Ukraine et Russie évoquent des pistes de compromis, la guerre se poursuit
À l'heure de l'intelligence artificielle, l'accès à des faits vérifiables est crucial. Soutenez le Journal Chrétien en cliquant ici.Kyiv et Moscou ont évoqué mercredi certaines pistes susceptibles de déboucher sur un compromis sur le statut de l’Ukraine, esquissant l’espoir d’une possible sortie de crise après trois semaines de guerre.
Le président ukrainien, Volodimir Zelensky, a déclaré que les négociations entre les deux camps devenaient plus « réalistes » et le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a affirmé que certaines formulations en discussion pouvaient faire l’objet d’un accord.
Vladimir Poutine, qui a ordonné le déclenchement de l’offensive militaire massive de la Russie contre l’Ukraine le 24 février dernier, a dit que Moscou était prêt à discuter d’un statut neutre pour son voisin.
Le chef du Kremlin a toutefois ajouté que la Russie atteindrait ses objectifs en Ukraine et que l’Occident échouerait dans ce qu’il a qualifié de tentative de domination mondiale et de démembrement de son pays.
L’assaut russe, que Moscou présente comme une « opération spéciale », se déroule comme prévu, a-t-il assuré lors d’une intervention devant ses ministres retransmise à la télévision d’Etat.
PILONNAGES
Sur le terrain, les forces russes ont poursuivi l’encerclement et le bombardement des villes ukrainiennes.
Le maire de Kyiv, Vitali Klitchko, a accusé les forces russes d’avoir bombardé des habitations dans le quartier de Podol mercredi soir. Trois personnes sont mortes dans un incendie provoqué par la chute d’un obus sur un marché à Kharkiv, dans l’Est, selon les secours ukrainiens.
A Marioupol, dans le sud-est du pays, un théâtre où des civils s’abritaient a été bombardé, a déclaré la municipalité, sans pouvoir fournir encore un bilan d’éventuelles victimes.
Les Etats-Unis ont accusé l’armée russe d’avoir abattu dix personnes faisant la queue pour du pain dans la ville de Tchernihiv, accusation démentie par le ministère russe de la Défense.
Le gouverneur de la région de Zaporijjia a accusé les forces de Moscou d’avoir blessé cinq personnes par des tirs d’artillerie lourde sur un convoi de réfugiés en provenance de la ville assiégée de Marioupol, dans le sud-est du pays.
La Russie affirme ne pas viser de civils.
Mardi, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme annonçait un bilan confirmé de 691 civils tués et 1.143 autres blessés depuis le début de l’invasion russe.
Trois semaines après le début de son offensive en Ukraine, l’armée russe reste bloquée aux portes de Kyiv, a enregistré de lourdes pertes sans parvenir à s’emparer des plus grandes villes du pays.
« UN STATUT SIMILAIRE À CELUI DE l’AUTRICHE »
Des pourparlers se déroulent entre les deux camps depuis lundi par lien vidéo.
« Les réunions se poursuivent et je suis informé que les positions dans les négociations semblent déjà plus réalistes. Mais il faut encore du temps pour que les décisions aillent dans l’intérêt de l’Ukraine », a déclaré Volodimir Zelensky dans une vidéo diffusée au cours de la nuit.
Selon le Kremlin, les deux parties discutent d’un statut pour l’Ukraine similaire à celui de l’Autriche ou la Suède, deux pays membres de l’Union européenne qui n’appartiennent pas à l’Alliance atlantique. La Russie refuse que l’Ukraine adhère un jour à l’Otan.
« Un statut de neutralité est désormais sérieusement discuté parallèlement, bien sûr, à des garanties de sécurité », a déclaré Sergueï Lavrov. « Il y a des formulations absolument précises qui de mon point de vue sont proches de faire l’objet d’un accord. »
Le principal négociateur russe, Vladimir Medinski, a précisé à la télévision publique: « L’Ukraine propose une version autrichienne ou suédoise d’un Etat démilitarisé neutre mais en même temps un Etat disposant de sa propre armée et de sa propre marine. »
Dans un signe apparent d’ouverture, Volodimir Zelensky a déclaré mardi que l’Ukraine était prête à accepter des garanties en termes de sécurité de la part des pays occidentaux quitte à renoncer à son objectif de long terme d’une adhésion à l’Otan.
Le chef de la délégation ukrainienne aux pourparlers, Mykhaïlo Podolyak, a déclaré que Kyiv réclamait toujours un cessez-le-feu et le retrait des troupes russes et souhaité des négociations directes entre Volodimir Zelensky et Vladimir Poutine.
Si la Russie présente la démilitarisation et la neutralité de l’Ukraine comme les principaux objectifs de son « opération », avec la « dénazification » du pays, Kyiv et ses alliés estiment que le véritable but de Moscou est de chasser le gouvernement élu pro-occidental au pouvoir en Ukraine.
BIDEN PROMET 800 MILLIONS DE DOLLARS SUPPLÉMENTAIRES
Dans un discours prononcé par lien vidéo devant le Congrès des Etats-Unis, Volodimir Zelensky a exhorté mercredi les Etats-Unis à fournir à l’Ukraine davantage d’armements pour faire face aux bombardements aériens de la Russie, invitant les parlementaires américains à se souvenir de l’attaque de Pearl Harbor en 1941 et des attentats du 11 septembre 2001.
Lors d’une intervention télévisée, le président américain Joe Biden, qui s’oppose aux demandes ukrainiennes de créer une zone d’exclusion aérienne au-dessus de l’Ukraine, car elle pourrait déclencher une troisième guerre mondiale dit-il, a annoncé le déblocage de 800 millions de dollars supplémentaires pour fournir une aide militaire à l’Ukraine, dont des drones et des systèmes de défense anti-aériens équipés de missiles à longue portée.
Les rues de Kyiv étaient vidées mercredi de ses habitants, les autorités ayant imposé un couvre-feu de 35 heures d’affilée en prévision de pilonnages russes.
Plusieurs bâtiments d’un quartier résidentiel ont été gravement endommagés après la destruction d’un missile russe, semble-t-il, aux premières heures de la journée, ont déclaré habitants et secouristes.
L’Ukraine a affirmé avoir lancé des contre-offensives contre l’armée russe en plusieurs endroits de son territoire.
Les efforts pour tenter d’évacuer les civils des zones de combat se sont poursuivis parallèlement, notamment à Marioupol, port assiégé et bombardé depuis deux semaines par l’armée russe, où plus de 2.500 habitants sont déjà morts selon les autorités ukrainiennes.
Environ 20.000 personnes ont pu quitter la ville à bord de voitures particulières, a déclaré le ministère ukrainien de l’Intérieur, mais au moins 10 fois plus d’habitants, privés d’eau potable, de chauffage, d’électricité et de ravitaillement, devraient être évacués en urgence.
Trois millions d’Ukrainiens ont déjà fui leur pays depuis le début de l’offensive russe.
(Rédactions de Reuters, version française Bertrand Boucey et Jean-Stéphane Brosse, édité par Matthieu Protard)