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Comment gérer le ministère prophétique ?

Les systèmes politiques et médiatiques internationaux ont besoin que s'exercent des contre-pouvoirs. Depuis sa création en 2003, le Journal Chrétien, service de presse reconnu par l'Etat, est une force démocratique importante pour tous les chrétiens, les pasteurs et les églises parce qu'il les défend et fait éclater la vérité. Lire la suite.

Dans bien des Églises évangéliques de sensibilité pentecôtiste ou charismatique, le ministère prophétique a connu un certain développement. Plus peut-être que d’autres ministères, son exercice nécessite une certaine sagesse. Ce texte du pasteur Jean-Marc Potenti est issu d’une conférence qu’il a donnée en février 2003, à Lyon, lors d’une rencontre du “groupe d’Auxerre” qui rassemble des responsables charismatiques conscients du besoin des Églises en réflexion approfondie. Jean-Marc Potenti est président de la Communion des Églises de l’Espace francophone.
Nous constatons depuis un certain temps dans les milieux pentecôtistes-charismatiques l’émergence de ministères dits “prophétiques”. Parmi eux, certains exercent leur don au sein de communautés ou fédérations d’Églises et en collaboration avec d’autres ministères. Même si leur reconnaissance et leur exercice n’ont pas toujours été sans mal, ils ne soulèvent pas les mêmes questions que ceux qui revendiquent une certaine indépendance. La pratique de ces derniers soulève bien des réactions, allant de la crainte au rejet pur et simple.

Ce sujet a été proposé afin de poser (ou de rappeler) un fondement pour une gestion biblique de ce type de ministère. Par gestion, nous entendons le fait de créer les conditions favorables pour la reconnaissance et l’exercice de ce ministère particulier, en d’autres termes, son accompagnement en vue d’accueillir ce que l’Esprit veut faire et dire dans l’Église aujourd’hui : accueillir dans toute sa plénitude, c’est-à-dire sans chercher à contrôler ou à freiner, l’action souveraine de Dieu.

Nous affirmons que l’absence de gestion de la vie charismatique dans son ensemble, et dans le cas du ministère prophétique en particulier, n’est en rien assimilable à la liberté de l’Esprit si chère aux charismatiques. L’absence de gestion serait même le plus mauvais service que nous pourrions rendre à la “vie de l’Esprit”.

La gestion de cette expression de la spiritualité appartient à la responsabilité de l’Église et des ministères de gouvernement ; c’est même un signe de maturité. (Ap 2. 2).

Cette gestion doit être dépouillée de toute volonté de contrôle et pour cela, être vécue dans un esprit ouvert de recherche et avec une capacité permanente de remise en question de part et d’autre.

DEUX REMARQUES PRÉALABLES

– La question de la gestion du ministère prophétique nous renvoie aux notions de base sur le ministère en général : définition, appel, formation, reconnaissance, etc. Ces principes fondamentaux sont également valables pour le ministère prophétique. Il est toutefois nécessaire de les rappeler en raison du caractère surnaturel ou spectaculaire particulièrement marqué de la dimension prophétique et aussi de la relative nouveauté de son émergence au sein de l’Église.

– Nous n’avons pas d’indication précise sur la nature et le fonctionnement du ministère prophétique dans le Nouveau Testament. Il faut donc avancer avec beaucoup de prudence. Il semble que le Nouveau Testament en parle comme d’une réalité connue, sans qu’il soit nécessaire d’en préciser le contenu. Il y a plus de données pour le ministère apostolique que pour le ministère prophétique, soit par les définitions qu’en donne Paul, soit par les descriptions qu’il en fait. Les deux sont étroitement associés en tant que fondement de l’Église (Ep. 2 .20).

PRÉCÉDENTS

L’Ancien Testament est plus riche en évocation du ministère prophétique ; la confusion entre le modèle vétérotestamentaire et le modèle néotestamentaire devient donc difficile à éviter. C’est un risque majeur.

