer de la richesse », souligne un proche de Gabriel Attal, président du groupe « Ensemble pour la République » à l’Assemblée.

Laurent Wauquiez, patron du groupe Les Républicains, juge pour sa part « irresponsable » une refonte de la réforme des retraites tout en s’opposant à toute « nouvelle hausse d’impôts ».

Politiquement, « François Bayrou ne doit pas perdre à droite ce qu’il a gagné à gauche », prévient William Thay, politologue et président du groupe de réflexion Le Millénaire.

Le discours de politique générale sera aussi l’occasion pour François Bayrou, qui a brigué l’Elysée à trois reprises, de donner ses priorités pour la France.

Chantre de la lutte contre la dette, partisan de la proportionnelle aux élections, défenseur affiché de la France rurale dont il est issu, l’agrégé de lettres classiques devrait aussi s’exprimer sur la santé, préoccupation majeure des Français, l’immigration et la sécurité, priorités de la droite de son gouvernement et l’éducation, dont le maire de Pau (Pyrénées-Atlantiques) dirigea le ministère entre 1993 et 1997.

(Reportage d’Elizabeth Pineau, avec Tangi Salaün, édité par Kate Entringer et Blandine Hénault)

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