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Taxe numérique: Paris dénonce une « provocation » US, front uni en Europe

PARIS (Reuters) – La France a qualifié jeudi de « provocation » la décision des Etats-Unis de se retirer des discussions internationales sur la taxation des géants du numérique, tandis que l’OCDE, qui chapeaute les négociations, a prévenu qu’un échec sur ce sujet était susceptible de déclencher une guerre commerciale nuisible.

Le secrétaire américain au Trésor, Steven Mnuchin, a décidé mercredi de quitter les négociations que mènent près de 140 Etats depuis plusieurs mois pour réformer la fiscalité transfrontalière et l’adapter à l’ère numérique, en dénonçant le manque d’avancées sur le sujet.

Ces discussions, organisées sous l’égide de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), devaient aboutir d’ici à la fin de l’année.

« C’est une provocation vis-à-vis de l’ensemble des partenaires de l’OCDE. On était à quelques centimètres d’un accord sur la taxation des géants du numérique », a déclaré le ministre français de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire sur l’antenne de France Inter.

« Qu’est-ce que c’est que cette manière de traiter les alliés des Etats-Unis, de nous menacer systématiquement de sanctions ? », a-t-il poursuivi.

Le ministre français a précisé avoir adressé une réponse commune avec ses homologues italien, espagnol et britannique au courrier par lequel Steven Mnuchin les avait informés de cette décision, en réaffirmant leur volonté de parvenir à un accord le plus rapidement possible.

De son côté, le secrétaire général de l’OCDE Angel Gurria a appelé dans un communiqué l’ensemble des Etats représentés à poursuivre les discussions en vue de la conclusion d’un accord d’ici la fin de l’année, indispensable pour éviter une « guerre commerciale » particulièrement malvenue alors que l’économie mondiale est déjà lourdement pénalisée par les répercussions de la pandémie liée au nouveau coronavirus.

CONCERT DE RÉPROBATION

Faisant écho aux déclarations de Bruno Le Maire, le Trésor britannique et le ministère allemand des Finances ont fait part jeudi de leur détermination à parvenir à une solution internationale.

La porte-parole du gouvernement espagnol, Maria Jesus Montero, a quant à elle affirmé sur les ondes de la radio Cadena SER que les Européens n’accepteraient aucune menace de représailles et que les discussions en cours visaient seulement à définir « un système fiscal ordonné, équitable et adapté à l’époque actuelle ».

Le ministre italien de l’Economie Roberto Gualtieri a assuré sur Twitter être « déterminé à trouver une solution d’ici la fin de l’année avec la France, l’Espagne et le Royaume-Uni, comme décidé dans le cadre du G20 ».

A Bruxelles, le commissaire européen aux Affaires économiques et financières Paolo Gentiloni a également réaffirmé sa volonté de parvenir à une solution internationale négociée d’ici la fin de l’année et prévenu que l’Union européenne proposerait sa propre taxe si un accord dans le cadre de l’OCDE s’avérait impossible.

« Nous appliquerons quoi qu’il arrive une taxation aux géants du digital en 2020 parce c’est une question de justice », a également prévenu Bruno Le Maire.

La France, pionnière sur ce sujet, a instauré sa propre taxe numérique l’an dernier, ce qui lui a déjà valu des menaces de représailles commerciales de la part des Etats-Unis. Les échéances de paiement ont été suspendues jusqu’à la fin de l’année, dans l’attente d’un accord international, mais elles s’appliqueront si les Etats-Unis ne reviennent pas sur leur position et déclenchent un blocage à l’OCDE, a assuré le ministre français.

Les Etats-Unis, ont déjà lancé des enquêtes sur la taxe française visant les entreprises numériques et les projets comparables de plusieurs pays, dont la Grande-Bretagne, l’Italie et le Brésil. Les résultats de ces investigations pourraient conduire à l’adoption de mesures de rétorsion commerciales à l’encontre des pays concernés.

Dans sa configuration actuelle, le système fiscal international permet entre autres aux géants du numérique comme Google, Amazon, Facebook, Apple ou Microsoft – souvent désignés par l’acronyme « Gafam » – la possibilité de déclarer leurs bénéfices dans des pays à faible taux d’imposition des sociétés comme l’Irlande, indépendamment du pays dans lequel se trouvent leurs utilisateurs.

(Bertrand Boucey, Jean-Philippe Lefief, Leigh Thomas et Myriam Rivet à Paris, avec Jan Strupczewski à Bruxelles, William Schomberg à Londres, Michael Nienaber à Berlin, Angelo Amante à Rome et Isla Binnie à Madrid ; édité par Jean-Michel Bélot et Nicolas Delame)

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