TEMOIGNAGE : Tani, handicapée visuelle devenue, grâce par grâce, journaliste
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Elle est le reflet de la grâce de Dieu sur tant d’hommes et de femmes qui ont cru au Seigneur Jésus-Christ. Elle, c’est Tani Diadiapoa Tindano, une jeune fille handicapée visuelle originaire de la province de la Gnagna, une localité située aux extrémités Est du Burkina à plus de 300 kilomètres de la capitale Ouagadougou. Issue d’une famille polygame, elle est orpheline de père depuis l’âge de cinq ans. Considérée comme un fardeau, Tani Diadiapoa Tindano est envoyée chez sa grand-mère maternelle en signe de « débarras ». Mais, « le choix des Hommes n’est pas celui de Dieu », a-t-on coutume de dire. En effet malgré son handicap congénital, son oncle maternel l’envoya à l’école. Et ce qui semble être un débarras pour les parents biologiques, s’est transformé en grâce pour la petite Tani. Convertie, courageuse et intelligente, elle a développé une passion pour le journalisme en écoutant la radio à longueur de journée le plus souvent restée à la maison ou assise sous l’ombre des arbres ou encore isolée pendant que les autres travaillent aux champs. Tani a su dompter son handicap pour vivre sa passion : devenir journaliste. Actuellement, elle travaille dans une radio et participe activement à la vie de son église. Tani Tindano, exprime sa passion pour le journalisme comme moyen de sensibilisation et de plaidoyer pour les personnes handicapées. Elle aborde également les défis personnels qu’elle rencontre, notamment en ce qui concerne la possibilité de fonder une famille. Son message final est un appel à l’inclusion des personnes handicapées dans l’église et la société, soulignant l’importance de leur offrir des opportunités et de reconnaître leur valeur. Nous l’avons rencontrée pour vous. Dans cet entretien, elle partage son parcours inspirant. Elle vous livre son témoignage aussi épatant qu’unique.
Lisez plutôt…
Journal Chrétien : D’entrée de jeu, nous sommes tentés de dire quelle grâce, votre histoire. Mais avant, dites-nous, comment êtes-vous arrivée à aller à l’école lorsque l’on connaît le phénomène de marginalisation qui touche les personnes vivant avec un handicap ?
Mlle Tani Diadiapoa Tindano : Merci pour cette occasion que vous m’offrez de parler de ma vie. Je suis Tani Tindano. Je suis née en 1993 à Manni dans la province de la Gnagna au nord du Burkina Faso à plus de 300km de la capitale Ouagadougou de mon pays. Je suis allée à l’école grâce à la mission SIM qui a prouvé que les personnes handicapées méritent mieux que ce qu’on pense d’elles en créant d’abord le « Centre Handicapés en avant » en 1987 et par la suite, en 2003, l’Ecole Intégratrice des Sourds et Aveugles et Malvoyants. C’est en collaboration avec le Centre médical de Piéla que nous avons eu l’information en 2006. Et avec la conviction de mon oncle, le petit frère de ma maman, je suis allée à l’école en 2006 pour la classe CP1.
J’ai fait l’école primaire à l’intérieur du centre puisqu’ils avaient déjà l’école à l’intérieur. Et de 2006 à 2011, j’ai eu le CEP. De 2011 à 2016, j’ai fait le collège et j’ai obtenu le BEPC en 2016 après avoir échoué en 2015, après le second tour. De 2016 à 2019, j’ai fait le lycée pour le second cycle au niveau du lycée public. Et j’ai obtenu le baccalauréat série A4 en 2019. Le diplôme en poche, j’ai décidé de poursuivre mes études à Ouagadougou, la capitale.
Après les orientations à l’Université de Ouagadougou, j’ai été affectée en lettres modernes. Dans cette nouvelle aventure, j’ai rencontré en 2016 à Piela lors d’un camp biblique Wali Banyala, une amie formidable. Quand on est revenue de ce camp, elle a décidé de rester avec moi et de m’accompagner pour la suite de mes études à Ouaga sans savoir réellement ce que je dois faire.
