Bayrou, attendu sur son plan d’action, écarte une suspension de la réforme des retraites
par Elizabeth Pineau
PARIS (Reuters) – Le Premier ministre François Bayrou n’accédera pas à la demande d’une partie de la gauche de suspendre la réforme des retraites d’avril 2023, optant pour une renégociation avec les partenaires sociaux d’ici l’automne 2025, a-t-on appris mardi dans l’entourage de Gabriel Attal et d’une source au sein du camp présidentiel.
Le chef du gouvernement prononcera à 15h00 (14h00 GMT) un discours de politique générale devant l’Assemblée nationale – il sera lu en parallèle par l’ex-Première ministre et nouvelle ministre de l’Education nationale Elisabeth Borne au Sénat.
Le centriste de 73 ans, nommé le 13 décembre à Matignon, sait qu’il devra peser ses mots pour échapper à la censure qui a eu raison de son éphémère prédécesseur, Michel Barnier.
Il a multiplié à cette fin les consultations avec chefs de partis et partenaires sociaux pour tenter de trouver, à défaut de compromis, l’ébauche d’un accord de « non-censure », à court terme du moins.
La pression exercée par le Parti socialiste (PS) pour arracher une suspension de la réforme des retraites paraît ne pas avoir porté.
François Bayrou, qui s’est adressé mardi matin aux présidents des groupes parlementaires du « socle commun », leur a dit qu’il n’y aurait ni abrogation ni suspension de la loi du 14 avril 2023, qui repousse l’âge légal de départ à la retraite, au rythme de trois mois par génération, de 62 à 64 ans.
« Il a dit pas de suspension ni d’abrogation », a-t-on rapporté dans l’entourage de Gabriel Attal, chef de file des députés Ensemble pour la République (EPR).
Le Premier ministre « a proposé que les partenaires sociaux ouvrent des discussions d’ici l’automne », a précisé une source au sein du camp présidentiel.
Le Premier secrétaire du PS, Olivier Faure, a annoncé mardi matin sur BFMTV que face à l’impasse constatée lundi soir dans les discussions avec le Premier ministre, une dernière « proposition » avait été formulée par les socialistes. « Si le Premier ministre l’accepte définitivement, c’est à lui de l’annoncer », a-t-il dit, refusant de préciser le contenu de cette proposition également soumise aux partenaires sociaux.
« Au moment où nous nous parlons, nous n’avons pas encore conclu (…) Nous sommes dans le money-time. Nous sommes peut-être à quelques heures d’un accord possible », a-t-il poursuivi.
LE NFP AU BORD DE L’IMPLOSION?
« Il faut la garantie que tout sera reposé, y compris la question de l’âge légal », a-t-il ajouté, assurant que d’autres moyens de financement que l’allongement de l’âge de départ à la retraite sont possibles pour réduire le déficit budgétaire.
Tout retour en arrière suscite de fortes réticences à droite et au sein de l’ex-majorité présidentielle, les deux composantes du gouvernement.
Ces tractations entre le PS et le gouvernement sont en outre mal vues par LFI, qui entend déposer une motion de censure à l’issue du discours de François Bayrou, ce qui pourrait sonner le glas du Nouveau Front populaire, alliance des socialistes, communistes, insoumis et écologistes née l’été dernier à l’occasion des élections législatives.
En courtisant les socialistes sans braquer le Rassemblement national, qui estime que ses « lignes rouges » sont respectées, François Bayrou s’est démarqué de Michel Barnier. Ce dernier avait essentiellement négocié avec l’extrême droite sans échapper in fine à la censure du camp de Marine Le Pen.
Le chef du gouvernement et son ministre des Finances Eric Lombard n’entendent pas pour autant renoncer à réduire le déficit public prévu pour cette année entre 5,0% et 5,5% du produit intérieur brut (PIB).
La chute du conservateur Michel Barnier au bout de trois mois a crispé investisseurs et agences de notation, et conduit le Parlement à voter une « loi spéciale » pour permettre la continuité de l’Etat malgré l’absence de budget.
De son côté, Eric Lombard a rencontré la plupart des partis d’opposition afin de finaliser le projet de loi de Finances 2025, bloqué au Sénat depuis la chute du précédent gouvernement.
Issu de la gauche, l’ancien directeur général de la Caisse des dépôts envisage des augmentations d’impôts malgré les réticences d’une droite attachée au dynamisme économique et d’un camp présidentiel soucieux de préserver les acquis de sept ans de « macronisme ».
« On continue de dire que le travail reste au coeur de la société et le premier moyen de créer de la richesse », souligne un proche de Gabriel Attal.
Laurent Wauquiez, patron du groupe Les Républicains, juge pour sa part « irresponsable » une refonte de la réforme des retraites tout en s’opposant à toute « nouvelle hausse d’impôts ».
Politiquement, « François Bayrou ne doit pas perdre à droite ce qu’il a gagné à gauche », prévient William Thay, politologue et président du groupe de réflexion Le Millénaire.
(Reportage d’Elizabeth Pineau, avec Tangi Salaün et Sophie Louet, édité par Kate Entringer et Blandine Hénault)