Il faut cependant revenir un instant à l’Ancien Testament pour rappeler, d‘une part la spécificité de ce ministère dans l’Ancienne Alliance et d’autre part, pour relever les différences essentielles avec celui de la Nouvelle Alliance. Je rappellerai les différents mots hébreux qu’on traduit généralement par “prophète” :

• « nabi » désigne “celui qui a été appelé”. Le prophète est un homme élu pour proclamer. Il assiste au conseil de Dieu pour entendre la parole de Dieu et la transmettre aux hommes (Jé 23.16-18).

• « voyant » est employé pour Samuel. Le prophète est un visionnaire. (1 Sa 9.19).

• « homme de Dieu » évoque celui qui est consacré et qui jouit d’une communion spéciale avec Dieu (2 R 4.8.).

On comprend la prophétie comme le “dévoilement écrit ou oral par un porte-parole humain de la révélation de Dieu et de sa volonté”.

On consulte donc le prophète pour connaître la voix de Dieu. Il a un rôle d’intermédiaire.

Dans l’Ancienne Alliance, les prophètes étaient des porte-parole. Leur fonction principale était d’être des porte-parole de Dieu pour leurs contemporains.

Moïse a été le premier médiateur porte-parole de Dieu auprès du peuple. C’est suite à l’épisode du Sinaï que, effrayé par la manifestation de la présence de Dieu, le peuple en avait fait la demande. Dieu lui promis à ce moment-là une lignée de prophètes comme Moïse, dont Christ sera le plein aboutissement.(De 18.15).

Aujourd’hui, chaque croyant a un accès libre et immédiat auprès de Dieu grâce à la prière et au Saint-Esprit. C’est la définition du sacerdoce universel que le protestantisme a su remettre à l’honneur.

Ainsi donc, la prière de Moïse en Nombres 11.29 “Puisse tout le peuple de Dieu être composé de prophètes et l’Esprit de Dieu être sur chacun d’eux” est maintenant exaucée depuis la Pentecôte.

Cela est déjà une indication précieuse et fondamentale sur la gestion de la prophétie dans la nouvelle alliance : le prophète n’est plus et ne peut plus être un médiateur. C’est un point essentiel qu’on oublie trop facilement dans la pratique.

D’autre part, les prophètes de l’Ancien Testament ont été suscités par Dieu dans un temps d’apostasie pour Israël et pour le sacerdoce lévitique. Leur mission consistait en tout premier lieu à ramener le peuple vers Dieu. L’école prophétique est née avec Samuel suite au déclin du sacerdoce lévitique.

UN MALENTENDU

Il faut encore préciser la signification de la prophétie. Par prophétie, on entend généralement la prédiction d’un événement futur, si bien que prophétie et prédiction sont devenus synonymes dans le langage courant.

Or, les statistiques montrent que :

• moins de 2 % des prophéties de l’Ancien Testament sont d’ordre messianique.

• moins de 5 % décrivent de façon spécifique l’âge de la nouvelle alliance.

• et moins de 1 % concernent les événements encore à venir.

(Source : Gordon Fee et Douglas Stuart, “Un nouveau regard sur la Bible”, éditions Vida).

Les prophètes annonçaient généralement l’avenir immédiat d’Israël, de Juda, et des nations qui les entouraient, plutôt que le nôtre.

Ainsi, la fondation de la prophétie dans l’Ancien Testament était de faire appliquer l’Alliance. Il faut noter la place considérable de la loi dans le message des prophètes ; les prophètes en rappellent l’exigence et font preuve d’une grande connaissance des commandements de Dieu. Ils rappellent sans cesse les bénédictions attachées à l’observation de la loi et les malédictions conséquentes à la désobéissance. Les bénédictions sont regroupées dans Lévitique 6 :1-13, et Deutéronome 4 :32-40 ; 29 :1-14, et les malédictions sont mentionnées en Lévitique 26 :14-39 ; Deutéronome 4 :15-28 ; 28 :15-42.

Les bénédictions touchent la vie, la santé, la prospérité, l’abondance agricole, le respect et la sécurité. Les malédictions entraînent les châtiments tels que la mort, la maladie, la sécheresse, la disette, le danger, la destruction, la défaite, la déportation, le dénuement et la disgrâce.

Par exemple, Amos (9 :11-15) annonce la bénédiction en termes de métaphores de l’abondance agricole, de la vie, de la santé, de la prospérité, du respect et de la sécurité.