J’ai passé au moins deux semaines à l’Université de Ouagadougou en lettres modernes, mais je me suis rendu compte que ce n’est pas ce que je voulais faire. Mes proches m’ont convaincues de poursuivre en lettres modernes et après je pourrais me spécialiser dans ce domaine. Cependant en lettres modernes, le constat est qu’ils sont nombreux ceux qui ont le BAC depuis plusieurs années, mais qui n’ont pas encore fini la licence. Donc cette situation m’a découragée.
Pouvez-vous nous parler de votre famille ?
Oui, je suis issue d’une famille polygame de neuf enfants. Ma maman est la seconde épouse. Je suis le premier enfant chez ma maman et le quatrième au niveau du papa. Mais j’ai grandi plutôt avec ma grand-mère maternelle. Et je suis allée là-bas toute petite.
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« A cause de la méchanceté des hommes, mon papa est décédé atrocement parce qu’il a été assassiné par l’un de ses amis. »
Puisqu’il était allé à Fada dans une autre province que la nôtre à la recherche de terres cultivables pendant que moi j’étais bébé. Et comme l’agriculture et l’élevage vont toujours ensemble, il a su concilier ses deux activités et ça vraiment prospéré avec ses deux épouses.
Malheureusement, il y a un jour où il faisait paitre son troupeau. Dans la nuit, avec ses amis, il y a un qui a tiré sur lui. Du coup, il est parti. On a vu la personne qui l’a exécutée. Mais jusque-là, on ne sait pas qui est le commanditaire. Et pour quelle raison on a assassiné notre papa froidement comme ça. Jusque-là, on ne sait pas. Dieu le saura nous le dire. Le Seigneur a fait grâce.
D’abord née aveugle et pouvoir aller à l’école est une grâce. Ensuite, être orpheline de père très petite conjugué au handicap, ce n’était vraiment pas évident. Mais le Seigneur a fait grâce. C’est avec le Centre pour handicapé de Mahadaga que j’ai croisé le Seigneur en qui j’ai cru. Sinon, à la base, mes parents n’étaient pas chrétiens. La grand-mère avec qui j’ai grandi était également animiste.
Justement, comment avez-vous connu le Seigneur ? Et que représente-t-il pour vous ?
J’ai rencontré le Seigneur Jésus-Christ en novembre 2006 au Centre handicapé « en avant » de Mahadaga, un mois après la rentrée de classe. On faisait des études bibliques, on priait à l’internat et on partait également à l’église.
Donc, on apprenait déjà la parole de Dieu à travers les études bibliques à l’école, l’école du dimanche et également pendant la prière à l’internat. Et le verset qui m’a amenée au Seigneur, c’est l’évangile selon Jean, le chapitre 8, le verset 12. « Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie. » Étant quelqu’un qui vit déjà avec le handicap, j’ai vu immédiatement une solution à mon problème, puisque lui, il n’a pas la lumière, il est la lumière. J’ai vu directement la possibilité de retrouver la vue en lui. Et par la suite, je me suis rendue compte qu’il y a une autre lumière dont Jésus parle qui nous permet de dominer le handicap visuel que moi j’ai. Pour moi, le Seigneur représente un père que je n’ai pas eu la grâce de connaître biologiquement, puisque mon papa est décédé quand j’étais très petite. Je vois même mal son visage et je ne revois plus sa voix, puisque j’étais vraiment toute petite. Mais avec Jésus, je suis dans la joie.
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« Jésus est la première personne à qui je m’adresse si j’ai des soucis. Il m’arrive même de pleurer devant lui, parce que je sais qu’il me voit. Et il a toujours su utiliser des gens pour me venir en aide quand les choses sont difficiles. Il représente pour moi un Père ! »
Comment est née votre passion pour la radio ?
