Les chrétiens de Syrie perdent espoir
À l'heure de l'intelligence artificielle, l'accès à des faits vérifiables est crucial. Soutenez le Journal Chrétien en cliquant ici.Les chrétiens de Syrie perdent l’espoir de pouvoir rester dans leur pays déstabilisé par l’État islamique, un groupe terroriste islamiste d’idéologie salafiste djihadiste ayant instauré un califat sur les territoires irakiens et syriens qu’elle contrôle. La moitié de la population syrienne est en fuite (plus de 22 millions d’habitants au total), les morts sont au nombre de plus de 200 000. Tel est le bilan intermédiaire de la guerre qui dure depuis plus de quatre ans. Il y a quelques mois, les troupes gouvernementales semblaient progresser dans la lutte contre les rebelles. Mais entre-temps, les alliés des USA – la Turquie (membre de l’OTAN et candidat à l’adhésion à l’UE) ainsi que l’Arabie saoudite et le Qatar (membres du Conseil de coopération du Golfe) – tentent de rassembler les différents groupes de rebelles islamistes dans la lutte contre le gouvernement syrien. Avec succès, comme le montre ce qui s’est passé à Idleb. Après plus de quatre ans de guerre, de nombreux Syriens sont désespérés.
Situation actuelle des chrétiens en Syrie
Avant le mouvement de contestation du gouvernement syrien qui a débuté par des manifestations anti-régime et pro-régime en 2011, les chrétiens jouissaient de la liberté de culte mais étaient privés de représentation politique, ce qui a poussé certains groupes armés à les considérer comme des soutiens du régime de Bachar Al-Assad.
Les chrétiens représentent près de 10 % de la population syrienne. C’est une des plus anciennes communautés chrétiennes du Proche et Moyen-Orient. L’Église orthodoxe d’Antioche (Grecs Orthodoxes), l’Église apostolique arménienne (Arméniens orthodoxes), l’Église grecque-catholique melkite, l’Église syriaque orthodoxe, l’Église catholique syriaque, l’Église arménienne catholique, l’Église maronite, l’Église latine, l’Église catholique chaldéenne, les Protestants et les Nestoriens sont les principaux mouvements chrétiens de Syrie.
Les chrétiens sont majoritairement présents dans les quartiers est de Damas, surtout Bab Sharqi et Bab Touma, ainsi que la ville de banlieue de Jaramana, dans laquelle ils sont majoritaires, ainsi qu’au nord de Damas, à Maaloula et Sednaya, villes saintes, ainsi que dans le sud du pays, dans la ville de Salkhad et les alentours, avec une proportion importante à al Souweida où ils représentent 25% des habitants. Les chrétiens constitueraient 20% de la population de Homs, troisième ville de Syrie. Ils sont principalement répartis dans les quartiers d’Al Hamadiyeh, Bab Sbaa , Fairouzeh, Zaidal , Al Mahatta et Al Adawia. La région d’al Jazireh, 25% de la population totale, essentiellement autour d’Al Hassak, Qamishli et les villages assyriens du Khabour. La région de Wadi Al Nasarah, regroupant une trentaine de villages chrétiens autour du Krak des chevaliers, ainsi qu’a Mashta al Helou, Kafroun, Al juwaikhat.
Les réfugiés d’Idleb
John Eibner, responsable de mission de l’organisation Solidarité Chrétienne Internationale s’est entretenu avec des chrétiens qui ont fui la ville d’Idleb, qui est au centre de la guerre civile syrienne. Cette ville qui comptait environ 165 000 habitants a été conquise en mars 2015 par l’Armée de la Conquête (Jaish al-Fatah), une coalition militaire présente en Guerre civile syrienne, qui se compose de nombreuses factions rebelles islamistes syriennes principalement actives dans le Gouvernorat d’Idleb, avec certaines factions actives dans le Gouvernorat de Hama et Lattaquié. Ainsi, le Front al-Nosra qui est une «filiale» du réseau terroriste Al-Qaïda s’y retrouve aux côtés des troupes de l’Armée syrienne libre. Or il faut savoir que ce dernier groupe est entraîné et armé par les Etats-Unis qui le considèrent comme «islamiste modéré», alors que le Front al-Nosra est considéré comme une organisation terroriste par le Conseil de sécurité des Nations Unies.
