Air India s’engage à acquérir 250 Airbus dans le cadre d’une commande historique
par Aditi Shah et Tim Hepher
BANGALORE, Inde/PARIS (Reuters) – Air India s’est engagée mardi à acquérir 250 avions auprès d’Airbus, auxquels s’ajouteront 220 Boeing dans le cadre d’une commande historique de 470 appareils, étape cruciale d’une transformation en profondeur de l’ex-compagnie aérienne publique désormais contrôlée par Tata Group.
La commande à Airbus se divise entre 210 monocouloirs A320neos et 40 bi-couloirs A350, qu’Air India utilisera « pour des routes ultra-longues à travers le monde », a déclaré le président du conglomérat indien, N Chandrasekaran.
Avec les 220 Boeing, confirmés par le président américain Joe Biden qui a salué un « accord historique », il s’agit de la plus grande commande jamais passée dans l’histoire de l’aviation, devant les 460 Airbus et Boeing acquis par American Airlines en 2011.
La commande à Boeing, la deuxième en volume dans l’histoire de l’avionneur américain, et la troisième en valeur, comprend 190 737 MAX, 20 787 et 10 777X. Air India a également posé des options pour l’achat de 50 737 MAX supplémentaires et 20 787.
Si l’on y ajoute 25 Airbus supplémentaires qu’Air India entend louer pour répondre à ses besoins immédiats, l’accord global approche la marque des 500 appareils, confirmant un chiffre que Reuters avait dévoilé en décembre dernier.
Cette méga-commande illustre l’aspiration de l’Inde à devenir l’un des premiers marchés de l’aviation commerciale, avec une clientèle appelée à s’accroître sur son territoire et une vaste diaspora.
Elle constitue aussi un tournant pour Air India, rachetée il y a un peu plus d’un an par Tata Group et qui, sous la houlette de son nouveau directeur général Campbell Wilson, s’emploie à redorer son image en reléguant aux oubliettes celle d’une compagnie retardataire à la flotte vieillissante.
« Nous sommes en train de connaître une transformation massive avec la volonté de construire une compagnie aérienne de classe mondiale », a souligné le président de Tata Group. « L’un des points les plus importants est une flotte moderne qui soit efficace et qui puisse opérer sur toutes les routes aériennes. »
COOPÉRATION FRANCO-INDIENNE
Le président du conglomérat indien s’exprimait lors d’une visioconférence à laquelle participaient notamment le Premier ministre indien Narendra Modi, le président français Emmanuel Macron et le directeur général d’Airbus Guillaume Faury.
« Ce contrat important montre, parallèlement à l’approfondissement des relations entre l’Inde et la France, les succès et les aspirations du secteur de l’aviation civile en Inde. Aujourd’hui, l’aviation civile est une partie intégrante de la croissance indienne », a déclaré Narendra Modi.
Selon des sources au sein de l’industrie aéronautique, l’Inde a fait pression sur Airbus pour obtenir une ligne d’assemblage final sur son territoire, à l’image de l’usine du groupe européen près de Pékin dans le nord de la Chine, mais l’avionneur a repoussé l’idée pour des raisons financières et industrielles.
La commande d’Air India devrait cependant avoir d’autres retombées industrielles. « Cette réussite montre qu’Airbus et tous ses partenaires français sont pleinement engagés à développer de nouveaux domaines de coopération avec l’Inde », a souligné Emmanuel Macron lors de la visioconférence.
N Chandrasekaran a indiqué qu’Airbus et Tata travaillaient sur de plus gros partenariats avec notamment l’ambition « d’introduire la fabrication d’avions commerciaux à un moment donné dans le futur ».
CFM INTERNATIONAL CHOISI POUR UNE PARTIE DES MOTEURS
Le montant global de cette double commande à Airbus et Boeing, même après les remises de prix importantes attendues, devrait s’élever à plusieurs dizaines de milliards de dollars, à un moment où le secteur aéronautique profite d’un rebond de la demande consécutif à la sortie de la crise du COVID-19 tout en subissant des pressions sur les plans industriel et environnemental.
« C’est important pour l’industrie car en raison des récentes turbulences sur le marché chinois, le marché de croissance alternatif, c’est l’Inde », relève Bertrand Grabowski, expert et conseiller indépendant.
« L’Inde envoie aussi un signal politique fort pour dire qu’elle reste attachée à l’Occident à un moment où elle est apparue ambiguë à propos des sanctions russes », ajoute-t-il.
La commande représente également une victoire commerciale d’importance pour le motoriste CFM International, coentreprise entre General Electric et Safran, choisi pour fabriquer les moteurs des 210 monocouloirs d’Airbus aux dépens de son rival américain Pratt & Whitney.
Les moteurs des avions à fuselage large seront construits par le britannique Rolls-Royce.
Le Premier ministre britannique Rishi Sunak a déclaré que l’accord permettrait la création de nouveaux emplois.
« La commande permettra de soutenir plus d’un million d’emplois américains dans 44 Etats, et beaucoup ne nécessiteront pas un Bac +4 », a déclaré quant à lui Joe Biden dans un communiqué.
Grâce à cette commande, Air India ambitionne de jouer dans la cour des grandes compagnies aériennes, capables de peser auprès des avionneurs et fournisseurs sur un marché indien en plein boom.
La compagnie aérienne va chercher aussi à mieux rivaliser avec ses concurrentes, principalement des compagnies du Golfe comme Emirates, sur le vaste marché que représentent les voyages effectués par la diaspora indienne vers des métropoles comme Delhi ou Bombay.
La commande devrait enfin permettre à Air India de se renforcer sur les liaisons intérieures face à la compagnie à bas coûts IndiGo, majoritaire sur ce marché.
(Reportage Aditi Shah à Bangalore, Tim Hepher à Paris, avec David Shepardson et Valerie Insinna à Washington, rédigé par Bertrand Boucey et Jean-Stéphane Brosse, édité par Blandine Hénault et Matthieu Protard)
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