Afghanistan: Chaos à l’aéroport de Kaboul après la prise de contrôle des taliban
Le chaos régnait lundi matin à l’aéroport de Kaboul, où des centaines d’Afghans tentaient de quitter le pays en embarquant à bord des vols militaires affrétés par les pays occidentaux pour évacuer leurs ressortissants d’Afghanistan, et au moins cinq personnes seraient mortes dans des circonstances encore confuses.
Au lendemain de la prise de Kaboul, et de la fuite du président Ashraf Ghani, alors que les insurgés taliban ont déclaré que la guerre était terminée dans le pays, des centaines de personnes ont convergé dès l’aube vers l’aéroport où les soldats américains ont tiré des coups de feu en l’air pour éviter que le tarmac ne soit envahi.
Des témoins sur place ont fait état à Reuters d’au moins cinq morts, sans pouvoir préciser s’ils avaient succombé à des tirs ou à la bousculade.
A la mi-journée, les évacuations étaient suspendues du fait de la foule bloquant le tarmac, a dit à la presse un porte-parole du ministère allemand des Affaires étrangères.
« Je crois comprendre qu’il n’y a pas de trafic aérien en ce moment du fait du nombre important de personnes désespérées entassées sur le tarmac », a-t-il dit lundi à la mi-journée à Berlin.
Des scènes de cohue avaient déjà été observées dimanche soir, avec des foules tentant d’embarquer à bord des derniers vols commerciaux avant que les forces américaines ne prennent en charge le contrôle aérien.
L’autorité de l’aviation civile afghane (ACAA) a annoncé lundi que l’espace aérien de la capitale Kaboul était réservé aux vols militaires et a conseillé aux avions survolant l’Afghanistan de se dérouter, faute de contrôle effectif de l’espace aérien.
LES TALIBAN TENTENT DE RASSURER LA POPULATION
A l’inverse de la confusion régnant à l’aéroport, les rues de Kaboul étaient quasiment désertes.
Les responsables taliban ont multiplié ces dernières heures les déclarations visant à rassurer la population et dans la capitale, les combattants insurgés ont commencé lundi à confisquer des armes détenues par des civils, dont ils n’ont selon eux plus besoin pour assurer leur sécurité.
Souhail Shaheen, porte-parole des taliban, a précisé lundi sur Twitter que leurs combattants avaient reçu l’ordre de ne porter préjudice à personne. « La vie, la propriété et l’honneur de quiconque ne sauraient être affectés mais doivent être protégés par les moudjahidine ».
« Grâce à Dieu, la guerre est terminée », avait déclaré dimanche à la chaîne de télévision Al Jazeera le porte-parole du bureau politique des taliban, Mohammad Naeem, en précisant que les contours du nouveau régime seraient bientôt connus et que les taliban cherchaient la paix dans les relations internationales.
De nombreux Afghans craignent que les taliban ne restaurent une version rigoriste de la charia, la loi fondée sur le Coran, comme c’était le cas lorsqu’ils étaient au pouvoir de 1996 à 2001 avant d’être évincés par l’intervention américaine après les attentats du 11 septembre 2001.
Les insurgés islamistes tentent pour l’instant de présenter un visage plus modéré, promettant de respecter les droits des femmes et de protéger les étrangers et les Afghans.
CONSEIL DE DÉFENSE À PARIS
« Nous sommes prêts à dialoguer avec l’ensemble des personnalités afghanes et nous leur garantirons la protection nécessaire », a déclaré Mohammad Naeem à la chaîne Al Jazeera.
Mais les Etats-Unis comme les Nations unies ont dit la semaine dernière avoir reçu des témoignages faisant état d’exécutions de membres des forces gouvernementales par les insurgés taliban après leur reddition.
Des responsables taliban, qui revendiquent le contrôle de 90% des bâtiments gouvernementaux, ont assuré lundi que la situation était « calme » et qu’il n’y avait aucun combat dans le pays.
Un porte-parole du département d’Etat américain a déclaré lundi matin que la quasi-totalité du personnel diplomatique américain, dont l’ambassadeur Ross Wilson, se trouvaient à l’aéroport de Kaboul. Le drapeau des Etats-Unis a été retiré de l’ambassade, dans la « zone verte », quartier hautement fortifié de la capitale regroupant les missions diplomatiques.
Certains pays européens, dont la France, l’Allemagne et les Pays-Bas, ont aussi fait savoir qu’ils oeuvraient à l’évacuation de leurs citoyens mais aussi de certains employés et auxiliaires afghans.
L’ambassadeur de France en Afghanistan, David Martinon, a annoncé lundi matin sur Twitter que l’ambassade, relocalisée sur le site de l’aéroport de Kaboul, avait repris son activité.
Selon la ministre française des Armées Florence Parly, la première rotation entre Kaboul et la base française des Emirats arabes unis (EAU) mobilisée pour les évacuations des « plusieurs dizaines » de ressortissants français encore sur place se déroulera « d’ici la fin de la journée ».
Le président français Emmanuel Macron doit s’exprimer ce lundi à 20h00 (18h00 GMT) sur la situation en Afghanistan, après un conseil de défense en visioconférence organisé à la mi-journée.
Une réunion des ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne se tiendra également mardi dans l’après-midi pour discuter de l’Afghanistan, a fait savoir le Haut représentant du bloc, Josep Borrell.
« L’Afghanistan se trouve à la croisée des chemins. La sécurité et le bien-être de ses citoyens, ainsi que la sécurité internationale sont en jeu », a-t-il dit sur Twitter.
(Reportage bureaux de Kaboul et Washington, avec Sabine Siebold à Berlin, rédigé par Jane Wardell et Robert Birsel ; version française Jean Terzian et Myriam Rivet, édité par Blandine Hénault)