Osée quant à lui annonce la malédiction en termes de destruction (Os.8 :4), de déportation (Os.9 :3). Le schéma suivant apparaît en lisant les prophètes.

* Une identification du péché d’Israël, ou de l’amour que Dieu lui témoigne.

* L’annonce toujours conditionnelle d’une bénédiction ou d’une malédiction.

AUJOURD’HUI

Dans la Nouvelle Alliance, le ministère prophétique appartient aux ministères de gouvernement donnés à l’Eglise (Ep.4 :11 et 1 Co.12 :28).

Ces ministères sont appelés à pourvoir à la coordination et au gouvernement spirituel de l’Eglise. Le prophète est cité en deuxième place après l’apôtre.

On comprend à la lecture des textes du Nouveau Testament que le ministère prophétique est différent du don (charisme) de prophétie. Les différences portent essentiellement sur la nature et sur l’autorité.

En effet, si les charismes sont les grâces-qualifications données par l’Esprit, pour l’édification du Corps, les ministères sont des personnes données par Christ à l’Eglise, pour le perfectionnement des saints, afin que l’Eglise accomplisse son ministère.

Différence de nature, puisqu’un charisme est une grâce de l’Esprit alors qu’un ministère est une personne, et d’autorité, puisque les charismes édifient la communauté ; celui de prophétie exhorte et console, alors que les ministères gouvernent (au sens biblique).

En d’autres termes, tous peuvent prophétiser, au sens d’exercer le charisme, mais tous ne sont pas prophètes, au sens du ministère (1 Co.14 :31 ; 12 :28).

On peut synthétiser le lien entre charisme et ministère par l’affirmation suivante : les charismes se manifestent dans le cadre du ministère de chacun et permettent d’accomplir les œuvres que Dieu a préparées d’avance (1 Co.12 :4-6).

MINISTERE DE GOUVERNEMENT

La vocation des ministères de gouvernement est le perfectionnement des saints (Ep.4 :12). Ce mot traduit « katartismos ».

Le perfectionnement est à prendre ici dans le sens de « préparation, adaptation ». Le verbe katartizo est employé par ailleurs pour décrire l’action de :

* remettre un membre démis

* réparer les mailles d’un filet

* redresser quelqu’un dans l’Eglise.

Il a donc le sens de préparer, restaurer, organiser, mettre en ordre, créer (Hé.11 « le monde a été formé par la Parole de Dieu ».

Le but des ministères de gouvernement est en fait de former les ministères de chaque membre au sein du Corps de Christ, de les rendre aptes à leur mission (Hé.13 :21), de promouvoir chacun dans son appel afin que le Corps tout entier puisse exercer le ministère de Christ. Les « ministères » individuels énoncés dans ce passage des Ephésiens ont pour but de former l’Eglise pour que celle-ci accomplisse son ministère. C’est l’essence même de tout ministère que de travailler à cela. Aucun ministère n’existe pour lui-même en dehors de cette perspective.

Il est indispensable de remettre tous les ministères dans cette perspective, y compris le ministère prophétique et de les évaluer en fonction de ce critère de formation et d’équipement du peuple de Dieu.

Enfin, le rayonnement des ministères de gouvernement s’étend à toute l’Eglise. Ils s’exercent donc soit sur un plan dénominationnel, soit trans-dénominationnel, et non pas seulement au sein de l’Eglise locale.

LES PROPHETES DU NOUVEAU TESTAMENT

Voici quelques mentions du ministère prophétiques qui me semblent significatives.

Agabus est une figure connue (Ac.11 :27), c’est même le seul prophète en exercice que l’on rencontre dans le Nouveau Testament. Il est à nouveau mentionné dans Actes 21 :10.

Il y a des prophètes dans l’équipe de ministères, équipe qui dirige l’Eglise d’Antioche (Ac.13). Prophètes et docteurs font bon ménage. La liste des personnes membres de cette équipe nous est donnée, sans définir lequel est prophète et lequel est docteur, et surtout sans préciser le contenu spécifique du ministère prophétique.

