France/Elections-La gauche scelle son union, le RN prépare un gouvernement, Ciotti fait cavalier seul
par Elizabeth Pineau
PARIS (Reuters) – Les partis de gauche ont conclu jeudi un accord sur un programme commun et sur la répartition des circonscriptions entre eux en vue des élections législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet en France, alors qu’à droite, Eric Ciotti persiste dans son cavalier seul au sein de sa formation pour allier les Républicains au Rassemblement national.
Donné en tête par les instituts de sondage mais sans majorité absolue après sa large victoire aux européennes dimanche, le RN continue quant à lui à se préparer à une éventuelle arrivée au pouvoir en travaillant notamment à la formation d’un possible gouvernement dirigé par Jordan Bardella.
Après seulement quatre jours de discussions depuis l’annonce surprise de la dissolution de l’Assemblée nationale dimanche par le président Emmanuel Macron, La France insoumise (LFI), le Parti socialiste, les écologistes et le Parti communiste, entre autres, ont annoncé jeudi avoir scellé un accord global pour présenter un front uni face aussi bien au camp présidentiel qu’à celui de Marine Le Pen et Jordan Bardella.
« Nous aurons des candidates et des candidats communs capables de représenter la société française », déclarent-ils dans un communiqué publié sous la bannière d’un « Nouveau Front populaire ».
« Nous avons oeuvré à un programme politique de rupture avec une déclinaison pour les 100 premiers jours de mandat », ajoutent-ils.
Ils ne précisent toutefois ni la répartition des circonscriptions entre eux ni la teneur exacte de ce programme alors que de vives divergences aussi bien sur le fond qu’en termes de méthode se sont creusées depuis leur précédente alliance conclue il y a deux ans pour les précédentes législatives, et durant la campagne pour les élections européennes de dimanche dernier.
QUI POUR INCARNER L’UNION À GAUCHE ?
Des doutes demeurent aussi sur la personnalité qui sera amenée à incarner cette union et à devenir Premier ministre en cas de victoire.
L’Insoumis Jean-Luc Mélenchon, figure contestée dans une partie de la gauche, s’est dit mercredi « capable » de conduire un gouvernement.
Le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, a déclaré jeudi sur BFM TV et RMC qu’il ne « disqualifiait » pas Jean-Luc Mélenchon mais que l’état de fracture du pays appelait « un profil qui soit, non pas le plus clivant, mais qui permette au contraire de fédérer ce pays. »
A la suite de Jean-Luc Mélenchon, le député LFI François Ruffin et le communiste Fabien Roussel ont fait valoir qu’ils étaient aussi « capables » de gouverner à Matignon.
A droite, Eric Ciotti, qui conteste son éviction de la présidence des Républicains par les autres ténors du parti désavouant sa démarche de rapprochement avec le RN, devait déjeuner avec Jordan Bardella pour parler investitures, que les partis doivent déposer d’ici la fin de la semaine.
« Plusieurs dizaines » de députés Les Républicains, « sortants ou investis », seront « soutenus par le Rassemblement national », a affirmé mercredi Jordan Bardella, président du RN.
Un chiffre jugé exagéré par des sources à LR.
« Les Républicains présenteront des candidats aux Français dans la clarté et l’indépendance », a assuré Annie Genevard, secrétaire générale du LR.
RENAISSANCE VEUT MOBILISER LES ABSTENTIONNISTES
Du côté du RN, « ça avance bien », a dit à Reuters l’un des porte-parole, Laurent Jacobelli, membre de la commission d’investiture.
« Nous aurons 577 candidats soutenus par le RN. Soit parce qu’ils font partie du pacte républicain et patriote que nous représentons, soit directement Rassemblement national », a-t-il dit.
Finaliste des deux dernières élections présidentielles avec Marine Le Pen, le RN élabore aussi la formation d’un « gouvernement d’union nationale » dirigé par Jordan Bardella.
« Je suis gaulliste, pour moi c’est ‘sauver la France avec tous les braves' », a dit Laurent Jacobelli à Reuters. « On a les talents, les compétences, pour occuper les ministères. Face à chaque poste, on a un ou plusieurs noms. »
Dans le camp présidentiel, affaibli par son revers aux européennes, Renaissance s’est lancé dans la campagne au lendemain de la conférence de presse d’Emmanuel Macron, qui a mis en garde contre le danger des extrêmes et appelé à une « fédération de projets ».
« Je ne suis pas dans la sidération, je suis dans l’action », a déclaré sur France Inter le Premier ministre, Gabriel Attal, dont plusieurs sources ont dit qu’il avait tenté de dissuader Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée et proposé sa démission.
Le chef du gouvernement, candidat à sa réélection dans les Hauts-de-Seine, a commencé la campagne par un déplacement dans le Pas-de-Calais, où le RN fait traditionnellement de gros scores.
Pour Renaissance et ses alliés, la priorité est de mobiliser les abstentionnistes – près de la moitié des électeurs ne se sont pas déplacés dimanche pour les élections européennes – et de ramener dans le giron présidentiel ceux que les extrêmes rebutent.
« Depuis deux jours on voit ‘The Walking Dead’ au Front populaire, chez LR. Cela témoigne aussi d’une crise dans les partis d’opposition », a dit à Reuters une ministre, évoquant ironiquement la série télévisée sur des zombies. « C’est aux électeurs qu’il faut parler et leur dire qu’il y a un chemin, un cap qui n’est pas d’extrême droite. »
(Reportage Elizabeth Pineau, avec Bertrand Boucey)
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