Afghanistan: Les taliban disent contrôler le Panchir, leur gouvernement annoncé « bientôt »
Les taliban afghans ont revendiqué lundi la victoire contre les forces d’opposition regroupées dans la province du Panchir mais les rebelles engagés dans cette vallée encaissée au nord-est de Kaboul ont démenti la prise de ce dernier bastion de résistance au mouvement islamiste, qui a une nouvelle fois promis d’annoncer « bientôt » son gouvernement.
« Le Panchir, qui était la dernière cachette de l’ennemi enfui, a été pris », a déclaré lors d’une conférence de presse l’un des porte-parole de la milice islamiste, Zabihoullah Moujahid.
Les taliban ont assuré qu’il n’y aurait aucun « acte de discrimination » envers les habitants de la vallée – dont une grande partie appartient à l’ethnie tadjike alors que l’ethnie pachtoune est très nettement majoritaire dans le reste du pays – qui avaient déjà résisté au mouvement islamiste entre 1996 et 20021.
« Ils sont nos frères et nous oeuvrerons ensemble dans l’objectif commun du bien-être du pays », a déclaré Zabihoullah Moujahid.
Mais Ahmad Massoud, chef de file du Front national de la résistance afghane (FNRA), a refusé de reconnaître sa défaite. « Nous sommes au Panchir et notre résistance va continuer », a-t-il déclaré sur Twitter.
On ignorait où il se trouvait précisément lorsqu’il a publié ce message. Il a assuré être sain et sauf, sans plus de précision.
Zabihoullah Moujahid a dit avoir été informé que Massoud et l’ex-vice président Amroullah Saleh s’étaient réfugiés au Tadjikistan voisin.
Ali Maissam Nazary, l’un des porte-parole du FNRA, a précisé sur Facebook que les forces de la résistance « étaient toujours présentes dans toutes les positions stratégiques de la vallée ».
Le FNRA rassemble d’anciens soldats de l’armée régulière afghane et des forces spéciales, ainsi que des combattants des milices locales. Ahmad Massoud est le fils du célèbre commandant des moudjahidine du Panchir assassiné par deux agents d’Al Qaïda juste avant les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis.
LE GOUVERNEMENT DES TALIBAN SE FAIT TOUJOURS ATTENDRE
Trois semaines après la prise de Kaboul et la chute du gouvernement afghan avec la fuite du président Ashraf Ghani, les taliban prévoient d’annoncer « bientôt » un nouveau gouvernement, a fait savoir Zabihoullah Moujahid sans fournir de calendrier précis.
Lors d’une conférence de presse, il a démenti que des désaccords internes soient à l’origine des retards dans l’annonce de la formation du gouvernement – déjà différée à plusieurs reprises – évoquant seulement quelques « points techniques » restant à régler.
Zabihoullah Moujahid a également précisé qu’il pourrait s’agir d’un gouvernement provisoire dont la composition serait susceptible d’être modifiée à l’avenir.
Concernant le chef suprême des taliban, Hibatoullah Akhoundzada, qui ne s’est pas montré publiquement depuis la prise du pouvoir par le mouvement islamiste, il a précisé qu’il devrait « bientôt » faire une apparition publique.
CONFÉRENCE INTERNATIONALE D’AIDE PROGRAMMÉE
Alors que la communauté internationale s’inquiète notamment de la question du respect du droit des femmes – particulièrement opprimées lorsque les taliban étaient au pouvoir entre 1996 et 2001 – Zabihoullah Moujahid a déclaré que les femmes étaient de retour au travail dans les secteurs de la santé et de l’éducation et que « d’autres domaines suivraient, un par un, une fois que des règles auront été fixées pour elles ».
Les taliban ont assuré que les droits des femmes seraient respectés « dans le cadre de la loi islamique » et qu’elles seraient autorisées à travailler dans différents secteurs importants de la société.
Ce point sera surveillé avec attention par les chancelleries occidentales, qui ont prévenu les taliban que la reconnaissance formelle de leur gouvernement et la fourniture d’une aide économique et humanitaire au pays restent conditionnées aux actes des taliban – et pas seulement à leurs annonces – en termes de respect des droits humains.
Des discussions se poursuivent parallèlement pour la reprise des vols internationaux depuis l’aéroport de Kaboul, selon Zabihoullah Moujahid.
Le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, est arrivé lundi au Qatar, où il doit tenter d’obtenir des soutiens à l’évacuation de ressortissants américains et d’Afghans menacés par les taliban qui se trouvent toujours sur le sol afghan.
Un haut responsable du département d’Etat a déclaré à la presse à bord de l’avion transportant le chef de la diplomatie américaine que Washington avait facilité la sortie d’Afghanistan de quatre Américains de plus.
Les Nations unies ont annoncé l’organisation d’une conférence internationale d’aide à l’Afghanistan le 13 septembre, dans l’espoir d’éviter une « catastrophe humanitaire imminente », selon les propos du secrétaire général de l’Onu Antonio Guterres.
(Reportage Rédactions de Reuters, rédigé par Stephen Coates; version française Myriam Rivet et Marc Angrand, édité par Nicolas Delame et Jean-Michel Bélot)