«Le but stratégique de la Turquie, de l’Arabie saoudite et du Qatar semble être la mise en place d’un État sunnite (‹Sunnistan›) qui s’étendrait de Mossoul à la côte méditerranéenne», déclare le responsable de mission CSI pour le Moyen-Orient John Eibner. «Ainsi, les nouveaux dirigeants pourraient exporter leur pétrole sans avoir affaire à des intermédiaires.»
En mai 2015, John Eibner de Christian Solidarity International s’est rendu en Syrie et il a pu s’entretenir avec les réfugiés d’Idleb.
Un réfugié chrétien a échappé à la mort
Le réfugié chrétien Khalil (prénom fictif) raconte:
«Nous étions environ 1300 chrétiens à Idleb, maintenant il n’y en a plus que deux: un homme et une femme âgés. Avant la guerre, nous avions une vie agréable. C’est vrai, nous étions une petite minorité, mais en général, nous étions respectés. J’avais un commerce; de nombreux chrétiens avaient une bonne situation professionnelle. »
Il poursuit:
La crise a commencé avec des manifestations après la prière du vendredi. Au début, les manifestants scandaient encore des paroles comme ‘Musulmans et chrétiens unis contre le régime’. Mais très bientôt, ils ont commencé à nous importuner, à commencer par nos femmes qui n’étaient pas voilées.»
«Je suis institutrice», remarque l’épouse de Khalil. «Ils m’ont sommée de ne plus aller en jeans à l’école, mais avec un hidjab. Je ne voulais pas et j’ai dû changer d’école.»
Khalil explique que le premier chrétien a été tué par des hommes armés le 14 février 2012. Ces derniers s’attaquaient aussi aux autorités et à la police et ils en ont profité pour tuer ce riche bijoutier. En mars 2012, l’armée régulière est entrée dans la ville. Comme il y avait régulièrement des combats, de nombreux habitants ont quitté Idleb. Lorsqu’en mars 2015, les rebelles ont conquis Idleb, nous n’étions plus qu’environ 400 chrétiens. Armés de masses et de mitrailleuses, les rebelles allaient d’une maison à l’autre et faisaient des trous dans les murs. Ils ont tué deux personnes de sa parenté qui vendaient de l’alcool et ils les ont empêchés de les inhumer.
« J’ai alors voulu m’enfuir avec ma famille et d’autres chrétiens. Lorsqu’ils ont découvert, au point de contrôle, que nous étions chrétiens, ils nous ont arrêtés et menés auprès d’un émir armé d’une grande épée. J’ai pensé que nous serions tués. »
« Vous êtes des infidèles », leur a-t-il dit. Il a injurié le christianisme et a exigé que ces chrétiens se convertissent à l’islam. Parmi les agresseurs se trouvait un étudiant qui avait repéré son professeur dans notre groupe. Grâce à son intercession, ils ont été libérés et ramenés à Idleb.
« Le lendemain, nous avons réussi à nous enfuir, avec l’aide de quelques musulmans. »
Les chrétiens perdent espoir
Pour John Eibner, « aucune détente de la situation n’est en vue. Tandis que la guerre continue, de plus en plus de chrétiens perdent l’espoir de pouvoir rester dans leur pays.» Au début du conflit, John Eibner trouvait les chrétiens syriens plus optimistes que ceux d’Irak. Maintenant, le désespoir a gagné la Syrie, notamment parmi les plus jeunes. «En même temps, de plus en plus de chrétiens qui envisagent un avenir en Syrie se rallient à des milices chrétiennes pour combattre contre les rebelles.»
Depuis le début, la guerre syrienne avait des caractéristiques clairement religieuses, notamment parce que le président Assad lui-même appartenait à une minorité religieuse (les alaouites). Les chrétiens et les alaouites sont particulièrement sous pression, mais aussi les musulmans sunnites qui s’enfuient par centaines de milliers dans des régions encore contrôlées par le gouvernement.