Le FMI plus pessimiste pour 2023 face à des chocs multiples
par David Lawder
WASHINGTON (Reuters) – Le Fonds monétaire international a abaissé mardi sa prévision de croissance mondiale 2023 pour intégrer les tensions liées à la guerre en Ukraine, à l’inflation et à la remontée des taux d’intérêt, en soulignant que la situation pourrait nettement se dégrader.
Dans ses nouvelles Perspectives économiques mondiales, le FMI précise qu’un tiers environ de l’économie mondiale va probablement se contracter l’année prochaine.
« Les trois plus grandes économies, les Etats-Unis, la Chine et la zone euro, vont continuer de caler », a déclaré son économiste en chef, Pierre-Olivier Gourinchas, dans un communiqué. « Pour faire court, le pire reste à venir et pour beaucoup de gens, 2023 sera vécue comme une récession. »
Le FMI prévoit un ralentissement de la croissance du produit intérieur brut (PIB) mondial à 2,7% l’an prochain, contre 2,9% prévu en juillet, en raison de l’impact de la hausse des taux sur l’économie américaine, de l’envolée des prix du gaz en Europe et de la persistance en Chine des restrictions sanitaires comme des difficultés de l’immobilier.
Pour cette année, il maintient sa prévision à 3,2%, la croissance meilleure qu’attendu en Europe permettant de compenser le ralentissement américain. Mais ce chiffre traduit un ralentissement marqué après le rebond de 6% dont a bénéficié l’économie mondiale l’an dernier.
Aux Etats-Unis, la croissance ne devrait être que de 1,6% cette année, soit 0,7 point de pourcentage de moins que prévu en juillet, après la contraction inattendue du PIB au deuxième trimestre. Pour 2023, le Fonds table toujours sur une croissance de 1,0% seulement.
Un responsable du Trésor américain a déclaré avant la publication de ces chiffres que l’économie des Etats-Unis restait « assez résistante, même face à d’importants vents contraires ».
L’INFLATION, PRIORITÉ NUMÉRO UN
Le FMI explique que ses prévisions restent dépendantes de la capacité des banques centrales à lutter contre l’inflation tout en évitant un resserrement excessif des politiques monétaires qui risquerait de précipiter l’économie mondiale dans « une récession grave inutile », de perturber les marchés financiers et de pénaliser les pays en développement.
Il reconnaît néanmoins que la lutte contre l’inflation reste la première des priorités.
« La crédibilité chèrement acquise des banques centrales serait fragilisée si elles commettaient une nouvelle erreur de jugement sur la persistance obstinée de l’inflation », a dit Pierre-Olivier Gourinchas. « Cela se révèlerait encore plus dommageable pour la stabilité macroéconomique future. »
La Réserve fédérale américaine et la Banque centrale européenne (BCE) ont longtemps considéré l’accélération de l’inflation comme un phénomène « transitoire », ce qui a retardé le début de la remontée des taux d’intérêt.
Le FMI estime que l’inflation à l’échelle mondiale devrait avoir culminé à 9,5% au troisième trimestre de cette année et qu’elle reviendra à 4,7% d’ici la fin 2023.
Il souligne aussi qu’une « combinaison plausible de chocs » incluant un bond de 30% des prix du pétrole pourrait faire chuter la croissance à 1,0% l’an prochain, un niveau auquel les revenus réels des ménages diminueraient.
Ce « scénario sombre » intègre aussi une baissé marquée des investissements dans l’immobilier en Chine, un resserrement important des conditions financières lié à de fortes dépréciations des monnaies émergentes et des tensions persistantes sur les marchés du travail.
Le FMI estime à 25% la probabilité que la croissance mondiale tombe l’an prochain sous 2%, une situation qui n’a eu lieu qu’à cinq reprises depuis 1970, et à 10% celle d’une contraction du PIB mondial.
LE DOLLAR, SOURCE DE TENSION
Les chocs potentiels évoqués par le Fonds pourraient prolonger la phase actuelle d’inflation élevée, et donc sans doute l’appréciation du dollar, déjà au plus haut depuis le début des années 2000 face aux autres devises.
Or, explique le FMI, une telle situation pénaliserait particulièrement les pays émergents car un dollar durablement fort accroîtrait le risque de défaut de certains de ces pays sur leur dette.
L’allègement de la dette des pays émergents devrait être l’un des principaux sujets de discussions lors des réunions du FMI et de la Banque mondiale qui débutent ce mardi à Washington et Pierre-Olivier Gourinchas a déclaré que les pays émergents devaient désormais se préparer à des temps difficiles.
Pour la plupart d’entre eux, a-t-il ajouté, la meilleure des stratégies doit conjuguer une politique monétaire donnant la priorité à la stabilité des prix, un ajustement des monnaies et « la préservation de réserves de change importantes en prévision du moment où les conditions financières empireront réellement ».
(Reportage David Lawder, version française Marc Angrand)