Les prophètes sont actifs à l’issue du Conseil de Jérusalem (Ac.15 :32). L’Eglise bénéficie des discours par lesquels ils l’encouragent après les « secousses » du concile.

Après avoir dit que le ministère prophétique appartient aux ministères de gouvernement (Ep.4 :11), finalement, Paul nous rappelle dans Ephésiens 2 :20 que l’Eglise est établie sur le fondement des apôtres et des prophètes. A nouveau le couple « apôtres-prophètes » est évoqué, sans préciser le rôle des uns et des autres.

On peut suggérer sans trop de risque que les prophètes relisaient l’Ancien Testament dans la perspective de la Nouvelle Alliance.

C’est le cas de Jésus avec les disciples d’Emmaüs, de Pierre à la Pentecôte, et enfin de Paul et son utilisation de l’Ancien Testament.

C’est dire la difficulté dans laquelle nous nous trouvons quand nous cherchons à préciser les contours du ministère prophétique.

DES CARACTERISTIQUES COMMUNES

On attend du prophète qu’il assiste au « conseil de Dieu » et nous le communique . (Jr.23 :18-22 ; Es.6 :8).

On n’est pas non plus étonné qu’il fasse entendre les exigences de Dieu et nous révèle son plan (Am.3 :7 et Hé.1 :1).

Sa perception de l’œuvre de Dieu provient du fait qu’il perçoit le mouvement de Dieu pour son peuple et pour le monde ; cela lui donne une vision dynamique.

Il reçoit la parole de révélation qui dévoile le plan, la volonté de Dieu et il la proclame. Il « collabore » en cela à l’œuvre créatrice de la Parole de Dieu qui amène le plan divin à l’existence (Jr.1 :10 détruire et bâtir, arracher et planter et Ez. 37 :4-10).

Il me semble que la différence à retenir absolument est celle de la médiation, mais la nature profonde du ministère prophétique demeure.

APOTRES ET PROPHETES

Il a été déjà souligné qu’ils constituent ensemble le fondement de l’Eglise (Ep.2 :20).

Dans Actes 11 :27, le prophète donne la Parole de Dieu, mais il ne dirige pas l’Eglise. Après la révélation, ce sont les disciples qui décident. Le prophète annonce un événement à venir, l’apôtre (ici les disciples, donc l’Eglise) gèrent. C’est la même chose avec Paul dans Actes 21 :10.

On ne peut parler de l’un sans évoquer l’autre. L’image la plus simple demeure l’illustration de Paul : l’apôtre est comme l’architecte (1 Co.3 :10). Il a (ou est appelé à avoir) une vision globale de l’œuvre de Dieu, alors que le prophète peut soit pointer l’avenir, soit pointer un domaine particulier.

En matière de perspective, ce sera l’apôtre qui mettra en place la stratégie pour aller dans la direction annoncée ; elle sera perçue de manière collégiale comme étant la direction de Dieu.

S’il s’agit d’un accent spécial, sainteté, intimité avec Dieu, discipline, etc., l’apôtre est alors responsable de l’équilibre au sens du maintien de l’ensemble des exigences (par exemple sainteté et grâce, piété personnelle et témoignage, etc.). Si une exigence ou une direction prophétique devient la norme, on risque la même dérive qu’avec les hérésies (au sens de « choix »). Une partie de la vérité est privilégiée au détriment de l’ensemble, elle devient un absolu.

UNE CONCEPTION OUVERTE DU MINISTERE

On ne peut pas réduire la nature et l’exercice des ministères à des titres. Un ministère se présente souvent avec une dominante, un aspect majeur, et des aspects mineurs.

Dans la pratique, les ministères ne correspondent pas à des fonctions exercées par plusieurs personnes de manière uniforme : il n’y a pas deux apôtres, deux évangélistes, deux pasteurs semblables, Dieu ne donnant pas des fonctions à l’Eglise mais des hommes et des femmes qui vont servir avec toute leur personnalité !

Il est donc difficile de cloisonner les différents ministères. On peut trouver des éléments de plusieurs d’entre eux dans la même personne avec cependant une dominante. Ex : apôtre, évangéliste, apôtre – enseignant, prophète – évangéliste, prophète – enseignant, etc.

