«Les mots ont d’abord été ma famille. Entre mes grigris de petite fille, le réconfort, pour moi, passait par ces passages de livres écornés dont la lecture me rassurait», raconte la jeune femme née à Anières, d’un père fribourgeois et d’une mère gréco-suédoise. Au milieu de deux sœurs et au sein d’une famille «très famille», Linn Levy, qui quitte la campagne pour rejoindre Genève à l’âge du collège, se caractérise très tôt par deux moteurs fondamentaux qui deviendront bientôt existentiels: le goût pour l’écriture et un besoin intarissable d’apprendre.
Ses études sont pour le moins brillantes: un bachelor et un master à l’Institut des Hautes études internationales, et un deuxième master en philosophie politique à la London School of Economics. Ses sujets de prédilection vont avec le prestige de ses titres académiques: le pouvoir politique, les droits de l’homme ou l’Extrême-Orient. Dès lors, la suite semble logique: «Pour une personne curieuse de tout, le journalisme était la meilleure voie. D’un coup de fil à un ministre étranger à la recherche poussée sur une question géopolitique, depuis le début de ma carrière, je n’ai fait qu’apprendre.»
Linn Levy fait ses premières armes dans la presse écrite. Un stage d’été à La Liberté – «où les premiers entrefilets que j’ai écrits traitaient tant de la famine en Corée du Nord que des rencontres des bus VW et des Coccinelles à Château d’Œx» – et un autre au Monde diplomatique, un stage «à la française», où le service des cafés remplace un peu l’écriture et l’analyse… Une expérience qui pousse à l’humilité, de la même façon que sa mauvaise mémoire qui, malgré des sujets qui la touchent, l’entraîne un jour à se la rafraîchir et à relire un article sur un sujet qu’elle potasse avant de se rendre compte… que l’article en question avait été écrit par elle-même! Rien toutefois qui ne l’empêche de rester six ans dans la même rédaction. La politique internationale reste son sujet de prédilection, même lorsqu’elle se met à écrire pour La Tribune de Genève, où on va aussi lui proposer de lorgner sur l’art contemporain, qui deviendra indispensable à sa vie.
Entre alors la littérature, qui pourtant n’est jamais sortie de sa vie privée et intellectuelle. «Depuis la découverte de Sartre, d’Elie Wiesel ou de Proust, un peu trop jeune peut-être, j’ai fait des écrivains et des philosophes mes maîtres et maîtresses à penser», confie celle que les livres de Zadie Smith émerveillent et que la posture d’une Chloé Delaume, «jamais là où on attend une femme écrivain, intellectuelle et penseur», fascine définitivement. Linn Levy est chroniqueuse dans les émissions culturelles TV et radio, et passe notamment par La puce à l’oreille ou Vertigo, qu’elle présente quelques fois, ainsi que dans Versus lire, «où le luxe ultime est d’y passer une heure en tête à tête avec un écrivain». Cette admiratrice de Houellebecq y fait alors des rencontres qui la marquent, comme avec le français Emmanuel Carrère ou le Genevois Jean-Jacques Bonvin, dont elle affectionne la propension «au trash, à la déambulation et à la nudité des mots».