Craignant de perdre le gaz russe, l’industrie française revient au pétrole
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par Mathieu Rosemain et Leigh Thomas
AIX-EN-PROVENCE (Reuters) – Les entreprises françaises parmi les plus consommatrices d’énergie accélèrent actuellement leurs plans d’urgence et convertissent leurs chaudières pour les faire tourner au pétrole, de peur qu’une nouveau tour de vis dans les approvisionnements en gaz russe ne provoque des coupures d’électricité.
Réunis ce week-end aux 22e Rencontres économiques d’Aix-en-Provence, plusieurs dirigeants ont dit se préparer à de possibles pannes d’approvisionnement.
« Ce qu’on a fait, c’est qu’on a converti nos chaudières, pour qu’elles soient capables de fonctionner au gaz ou au pétrole et même qu’on puisse passer au charbon si on en a besoin », a déclaré Florent Menegaux, président du géant du pneumatique Michelin, à Reuters.
« L’objectif est de ne pas avoir à arrêter d’usine en cas de tension », a-t-il ajouté, soulignant que si une pénurie de gaz en Europe était probable, le pétrole serait toujours disponible comme alternative.
Dans une usine de fabrication de pneus, où de la matière est transformée, il faut plusieurs jours pour arrêter et redémarrer la production, a poursuivi Florent Menegaux. Il est donc essentiel, a-t-il souligné, de maintenir sur le site une alimentation en énergie stable.
En juin, la Russie a réduit le flux transitant par le gazoduc Nord Stream 1, son principal itinéraire pour alimenter l’Europe occidentale, à 40% de sa capacité. Politiques et inudstirelles craignent de nouvelles réductions à cause de la crise provoquée par l’invasion russe de l’Ukraine, décrite par Moscou comme une « opération militaire spéciale. »
A travers l’Europe, les industriels se tournent donc vers des carburants plus émetteurs de CO2 que le gaz, la question de la sécurité des approvisionnements et du coût dans un contexte d’inflation ayant pris le dessus sur la sortie des énergies fossiles.
Le ministre français des Finances Bruno Le Maire a prévenu les chefs d’entreprises réunis à Aix qu’il serait irresponsable de ne pas se préparer à des pénuries.
« Je pense que la rupture totale de l’approvisionnement de gaz venu de Russie est une vraie possibilité (…) et nous devons nous préparer à cette option », a-t-il dit.
AVIS DE TEMPÊTE CET HIVER
Avec environ 17% de ses approvisionnements en provenance de Russie, la France est moins dépendante du gaz russe que plusieurs de ses voisins, notamment l’Allemagne.
Mais si le pays tire du nucléaire la très grande majorité de son électricité, le parc français est aujourd’hui vieillissant et 29 de ses 56 réacteurs sont à l’arrêt pour des inspections ou des opérations de maintenance.
Dans ce contexte, le gouvernement regarde, entreprise par entreprise, afin de déterminer lesquelles pourraient être forcées de réduire leur production pour économiser de l’énergie, et quelles autres ne peuvent pas se passer d’un flux ininterrompu.
« Toutes les entreprises s’y préparent (…) On a vraiment un risque de pénurie cet hiver », a déclaré de son côté sous couvert d’anonymat le président d’un groupe industriel français en marge des Rencontres d’Aix.
« L’ensemble des entreprises (industrielles) rouvrent leur chaudières, passent de l ‘alimentation en gaz au pétrole. »
Fin juin, le directeur général du constructeur automobile Stellantis, Carlos Tavares, avait annoncé étudier toutes ses options pour faire face à une pénurie d’énergie et ne pas devenir un fusible dans les arbitrages qui seront réalisés entre les besoins.
Parmi ces options, il a évoqué la possibilité de produire sa propre énergie au sein des usines du groupe ou d’investir directement dans des infrastructures de production énergétique.
A Aix, l’ancien ministre de l’Energie polonais Michal Kurtyka, dont le pays dépend encore à 70% du charbon pour sa production d’énergie, a averti les dirigeants réunis que l’Europe se dirigeait vers une « véritable tempête » cet hiver.
(Mathieu Rosemain, Gilles Guillaume pour la version française)
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