Ma passion pour le journalisme est née des difficultés que j’ai croisées durant le parcours scolaire. Parce que d’abord, depuis le lycée, ce n’était pas facile parce que j’ai été confrontée aux réticences des enseignants et moqueries des camarades de classe. Depuis ma première année scolaire au village, mon tonton(oncle) qui m’a inscrit à l’école a également souffert des jugements des autres. Les plus gentils lui reprochait d’avoir envoyé une non voyante à l’école « pour rien » et les moins gentils ironisaient en disant qu’il pensait un jour tirer profit d’elle. Mais lui, tel un visionnaire était convaincu et a insisté pour m’envoyer à l’école envers et contre tout pour mon bien. Ainsi, je suis alors allée à l’école tardivement tout simplement parce que mon entourage ne savait pas qu’un enfant qui ne voit pas pouvait le faire. C’était pour moi une grâce d’aller à l’école parce que l’âge requis pour être reçu dans une classe de CP1 était largement dépassé. Pour une norme de 6, 7 ans, moi je suis allée à l’âge de 9 ans.
A cela s’ajoute la distance entre mon village Manni et Mahadaga où je suis inscrite qui est plus de 400 km. Pour les gens, c’était comme un débarras d’autant plus qu’ils ne connaissaient même pas la structure qui nous a accueilli dans une autre province autre que la mienne. Mais mon oncle lui avait cette confiance que la structure d’accueil ne ferait du mal à des enfants handicapés en plus des charges financières qu’elle va supporter.
Il faut souligner qu’à partir de ma classe de quatrième, j’ai eu l’occasion d’animer des émissions radiophoniques en tant qu’invitée, souvent en tant qu’animatrice d’émissions en langues en collaboration avec la radio locale Tin-Tua de Piéla et Djawampo de Bogandé. Et les réactions des auditeurs m’ont toujours poussé à rechercher par quels moyens je pourrai me servir de ces médias-là pour prouver que le handicap n’est une fatalité. Certes, c’est difficile mais on peut aller au-delà pour se construire. Encore faut-il aussi que les parents mêmes des enfants handicapés le comprennent parce-que tant qu’ils ne le comprennent pas, il serait difficile de déconstruire les mentalités. Donc je voulais devenir journaliste, d’abord pour prouver qu’en tant que personne handicapée visuelle, je peux travailler dans ce milieu-là et, à travers mon témoignage et le travail que je veux faire contribuer à changer les mentalités et les comportements à l’égard de la personne handicapée afin qu’elle joue pleinement son rôle dans le développement des nations.
Les personnes vivant avec un handicap sont le plus souvent vues de travers. Préjugés, stigmatisation, rejet, violences, etc. sont autant de maux qu’elles endurent au quotidien. Qu’en est-il de votre cas ?
Comme toute autre personne handicapée, j’ai été confronté aux préjugés de tous ordres. Je me rappelle comme si c’était hier d’une phrase qu’on m’a dite. Jusque-là, grâce à la présence du Seigneur dans ma vie, j’ai pu pardonner la personne mais la phrase « refuse de me quitter ». Quelqu’un m’a dit un jour que : « Dieu t’a lancé une hache, voilà pourquoi tu es née comme çà », ce qui voulait dire dans ma langue que j’étais maudite par Dieu. Sinon que les préjugés ont toujours existé. A mon enfance déjà, les parents me disaient d’éviter les gens au risque de moqueries et autres. Avant d’aller à l’école, il y avait une église à quelques mètres de chez moi. J’entendais même les chants les jours de dimanche mais vu qu’on m’a fait comprendre que si j’allais là où il y a beaucoup de gens, on va se moquer de moi, je me suis abstenue d’y aller jusqu’à ce que je parte à l’école loin de ma famille et de mon village. C’est là-bas à Mahadaga à plus de 400 km de chez moi que j’ai connu le Seigneur. Et quand je suis revenue une année plus tard, j’ai pris le courage de fréquenter l’église et louer normalement le Seigneur avec les autres.
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Quelqu’un m’a dit un jour que : « Dieu t’a lancé une hache, voilà pourquoi tu es née comme çà », ce qui voulait dire dans ma langue que j’étais maudite par Dieu.
Vous avez soutenu avec brio en 2022 le diplôme d’assistante en sciences et techniques de l’information et de la communication dans l’une des meilleures écoles de journalisme de ton pays avec la note de 18 sur 20 en défendant le thème intitulé : « L’enseignement de l’alphabet braille au primaire et au secondaire, une alternative. Comment avez-vous vécu cette expérience ?