Je parlerai plus volontiers de « dimension prophétique » ou de « dimension apostolique ». Les charismatiques parleront d’onction.

Voilà une indication précieuse pour discerner l’onction prophétique sans l’enfermer dans aucun stéréotype.

GESTION PRATIQUE DU MINISTERE PROPHETIQUE

Nous avons déjà dit que les mêmes principes jouent pour tout ministère.

Prenons pour exemple, l’attachement à l’Eglise locale. Cette condition essentielle est parfois difficile de par le caractère extra local de ce ministère ou de par sa nature particulière, du fait aussi que le prophète n’est généralement pas pasteur (très souvent il ne doit pas l’être), alors que d’autres ministères extra locaux peuvent être plus facilement exercés conjointement avec un ministère pastoral.

Pourtant l’enracinement dans une Eglise locale demeure un principe incontournable.

Il est toutefois nécessaire que l’Eglise soit apostolique (définition d’une Eglise apostolique : une Eglise comportant en son sein un ensemble de ministères – et non seulement le ministère pastoral – notamment la dimension apostolique), de façon à ce que ce ministère soit géré au sein d’une équipe dans laquelle l’apostolat est reconnu. Il sera difficile pour un pasteur de gérer un tel ministère.

Il en est de même pour ce qui est de la reconnaissance et de l’établissement du ministère prophétique.

Actes 13 nous fournit un modèle : Saul et Barnabas sont envoyés par le Saint-Esprit, puis recommandés par l’Eglise.

Le ministère doit être reconnu de manière locale en premier lieu, puis au niveau de l’ensemble des Eglises dans lesquelles il est exercé (Union, Réseau, etc.).

Il doit être non seulement reconnu, mais envoyé et couvert spirituellement par ces Eglises.

La vie d’équipe est indispensable au ministère prophétique comme aux autres ministères.

Précisons qu’il doit s’agir d’une équipe de ministères (avec la diversité et la complémentarité d’une équipe apostolique), et non d’une équipe qui serait autour et au service du ministère prophétique.

Le ministère prophétique a besoin de l’accompagnement apostolique, tant dans sa personne que dans l’exercice de son appel.

LE PROPHETE DOIT AUSSI CONNAÎTRE SA MESURE

Le principe de 2 Corinthiens 10 :13 joue aussi dans le cas du ministère prophétique. Il est nécessaire de connaître sa « mesure », le « metron » pour ne pas dépasser les limites données par Dieu.

Même si le prophète, en tant que ministère de gouvernement, appartient aux ministères extra locaux, sa sphère peut être définie, comme pour l’apôtre, à partir de plusieurs critères géographiques (sphère locale, régionale, ou nationale) ou encore en fonction de l’autorité. Certains prophètes ont reçu une onction qui s’adresse soit aux individus, soit aux Eglises, soit encore à la nation.

Connaître sa mesure est ici primordial.

Y A-T-IL UNE « PSYCHOLOGIE » DU PROPHETE ?

Comme pour tout ministère, l’aspect psychologique est un élément déterminant. Il serait d’ailleurs intéressant de faire le profil psychologique de chaque ministère.

On remarque généralement chez les prophètes des caractéristiques communes sur le plan psychologique. Ils sont dotés d’une grande sensibilité qui s’accompagne parfois d’une fragilité émotionnelle, ainsi que d’un besoin de sécurité, de reconnaissance.

On parle souvent du syndrome du prophète : comme Elie, malgré la puissance manifestée, il peut connaître les abîmes de la dépression, se sentir incompris et seul. On note aussi une radicalité évidente.

Le prophète immature s’identifie parfois à la prophétie qu’il donne. Dans ce cas, il est imperméable à toute correction et s’endurcit face à toute remise en question.

La prédication du prophète est souvent de type exhortative, sauf si ministère est doublé de celui d’enseignant. Les accents portent sur l’appel à la sainteté, la repentance, l’obéissance, mais aussi les défis de l’avenir.

