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Sénégal: Manifestations sanglantes après la condamnation de l’opposant Sonko

par Ngouda Dione et Bate Felix

DAKAR (Reuters) – Neuf personnes ont été tuées jeudi au Sénégal lors de heurts entre la police anti-émeutes et des partisans de l’opposant Ousmane Sonko à la suite de la condamnation de ce dernier à deux ans de prison ferme pour « corruption de la jeunesse » qui remet en cause sa candidature à l’élection présidentielle de 2024.

Ousmane Sonko, 48 ans, était jugé pour des accusations de viol et de menaces de mort contre une employée d’un salon de massage, des faits qui se seraient déroulés en 2021 selon son accusatrice.

L’opposant, arrivé troisième lors de la présidentielle de 2019 remportée par Macky Sall, a rejet é ces accusations et boycotté les audiences, ses avocats dénonçant une conspiration politique et ses partisans se mobilisant dans les rues.

Alors que le ministère de la Justice a indiqué qu’Ousmane Sonko pourrait être transporté en prison à tout moment, des officiers de police sont restés déployés autour du domicile de l’opposant dans la capitale Dakar, où les tensions étaient vives, de même que dans d’autres villes du pays.

S’exprimant dans la nuit de jeudi à vendredi à la télévision publique, le ministre de l’Intérieur, Antoine Felix Abdoulaye Diome, a déclaré que neuf personnes sont mortes dans les heurts survenus en différents points de Dakar et à travers le pays après l’énoncé du verdict.

Le tribunal de Dakar a acquitté Ousmane Sonko pour les accusations de viol et menaces de mort mais l’a condamné à deux ans de prison pour le délit de « corruption de la jeunesse », défini par le code pénal comme un comportement immoral vis-à-vis de jeunes de moins de 21 ans. L’accusatrice d’Ousmane Sonko avait 20 ans au moment des faits présumés.

« Avec cette condamnation, Sonko ne peut pas être candidat », a déclaré l’un de ses avocats, Bamba Cissé. La loi sénégalaise empêche toute personne condamnée pour une infraction pénale de se porter candidat à un mandat politique.

« C’est une satisfaction (…) mais pas une satisfaction totale », a dit à la presse l’un des avocats de la jeune fille, El Hadj Diouf. « Nous aurions voulu la condamnation de M. Sonko à un minimum de dix ans fermes mais nous sommes obligés de nous plier à la décision souveraine des juges de la chambre criminelle. »

Les démêlés judiciaires d’Ousmane Sonko depuis son arrestation en 2021 ont donné lieu à de violents heurts entre les partisans de l’opposant et les forces de l’ordre qui avaient déjà coûté la vie à plusieurs personnes par le passé.

Dès l’annonce de sa condamnation, des manifestants ont incendié un véhicule sur un campus universitaire de Dakar et jeté des pierres contre la police anti-émeutes, qui a répondu par des tirs de gaz lacrymogène.

Dans un avis publié à la mi-journée, le ministère français des Affaires étrangères a recommandé aux Français présents au Sénégal d’éviter tout rassemblement, « des appels à manifester, lancés à Dakar et dans plusieurs autres villes du Sénégal, (étant) susceptibles de générer des incidents entre manifestants et forces de l’ordre ».

Ousmane Sonko, un ancien inspecteur des impôts, est engagé depuis des mois dans un bras de fer avec Macky Sall, au pouvoir depuis 2012, et bénéficie d’un fort soutien auprès des jeunes déshérités des villes qu’il a appelés à plusieurs reprises à descendre dans les rues.

Macky Sall a déclaré mercredi que « certains acteurs » avaient « choisi de détruire la République ». « Face à de tels choix, mon devoir est de protéger la République. Force restera à la loi », a-t-il ajouté.

Parallèlement à la condamnation de jeudi, Ousmane Sonko fait appel contre une condamnation le mois dernier à une peine de six mois avec sursis pour diffamation.

La prochaine élection présidentielle au Sénégal est fixée au 25 février 2024.

(Reportage Ngouda Dione et Bate Felix, avec Diadie Ba et Edward McAllister; version française Zhifan Liu et Jean-Stéphane Brosse, édité par Nicolas Delame et Jean Terzian)

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