Je voulais coûte que coûte faire du journalisme. Je suis alors allée faire le test d’entrée à l’IPERMIC, un institut public à l’Université Joseph Ki Zerbo de Ouagadougou. Je me suis préparée pour le test mais je suis tombée malade deux jours avant la composition. Avec ma convalescence j’ai forcé pour aller composer avec le perfuseur sur le bras mais ça n’a pas marché et j’ai échoué. Maintenant, il fallait que j’aie une alternative, si je voulais vraiment continuer. Mais je ne savais pas quoi faire. Un jour, la fondatrice du Centre Espoir de Fada Françoise Pedo m’a appelé demandant si je tenais toujours à faire du journalisme ou si j’avais changé d’idée. J’ai dit non, j’y tiens toujours, mais je n’ai pas eu le test pour l’université publique.
Dans les écoles de formation, les frais de scolarité sont élevés et mes parents ne peuvent pas payer. Elle dit qu’elle ne m’a pas demandé le coût des frais, mais si je tiens au journalisme oui ou non ? J’ai dis oui. Elle a décidé, en collaboration avec la mission, de payer les frais de scolarité pour les deux années de formation. Et c’est ainsi que je suis allée à l’ISTIC.
Il y’a également mon amie Wali Banyala, qui a été d’un très grand appui pour ces deux années de formation parce-que j’avais besoin de quelqu’un pour m’aider pour les déplacements. Et elle m’a accompagnée. L’église SIM de Zogona également m’a soutenu avec les frais de déplacement, la nourriture, l’habillement et tout. Il y avait d’autres besoins tout autour mais en tout cas, la formation s’est très bien passée. Mon oncle maternel m’a aussi soutenu à sa manière.
A l’école de formation, c’est vrai qu’au départ, ils ont été hésitants à me recevoir surtout que j’étais leur première étudiante handicapée. Il a fallu batailler pour que les premiers résultats soient bons pour rassurer les enseignants et pouvoir continuer. Mais par la suite, tout le monde était vraiment engagé à m’accompagner. J’ai eu une note de satisfaction à tous les niveaux et des résultats très intéressants.
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Photo d’archives avec les membres du jury à sa soutenance
Pour la production à ma soutenance, j’ai eu 18 sur 20. J’ai fini ma formation en étant classée 4e de ma promotion, chose qui m’a encouragée. Je pense que je suis un exemple. Ceux (les handicapés) qui vont venir après, les portes de l’ISTIC vont leur rester ouvertes.
Aujourd’hui, vous exercez à la radio nationale du Burkina en tant que contractuelle. Comment avez-vous pu intégrer une telle structure étatique ? Et comment vivez-vous cela au quotidien ?
Oui, il faut dire que l’intégration à la radio nationale a commencé avec mon stage d’immersion après la première année. J’ai fait un mois de stage après la première année. Quand on a fini également la deuxième année, après la soutenance, je suis repartie pour trois mois de stage qui m’a été accordé. Et par la suite, j’ai eu un renouvellement de trois mois de stage. Et avant la fin de cette deuxième phase, j’ai obtenu un contrat avec eux en avril 2023. En décembre 2023, ce contrat a été évalué et jugé satisfaisant. Il va prendre fin en décembre 2024 dans un mois. Donc, pour le moment on peut dire que le contrat est toujours en évaluation. Et on verra bien ce qu’ils vont dire pour la suite.
C’est vrai que j’étais soucieuse au début des stages parce-que mes responsables se posaient à juste titre des questions sur mes capacités réelles à animer une émission en direct par exemple et à interagir avec les auditeurs. A cela, je leur ai toujours opposé ma volonté d’apprendre et cela sans complexe. Mes premiers tests ont été concluant et j’ai été retenu pour d’autres stages de perfectionnement qui, par la suite ont conduit au contrat actuel qui malheureusement prendra fin en Décembre 2024 prochain.
Mlle Tani, comment envisagez-vous justement poursuivre votre carrière de journaliste après la fin de ce contrat avec la Radio Nationale ?
