La censure du gouvernement rejetée à l’Assemblée
Les députés français ont rejeté sans surprise mardi soir les deux motions de censure symboliques – émanant des Républicains d’un côté, des communistes et socialistes de l’autre – visant à protester contre le choix du gouvernement d’adopter sans vote la réforme des retraites.
L’opposition de droite comme de gauche considère en effet comme un déni de démocratie la décision annoncée samedi par le Premier ministre, Edouard Philippe, d’utiliser l’article 49.3 de la Constitution sur le projet de loi ordinaire, une première depuis le début de la législature.
Pour être votée, ces motions de censure devaient réunir la majorité absolue, soit 289 voix.
Le texte émanant des Républicains n’a été approuvé que par 148 voix. « La majorité requise n’est donc pas atteinte, la motion de censure n’est pas adoptée », a annoncé le président de l’Assemblée, Richard Ferrand.
De même, le texte de la gauche, qui était soutenu par le Rassemblement national, n’a été adopté que par 91 voix.
Ces motions n’avaient aucune chance d’être adoptées au regard du rapport de forces dans l’hémicycle : La République en marche, qui a la majorité absolue, pouvait aussi compter sur le soutien de la majeure partie des députés MoDem et Agir.
« Je mesure parfaitement le caractère exceptionnel de cet outil constitutionnel. Mais vous le savez ce n’est ni une première, ni une nouveauté pour des réformes importantes (..) Cet outil, il a été utilisé à 88 reprises par mes prédécesseurs. De gauche comme de droite », a rappelé Edouard Philippe lors du débat parlementaire qui a précédé ces votes.
Le chef du gouvernement a également cité le père de la Constitution de 1958, Michel Debré, qui présentait cet article 49 alinéa 3 comme « une disposition quelque peu exceptionnelle pour assurer malgré les manoeuvres le vote d’un texte indispensable ».
Le sujet fait toutefois des vagues au sein de LaRem, où deux députés ont quitté le groupe pour protester contre l’usage du 49.3 et où des élus ont réclamé une coordination avec les travaux de la conférence de financement des retraites actuellement en cours avec les partenaires sociaux.
Dans son discours dans l’hémicycle, le président du groupe Les Républicains, Damien Abad, a insisté sur le « coût politique » de cette séquence pour l’exécutif.
« Ce 49.3 vous fera très certainement perdre dans un avenir proche votre majorité absolue à l’Assemblée nationale », a-t-il dit, alors que le groupe LaRem compte désormais 298 membres (contre 314 au printemps 2017), se rapprochant du seuil de la majorité absolue fixé à 289 élus.
« Vous voulez une opposition qui ne s’opposerait pas mais qui viendrait à la rescousse de la pensée du chef », a lancé de son côté Jean-Luc Mélenchon, chef de file de La France insoumise, avant de prévenir la majorité: « Quoi que vous fassiez, vous ne viendrez jamais à bout de ce que nous représentons dans l’Histoire de notre pays. »
De nouvelles manifestations ont eu lieu mardi à Paris et dans plusieurs villes pour protester contre la réforme des retraites, contestée dans la rue depuis trois mois.
L’Assemblée nationale doit examiner de mercredi à dimanche la loi organique appelée à organiser le futur système.
Le ministre des Relations avec le Parlement, Marc Fesneau, a laissé la porte ouverte à un report de l’examen des textes par le Sénat, dont le président LR Gérard Larcher a demandé un délai jusque début mai pour laisser le temps à la conférence de financement d’aboutir.
« Je ne dis pas non », a-t-il dit France Inter. « On va essayer de regarder les choses qui sont possibles. »
Le gouvernement a posé comme objectif une adoption définitive de la réforme des retraites d’ici l’été.