GESTION PRATIQUE DE LA PROPHETIE

Il est aussi nécessaire et urgent d’éduquer l’Eglise à la compréhension et à la réception du ministère prophétique. Cela peut se faire en rappelant le sens de la prophétie. Celle-ci n’est pas une prédiction. La recherche de la connaissance de l’avenir était sanctionnée dans la loi de Dieu ; le risque est grand aujourd’hui de « consulter » le prophète comme on consulterait un voyant.

Il faut aussi insister sur la maturité et la responsabilité personnelle en matière de discernement de la volonté de Dieu.

De la même manière, il faut enseigner sur le temps nécessaire entre la promesse (reçue au travers d’une parole de connaissance) et son accomplissement. L’exemple de Joseph à ce sujet est parlant. Il y a donc une gestion nécessaire non seulement du ministère prophétique, mais aussi de la prophétie dans l’Eglise.

Par ailleurs, le prophète discerne les ministères et peut être plus spontané que l’apôtre pour les nommer. Il faut donc gérer les prophéties, qui orientent la vie des personnes. La nécessité d’examiner s’impose pour le charisme de prophétie comme pour le ministère prophétique. Un ministère prophétique doit s’exercer sous l’autorité des ministères locaux. Certaines prophéties doivent être données en privé, après examen par les ministères exerçant l’autorité dans l’Eglise.

DISCERNER

Le discernement des ministères est une des caractéristiques de la maturité de l’Eglise.

Il y a de nombreux avertissements contre les faux ministères dans les Ecritures (Ap.2 :2-20).

La maturité de l’Eglise se reconnaît à sa capacité à dénoncer les « faux prophètes » et à « discerner la fausse prophétie » afin d’exercer une discipline salutaire.

Plus que d’autres types de ministères peut-être, le ministère prophétique peut tomber dans les pièges des faux ministères. Je dirai pour nuancer que les erreurs ou les failles seront plus manifestes dans ce type de ministère mais elles sont communes à tous. C’est pourquoi les remarques qui suivent doivent être appliquées à toute personne en position d’autorité dans l’Eglise.

Je m’arrêterai en particulier sur les critères de discernement négatifs.

Je retiendrai la séduction et la domination qui en est un des fruits. C’est Paul qui nous renseigne sur ce risque, à partir de sa propre expérience. Il semble avoir souvent eu maille à partir avec des responsables faisant preuve de cette attitude. 2 Corinthiens 11.5 : « Or, j’estime que je n’ai été inférieur en rien à ces apôtres par excellence. »

La séduction est un pouvoir exercé sur les croyants, par l’affirmation d’une dimension supérieure du ministère, qui est proche de la fascination. Elle fait perdre tout sens critique, toute distance, déresponsabilise et entretient le culte de la personnalité du « ministère » en question. C’est une forme d’abus spirituel. Galates 3.1 : « Qui vous a fascinés ? ». Le verbe employé par Paul (baiskano) est d’une force rare. Il signifie « ensorceler, mettre sous le charme ».

On est ici sur un tout autre terrain que celui de l’Evangile qui au contraire favorise la maturité, le discernement, l’intelligence de l’individu.

L’indépendance est aussi un critère utile. C’est l’avertissement contenu dans la lettre qui énonce la prise de position des apôtres au Concile de Jérusalem.

Les docteurs qui s’opposaient au message de la grâce sont présentés comme n’ayant reçu aucun ordre : Actes 15 :24. Ils n’étaient recommandés par personne, sinon par eux-mêmes (2 Co.10 :18). Bibliquement, la recommandation provient toujours du fruit : « Vous les reconnaîtrez à leur fruit. »

Elle passe aussi par l’approbation de ceux qui nous entourent. Dans cet épisode, Paul aurait pu se passer de l’avis des apôtres de Jérusalem. Ayant fondé les églises parmi les païens, il avait la connaissance et l’autorité suffisantes pour trancher. Cependant, il préfère porter cette affaire devant l’équipe de Jérusalem.

C’est le signe d’une grande sécurité intérieure sur un plan personnel comme sur le plan du ministère, puisqu’il est prêt à s’en remettre au jugement des autres (Actes 15 :2).

Afin de ne pas prendre ses pensées pour la pensée de Dieu, la nécessité d’avoir des vis-à-vis s’impose tout particulièrement pour le prophète.