Mon souhait est véritablement de pouvoir poursuivre cette carrière passionnante qui me tient à cœur à la radio nationale. J’ai proposé depuis 2023 une émission qui passe ici à la radio. J’ai également initié une deuxième émission en langue nationale Gulmancéma qui passe sur les antennes de la radio rurale. Je souhaite par la grâce de Dieu être recruté totalement pour que je puisse faire partie de la maison pour jouer entièrement mon rôle parce-qu’étant prestataire, je suis limitée. Qu’à cela ne tienne, je suis disposée à travailler avec toute autre structure parce-que pour moi le journalisme est un moyen pour participer à la sensibilisation et au plaidoyer pour le bonheur de la personne handicapée. Je ne suis pas figée. L’essentiel est de pouvoir prouver que les personnes handicapées méritent l’attention qu’on accorde à tous les enfants et qu’ils méritent de travailler aussi pour se prendre en charge au lieu de passer toute leur vie à être soutenus.
Au regard de votre parcours, votre vie a été une succession de défis que vous avez toujours su relever. Quel est le secret ?
Merci pour cette question. Il faut dire que le premier secret, c’est la présence de Jésus dans ma vie. Le deuxième secret est que j’ai compris que l’être humain est formé d’esprit, corps et âme. Et que le corps a cinq organes de sens. Et me concernant, c’est la vue seulement qui me manque. En fait, ce qui me manque est très minime pour que je passe ma vie à me lamenter. C’est ma compréhension des choses. La présence de Jésus ajoutée à cette compréhension m’a permis de comprendre que quelque soit ce que les gens pensent de moi, l’amertume n’est plus présente en moi comme avant.
Vous êtes encore jeune Mlle Tani, rayonnante et pleine de Vie. Est-ce que vous envisagez un jour fonder, par exemple, une famille ?
Fonder une famille est l’objectif de toute jeune fille parce-que le mariage a été institué par Dieu. Mais pour le moment, il y a deux réalités que je tente de dominer mais qui sont là. La première réalité, c’est le fait d’être toujours dépendante de quelqu’un pour me déplacer. La deuxième réalité, c’est que je suis limité en cuisine. Je ne peux pas dire à quelqu’un que je l’aime tout en sachant que je ne peux pas lui donner à manger. Ça me fait réfléchir. Pour le moment, je pense que je ne suis pas prête parce-que si une personne se présente, s’il n’y a pas vraiment une véritable compréhension et qu’il me rassure, ça sera difficile. De par l’éducation que j’ai reçue, c’est vraiment un blocage pour moi pour le moment.
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Tani Tindano avec sa mère
Aujourd’hui, vous menez votre vie spirituelle au sein d’une église. Comment arrivez-vous à concilier cela avec vos occupations professionnelles ?
Oui, c’est très important pour moi. Lorsqu’on participe dans la vie d’une communauté donnée, il faut apporter aussi sa touche. A l’église, je suis dans la cellule d’intercession et je suis également dans la chorale de la jeunesse.
Je participe aux activités normalement. Le véritable souci, c’est le déplacement seulement. Présentement je suis avec mon petit frère avec qui je partage le même moyen de déplacement mais qui malheureusement est orienté à l’Université Thomas Sankara avec des emplois de temps différents. Chaque matin, il me dépose à 6h à la radio. Il revient carrément vers 18h-19h me chercher. Donc, ça fait que s’il y a la prière à 19h, c’est un peu difficile pour moi de participer. Il y a également des études bibliques mais en tout cas, pour la chorale, les samedis, je participe. Voilà comment j’arrive à jongler pour prendre part à certaines activités.
A la fin de cette interview, quelles sont vos attentes en termes de perspectives d’avenir ?
Pour le moment, en ce qui me concerne, le cas de Françoise Pédo dont j’ai déjà parlé plus haut, m’inspire quant à l’avenir. Elle a consacré toute sa vie pour le bonheur des personnes handicapées. Puisqu’elle est missionnaire. Et premièrement, elle était venue en tant que sage-femme. Et elle a servi au Centre médical de Mahadaga. Et c’est de là qu’elle est partie. Elle a continué à fonder le « Centre Handicapés en Avant », ensuite, le Centre Espoir de Fada.
