Analyse: L’augmentation des dépenses allemandes aura un impact durable sur les marchés obligataires mondiaux
LONDRES/SINGAPOUR (Reuters) – Le changement radical de la politique budgétaire allemande est en train de redessiner les marchés obligataires mondiaux en augmentant le nombre de dettes sûres et de premier ordre et en propulsant l’Allemagne dans une nouvelle ère de rendements structurellement plus élevés des obligations d’État.
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Les partis qui espèrent former le prochain gouvernement allemand se sont mis d’accord la semaine dernière pour créer un fonds d’infrastructure de 500 milliards d’euros et réviser le « frein à l’endettement ».
Les rendements allemands se sont envolés en conséquence, anticipant des hausses des émissions d’obligations pour financer l’augmentation des dépenses, le rendement des obligations à 10 ans prenant 40 points de base à environ 2,9%.
Le rendement des obligations allemandes à 10 ans évoluait en territoire négatif entre 2019 et 2022 et a terminé l’année dernière juste au-dessus de 2%.
Plusieurs banques estiment que les rendements du Bund à 10 ans pourraient désormais atteindre 3%, soit plus de 20 points de base au-dessus du niveau de lundi et un niveau jamais atteint depuis la crise financière mondiale de 2009.
Mais les investisseurs sont également confrontés à la perspective d’une économie allemande plus dynamique, avec une croissance plus forte et des emprunts plus importants.
« L’impulsion fiscale soudaine de l’Allemagne est un changement de paradigme qui amène nos clients à s’interroger sur la région de manière totalement différente », a déclaré Kal el Wahab, responsable du négoce des taux linéaires de la zone EMEA chez Bank of America, rappelant que les perspectives de l’économie européenne avaient été moroses durant les deux dernières décennies
Les projets de l’Allemagne et l’augmentation des dépenses de défense européennes augmentent la croissance potentielle du PIB de 1,5% en Allemagne et de 0,8% dans la zone euro d’ici à 2030, selon les estimations de BNP Paribas.
Commerzbank estime de son côté que ces mesures pourraient facilement ajouter plus de 1.000 milliards d’euros de dette supplémentaire au cours des dix prochaines années, ce qui augmenterait considérablement l’offre d’obligations de premier ordre recherchées par les investisseurs du monde entier.
« Ce réveil budgétaire est une poussée supplémentaire vers l’abondance de garanties, avec des conséquences profondes pour les Bunds et leur place sur le marché des obligations d’État européennes », a déclaré Rohan Khanna, responsable de la stratégie des taux chez Barclays, soulignant aussi que le marché allemand avait été « en proie à la pénurie » avec des émissions nettes d’obligations négatives pendant sept des dix dernières années en tenant compte des achats de la banque centrale.
ÉPARGNANTS
L’évolution de la dynamique des prix en Allemagne a eu des répercussions dans toute l’Europe et au-delà : les coûts d’emprunt français et italien à 10 ans ont également augmenté d’un peu plus de 40 points de base la semaine dernière, pesant sur les gouvernements les plus endettés.
Les bons du Trésor américain ont largement suivi leur propre voie alors qu’ils sont confrontés au ralentissement de la croissance américaine, mais les rendements des gilts britanniques à 10 ans ont augmenté de 20 points de base pour atteindre leur plus haut niveau en sept semaines et le rendement à 10 ans du Japon, déjà en hausse, a atteint son plus haut niveau en 16 ans, à 1,53%.
« Les obligations d’État japonaises devront effectivement concurrencer les Bunds en termes de rendement », a déclaré Ales Koutny, responsable des taux internationaux chez Vanguard, ajoutant considérer maintenant que 2% pour les obligations à 10 ans est un objectif réaliste « car les flux de capitaux hors d’Europe seront fortement ébranlés par ce changement de politique de l’Allemagne ».
Goldman Sachs estime que les rendements allemands pourraient encore augmenter avec les plans de dépenses, ce qui implique une fourchette potentielle de 3,0 à 3,75% pour les rendements des Bunds.
« Il pourrait y avoir des risques de sorties de capitaux des États-Unis (…) parce que des Bunds à rendement plus élevé en feraient des rivaux des bons du Trésor », a estimé Monica Defend, à la tête de l’Amundi Investment Institute.
Laura Cooper, stratège en investissements mondiaux chez Nuveen, a averti que l’incertitude liée aux tarifs douaniers américains pourrait tempérer la hausse des rendements allemands, même si la dynamique reste favorable à une hausse.
« Historiquement, lorsque vous partez d’un niveau inférieur à la juste valeur, vous ne vous contentez pas de l’atteindre, vous pouvez aller jusqu’à 50 points de base plus haut », a rappelé Vasileios Gkionakis, économiste chez Aviva Investors, estimant la juste valeur des rendements allemands à 3,1-3,2%.
(rédigé par Alun John, Yoruk Bahceli, Harry Robertson et Dhara Ranasinghe à Londres, Tom Westbrook à Singapour et Davide Barbuscia à New York ; version française Bertrand De Meyer, édité par Kate Entringer)
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