L’indépendance est aussi source de trouble (Actes 15 :24). Le trouble peut avoir différentes causes. Il peut provenir d’un combat intérieur suite à l’action du Saint-Esprit dans nos vies ; dans ce cas il est positif et ne touche pas aux vérités fondamentales de la foi. C’est un trouble nécessaire, comme Achab qui accusait Elie de troubler le peuple alors que c’est lui qui, par son idolâtrie, était une source de difficultés pour Israël.

Dans ce passage, le trouble vient du fait que les Judaïsants entraînaient les croyants à quitter le terrain de la grâce pour celui de la loi.

Le critère de la prophétie demeure l’édification de la foi et non l’instabilité.

Le message prophétique peut aussi engendrer la crainte. Or, il faut dénoncer la crainte qui vient d’une fausse conception des événements de la fin. Il est surprenant de voir comment l’enseignement biblique au sujet des événements de la fin a été détourné pour devenir un facteur de crainte. On assiste aujourd’hui à une prolifération de prophéties qui sont souvent teintées d’une crainte millénariste, faisant mention du jugement de Dieu et annonçant des temps particulièrement difficiles.

Quelle que soit l’eschatologie défendue par tel ou tel, rien ne justifie la perte de l’espérance.

L’espérance est certainement la marque de la prophétie. La perspective du retour du Seigneur est toujours présentée comme « bienheureuse » pour les croyants (Tt.2 :13), sans rien voiler du jugement et des temps difficiles qui accompagnent ce temps. Témoin la mention des douleurs de l’enfantement nécessaires à l’avènement de l’ère messianique que partagent les croyants et la création (Mc.13 :8 ; Rm.8 :22). Tribulations et royaume font partie du quotidien victorieux des premiers croyants (1 Th.3 :2-3 ; 2 Tm.3 :12 ; Ap.1 :9).

L’Apocalypse demeure le livre de la révélation de Jésus-Christ, prophétique par excellence, dont le but n’est pas d’entretenir la confusion ou la peur, mais d’encourager les chrétiens persécutés pour leur foi. L’annonce du jugement s’adresse à ceux qui s’opposent à Dieu et persécutent l’Eglise, alors que les croyants sont protégés. La protection de Dieu est affirmée tout au long de cette fresque.

Dans tous les textes concernant la fin des temps, la seule crainte autorisée est celle du risque d’endormissement (Mc.13 :36). Ni angélisme ni dépression, mais la vision du Royaume qui vient ! Pourquoi cette espérance a-t-elle été volée ?

Le catastrophisme et l’alarmisme ne construisent pas la foi. Il est nécessaire d’exercer une véritable autorité spirituelle sur la prophétie pour dénoncer ces déviations. Paul l’a fait sans ménagement auprès des Thessaloniciens (1 Th.2).

Le bon sens, pas au sens du raisonnement incrédule, mais l’application des principes et des tests bibliques pour les personnes et pour les doctrines, est un signe de maturité et d’équilibre.

L’effervescence et la spiritualisation à outrance sont des dangers qui peuvent conduire à la catastrophe ; ils ne sont en aucun cas encouragés par l’Ecriture.

Il y a un combat à mener contre la désespérance du diable, qui joue sur le tableau de la crainte et de l’absence de vision biblique d’avenir, de vision du Royaume de Dieu. L’espérance doit reposer sur une perspective biblique de l’histoire, résumée par les quatre piliers de la pensée chrétienne selon John Stott : la création, la chute, la rédemption et le renouvellement de toutes choses : le jour où la nouvelle terre et les nouveaux cieux seront manifestés, ce sera la pleine manifestation de la gloire de Dieu (Rm.8 :18-21 ; 2 P.3 :13).

En conclusion, je crois que le « retour » ou la restauration du ministère prophétique participe au renouveau : réveil que Dieu prépare pour l’Eglise. Il est donc souhaitable de ne pas gaspiller cette chance pour l’Eglise. Veiller sur les personnes et sur l’exercice de ce ministère relève de la responsabilité de l’Eglise.

Jean-Marc POTENTI

Les Cahiers de l’école pastorale

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