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Le Centre « Handicapés en avant
» de Mahadaga, un exemple d’intégration à soutenir.
En tout cas, ma volonté, c’est de suivre ses traces. A l’image de Louis Braille et de Hélène Keller, j’ai envie de laisser quelque chose qui va marquer l’humanité pour toujours. Mais pour le moment, je ne sais pas exactement quoi. Ce qui est certain, j’ai vraiment envie de laisser des traces en comptant surtout sur le Seigneur.
A l’endroit de l’église, je demande juste qu’on fasse en sorte que les personnes handicapées puissent connaître le Seigneur Jésus. Parce que Jésus a dit à quoi sert l’homme de gagner le monde entier s’il perd son âme. Cela pour dire que même celui qui a la possibilité de gagner le monde entier sans Jésus, il finira sa vie dans l’enfer. Et les personnes handicapées qui luttent depuis l’enfance et pour certaines personnes jusqu’à la fin de leur vie, si ces personnes-là vont encore se retrouver dans l’enfer, vous voyez combien de fois ça fait mal.
Moi, j’ai eu la grâce de connaître le Seigneur. Et cela m’a permis de surmonter beaucoup de préjugés. Mais il y a toujours des personnes handicapées qui souffrent de ce qu’on leur a fait comprendre qu’elles sont maudites par Dieu. Donc, elles sont même en colère contre Dieu parce-que ce qu’on leur a dit, c’est ce à quoi ‘ils ont cru. Mais il n’y a pas quelqu’un d’autre pour déconstruire ces idées-là. Donc, j’invite vraiment l’Église à penser à ces personnes-là dans leur campagne d’évangélisation. Souvent, aujourd’hui, avec les radios, on entend la parole de Dieu. Mais vu qu’on t’a déjà fait comprendre que si tu ne pars là où il y a beaucoup de gens, on va se moquer de toi, les personnes handicapées se méfient de l’Église. Il n’y a pas quelqu’un pour leur donner cette version contraire tant qu’eux-mêmes n’ont pas eu le courage d’aller dans l’Église pour voir la version contraire de ce que les gens disent.
Avez-vous un appel à lancer ? Un dernier mot ?
Mon dernier mot, c’est dire merci à toutes ces personnes qui ont contribué à ce que je sois là où je suis aujourd’hui. J’ai déjà parlé de la missionnaire Françoise Pédo. Je pense également à l’Église EESIM de Zogona, à l’Union des groupes bibliques du Burkina, à mon amie Banyala Wali que j’ai déjà cité plus tôt.
Je remercie toutes ces personnes et je prie que le Seigneur continue de les bénir et qu’il m’accorde vraiment la grâce de jouer demain le rôle qu’ils ont joué dans ma vie dans la vie d’autres personnes.
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Tani Tindano à l’issue de l’interview avec le pasteur Daniel Yonli et le frère Emmanuel Lankoandé
Je veux enfin encourager les personnes qui vivent avec un handicap. Il faut savoir qu’au-delà du handicap, on peut toujours faire quelque chose. Mais quand on baisse les bras, on se décourage, on sera toujours une charge pour les gens. J’encourage surtout ceux qui ont trouvé le chemin de l’école de ne pas baisser les bras parce que les parents nous prennent comme exemple pour inscrire les plus petits à l’école. Et si dans ton village, tu es un mauvais exemple, il faut te dire que tu as fermé la porte de l’école à des enfants dans la même situation que toi parce que les gens veulent voir avant de croire. Si tu pars à l’école et tu reviens dans la situation initiale, ce n’est pas bon. Pour ceux qui sont allés à l’école, qu’ils sachent que nous sommes appelés à nous battre. Si à l’école, ça ne va pas, accepte apprendre quelque chose qui te permettra d’être autonome pour qu’on ne te prenne pas pour un mauvais exemple pour fermer la porte de l’école aux autres.
Merci beaucoup.
Pour le Journal Chrétien
Entretien réalisé par Emmanuel LANKOANDE