Afghanistan: Compte à rebours pour les évacuations à une semaine du retrait US
(Reuters) – Les pays occidentaux s’empressent d’effectuer un maximum d’évacuations depuis l’aéroport de Kaboul, à moins d’une semaine de la date butoir pour la fin du retrait des troupes américaines et internationales d’Afghanistan, le 31 août, dont un éventuel report ne semble pas d’actualité.
La France, qui a mis fin à son intervention militaire en Afghanistan en 2014, pourrait interrompre les évacuations « avant la fin de la semaine », a annoncé mercredi matin sur CNEWS le secrétaire d’Etat français chargé des Affaires européennes, Clément Beaune.
Faute d’une prolongation de la présence des troupes américaines qui sécurisent l’aéroport de Kaboul, « nous nous mettons donc en situation d’arrêter les opérations à Kaboul avant la fin de la semaine pour que les dernières évacuations puissent avoir lieu via Abou Dhabi jusqu’à Paris », a-t-il ajouté.
Le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, a précisé quelques heures plus tard, à l’issue du conseil des ministres de rentrée, que la France devrait suspendre ses opérations dans « les heures voire les jours » précédant la fin du retrait américain, sans toutefois fournir de date précise.
« Ces évacuations se poursuivent à un rythme extrêmement soutenu (…), elles vont se poursuivre (…) aussi longtemps que ce sera possible », a-t-il assuré.
Le président américain Joe Biden a annoncé mardi que les Etats-Unis étaient en bonne voie pour conclure les opérations d’évacuation et leur retrait d’Afghanistan d’ici à la date butoir du 31 août, en soulignant qu’une prolongation de la présence des troupes américaines sur place posait de nombreux risques de sécurité.
« Le plus tôt sera le mieux » pour la fin du retrait, a déclaré Joe Biden, en précisant que « chaque jour supplémentaire d’opérations est assorti de risques supplémentaires pour nos troupes ».
PLUS DE 70.000 ÉVACUÉS EN DIX JOURS
Les taliban ont réaffirmé à plusieurs reprises leur volonté de voir le retrait des troupes étrangères s’achever dans les délais fixés par l’accord conclu en 2020 avec les Etats-Unis.
« Les troupes étrangères devront se retirer d’ici à la date limite. Cela ouvrira la voie pour la reprise des vols commerciaux », a déclaré mercredi sur Twitter un porte-parole des taliban, Souhail Shaheen.
« Les personnes disposant des documents nécessaires pour se rendre à l’étranger pourront voyager via des vols commerciaux après le 31 août », a-t-il précisé.
Plusieurs pays, dont la France et le Royaume-Uni, ont plaidé pour que cette date butoir soit repoussée, mais aucun report n’a été décidé mardi lors d’une réunion en urgence des dirigeants du G7.
Les 6.000 soldats américains encore présents en Afghanistan contribuent aux évacuations organisées par les Etats-Unis et assurent la sécurité de l’aéroport de Kaboul pour permettre à d’autres pays de mener leurs propres opérations.
Depuis le 14 août, veille de la prise de Kaboul par les taliban, les Occidentaux ont évacué plus de 70.000 personnes depuis l’aéroport de la capitale afghane, dont les abords sont surveillés par des combattants taliban.
Sur ces dizaines de milliers de personnes – ressortissants étrangers, personnel diplomatique et de l’Otan, mais aussi Afghans susceptibles d’être la cible de représailles de la part des taliban – la France a évacué près de 2.500 personnes, dont une centaine de ses ressortissants.
CRISE HUMANITAIRE EN VUE
Au-delà de ces évacuations par voie aérienne, un diplomate d’un pays membre de l’Otan présent à Kaboul a estimé que les pays frontaliers de l’Afghanistan devraient ouvrir leurs frontières terrestres afin de permettre à davantage de gens de fuir le pays.
Selon ce diplomate, qui a requis l’anonymat, plusieurs institutions humanitaires internationales désespèrent de pouvoir mettre en sécurité leurs personnels afghans dans les pays voisins.
« L’Iran, le Pakistan et le Tadjikistan devraient permettre à beaucoup plus de gens d’arriver par voie aérienne ou terrestre », a-t-il dit à Reuters.
Sur le terrain, les organisations humanitaires internationales alertent sur les risques croissants de famine et de persécutions pour les personnes qui ne seront pas parvenues à quitter le pays.
« C’est une véritable tempête qui couve du fait des conséquences combinées de plusieurs années de sécheresse, du conflit et de la dégradation de la situation économique, aggravées par l’épidémie de COVID-19 », a déclaré à Reuters à Doha le directeur exécutif du Programme alimentaire mondial (Pam), David Beasley.
Selon lui, près de 14 millions de personnes sont désormais menacées par la famine, sur une population afghane totale estimée à 36 millions de personnes.
La Haute Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, a déclaré mardi avoir reçu des informations crédibles sur de graves violations des droits humains de la part des taliban, notamment des exécutions sommaires. Les taliban ont assuré qu’ils enquêteraient sur tous les signalements d’exactions.
(Reportage bureaux de Reuters, version française Myriam Rivet, édité par Blandine Hénault et Tangi Salaün)