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Bayrou fait tanguer la majorité et s’aliène les troupes centristes

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PARIS (Reuters) – Le cavalier seul politique de François Bayrou, qui a retardé le remaniement en refusant d’entrer au gouvernement, l’isole au sein du MoDem et fragilise une majorité déjà chancelante à un moment déterminant pour Emmanuel Macron.

Le maire centriste de Pau a mis à mal le Meccano de l’exécutif en rendant public mercredi soir son refus d’un portefeuille ministériel au sein du gouvernement de Gabriel Attal, alors que la liste des ministres délégués et secrétaires d’Etat, attendue depuis plus de trois semaines, était en passe d’être finalisée.

Un refus aussi virulent qu’inattendu faute d’un « accord profond sur la politique à suivre », a-t-il souligné dans une déclaration transmise à l’Agence France-Presse.

Sa relaxe lundi dans l’affaire des assistants parlementaires du MoDem avait paru dégager l’horizon politique du dirigeant centriste, mais le parquet de Paris l’a replongé jeudi dans les démêlés judiciaires en faisant appel de ce jugement du tribunal correctionnel.

Le président du Mouvement démocrate a expliqué jeudi sur franceinfo qu’il aurait souhaité prendre en charge l’Education nationale, poste qu’il a occupé de 1993 à 1997, ou un portefeuille assimilable à l’aménagement du territoire, « deux secteurs qui sont incroyablement significatifs de cette perte de confiance que nous traversons ». Il dit avoir écarté le ministère des Armées, « le seul secteur (…) qui va à peu près bien ».

Dans sa déclaration de mercredi soir, le Haut-commissaire au Plan s’émeut du « gouffre qui s’est creusé entre la province et Paris ».

« Je ne laisserai pas faire un certain nombre de dérives qui sont fondées sur l’ignorance par les responsables du sommet de ce que vivent les Français à la base », a martelé jeudi François Bayrou, inquiet d’assister à une « progression des extrêmes ».

« INEPTE »

L’ancien ministre, qui avait fait valoir ses réserves sur la nomination de Gabriel Attal à Matignon, a déploré que le gouvernement compte, sur 14 ministres de plein exercice, « 11 ministres parisiens ou franciliens et pas un seul du sud de la Loire ».

Le coup d’éclat du Béarnais a non seulement contrecarré les efforts de l’exécutif pour composer un gouvernement reflétant l’équilibre de la majorité (le MoDem compte 51 députés), mais a semé la consternation au sein de son parti.

Le député des Hauts-de-Seine Jean-Louis Bourlanges a fait écho avec une rare virulence au trouble qui parcourt les rangs MoDem en dénonçant jeudi dans un communiqué une décision « politiquement inepte et moralement dégradant(e) » prise « sans concertation ».

« Si nous n’étions vraiment pas satisfaits de la place qui nous était proposée, il eût été envisageable de pratiquer le soutien sans participation. Nous sommes en train de choisir l’inverse : la participation sans le soutien. Ce qui revient à affaiblir dangereusement notre camp tout en nous discréditant nous-mêmes », déplore-t-il.

Dans un long exercice de justification, qui n’échappait pas au paradoxe, François Bayrou a assuré sur franceinfo que les élus centristes, soutiens d’Emmanuel Macron depuis 2017, étaient « membres à part entière de la majorité qui veut reconstruire le pays ».

« LOYAUX »

Des élus qui sont sortis jeudi de leur silence pour désavouer, en termes choisis, l’initiative de leur mentor.

« Nous assumons notre rôle de vigie pour que les engagements pris devant les Français en 2017 et réaffirmés en 2022 soient tenus, pour que la majorité reste la majorité », peut-on lire dans un communiqué du MoDem, avec ce mot d’ordre : « Loyaux, vigilants et rassembleurs ».

Le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau, pour l’heure le seul représentant centriste du gouvernement, a fait écho à cette déclaration d’allégeance en soulignant sur X que le MoDem poursuivrait son travail « en soutien à l’action de Gabriel Attal et Emmanuel Macron ».

Agé de 72 ans, le maire de Pau, qui a déjà brigué trois fois l’Elysée, a signifié sa volonté de se présenter à l’élection présidentielle de 2027.

« Ce n’est pas moi qui prends date pour l’élection présidentielle, c’est le pays. Ouvrez les yeux sur ce que nous sommes en train de vivre (…). L’enjeu de 2027, c’est qu’on arrive à réconcilier la France qui se bat en bas avec la France qui décide en haut », a-t-il plaidé.

« J’ai envie de lui dire ‘Bienvenue dans l’opposition’, » a ironisé jeudi sur franceinfo le président du groupe Les Républicains (LR) à l’Assemblée, Olivier Marleix. Pour Xavier Bertrand, président des Hauts-de-France, le pays traverse « une crise politique majeure ».

« L’un des piliers de la majorité montre clairement qu’il n’est plus en phase avec l’exécutif », a-t-il argué sur TF1.

Jean-Daniel Lévy, directeur délégué de l’institut de sondages Harris Interactive, relativise.

« On serait dans une crise si jamais Bayrou avait dit qu’il entrait dans l’opposition, s’il arrêtait de soutenir l’exécutif, si ses ministres sortaient du gouvernement », a-t-il expliqué à Reuters.

« Là c’est une tension exacerbée. Bayrou (…) n’est pas non plus une personne centrale de la majorité qui quitte le gouvernement. C’est une grosse épine dans le pied de l’exécutif », estime-t-il.

(Rédigé par Jean-Stéphane Brosse et Sophie Louet, avec la contribution d’Elizabeth Pineau)

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