Vaccins contre le coronavirus: Biden soutient la levée des brevets, la France favorable
VOUS AIMEZ CHRÉTIENS TV? DONNEZ-NOUS LES MOYENS DE PRODUIRE DE NOUVELLES ÉMISSIONS CHRÉTIENNES EN FAISANT UN DON ICIpar Andrea Shalal, Jeff Mason et David Lawder
WASHINGTON (Reuters) – Joe Biden a apporté mercredi son soutien à une mesure mondiale de renonciation aux droits de propriété intellectuelle pour les vaccins contre le COVID-19, une annonce inattendue qui a suscité des réactions favorables, notamment de la France, mais aussi l’opposition de l’Allemagne, tandis que l’Union européenne s’est dite prête à discuter de la proposition.
Le président américain a exprimé son soutien à cette dérogation temporaire – un revirement radical par rapport à la position antérieure des États-Unis – après un discours à la Maison Blanche, suivi d’une déclaration officielle de sa négociatrice commerciale en chef. « Il s’agit d’une crise sanitaire mondiale, et les circonstances extraordinaires de la pandémie de COVID-19 appellent des mesures extraordinaires », a déclaré , Katherine Tai dans un communiqué.
La décision de Joe Biden a été saluée par le chef de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, qui l’a qualifiée sur Twitter de « moment monumental dans la lutte contre le COVID-19 ».
Elle a aussi été « chaleureusement accueillie » par la directrice de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), Ngozi Okonjo-Iweala, selon un communiqué lu par un porte-parole, qui a appelé à ce que des négociations sur un texte puissent débuter le plus tôt possible.
En France, le président Emmanuel Macron s’est dit favorable à cette initiative mais a estimé que la priorité reposait avant tout sur le partage de doses et le transfert de savoir-faire.
« Je suis tout à fait favorable à ce qu’il y ait en effet cette ouverture sur la propriété intellectuelle », a-t-il dit lors d’un déplacement jeudi dans un centre de vaccination à Paris. Mais « ce qui rend difficile l’accès aux vaccins (…) c’est aujourd’hui le transfert de technologie et la capacité à produire. Vous pouvez transférer la propriété intellectuelle à des fabricants pharmaceutiques en Afrique, ils n’ont pas de plate-formes pour produire de l’ARN messager », a-t-il expliqué.
« Nous devons évidemment faire de ce vaccin un bien public mondial mais à coup sûr, la priorité aujourd’hui, elle est sur deux choses: l’esprit de solidarité et d’efficacité de tous les pays riches, comme l’Europe le fait », a poursuivi Emmanuel Macron, rappelant que les Etats-Unis et le Royaume-Uni n’ont jusqu’ici exporté aucune dose de vaccins.
« La deuxième chose, c’est de produire en partenariat avec les pays les plus pauvres, pour qu’il y ait ces transferts de technologie et cette production finale. »
RÉPONSE « PRAGMATIQUE » À LA CRISE
La réaction du président français fait écho à celle de l’alliance vaccinale GAVI, qui s’est félicitée de la décision de Joe Biden tout en appelant les Etats-Unis à aider les fabricants de vaccins à transférer leur savoir-faire afin d’accroître la production mondiale.
« GAVI demande maintenant instamment que, dans l’intérêt d’un accès équitable au niveau mondial, les Etats-Unis soutiennent les fabricants pour qu’ils transfèrent non seulement la propriété intellectuelle mais aussi le savoir-faire dans le but de stimuler de toute urgence la production mondiale », a indiqué l’alliance à Reuters.
De son côté, l’Union européenne s’est dite jeudi disposée à discuter de la proposition de lever la propriété intellectuelle sur les vaccins contre le COVID-19.
« L’UE est également prête à discuter de toute proposition qui réponde à la crise de manière efficace et pragmatique », a déclaré Ursula von der Leyen lors d’un discours à Florence.
« C’est pourquoi nous sommes prêts à discuter de la manière dont la proposition américaine d’une levée des protections de la propriété intellectuelle pour les vaccins anti-COVID pourrait contribuer à réaliser cet objectif », a ajouté la présidente de la Commission.
A Berlin, en revanche, une porte-parole du gouvernement allemand a rejeté la proposition des Etats-Unis, déclarant que les principales contraintes ne concernaient pas la propriété intellectuelle mais les capacités de production et la qualité des vaccins.
« La protection de la propriété intellectuelle est une source d’innovation et doit le rester dans le futur », a-t-elle dit dans un communiqué, ajoutant toutefois que l’Allemagne restait favorable à l’objectif d’une distribution mondiale des vaccins contre le COVID-19 – notamment via le programme COVAX.
S’exprimant lors d’une conférence de presse, le chef de la diplomatie allemande Heiko Maas a déclaré que Berlin était « ouvert » à des discussions, mais que la situation était tellement critique qu’il serait « erroné de ne pas prendre toutes les mesures possibles pour améliorer les livraisons, et pour le moment c’est en augmentant la production ».
LONGUES NÉGOCIATIONS
Le lobby pharmaceutique a pour sa part mis en garde contre une initiative jugée contre-productive.
« Lever les brevets sur les vaccins contre le COVID-19 n’augmentera pas la production et n’apportera pas les solutions pratiques nécessaires à la lutte contre cette crise sanitaire mondiale. Au contraire, cela va probablement engendrer des perturbations », a réagi la Fédération internationale de l’industrie du médicament (FIIM ou IFPMA).
« La seule manière de garantir une rapide accélération et un accès équitable aux vaccins pour tous ceux qui en ont besoin reste un dialogue pragmatique et constructif avec le secteur privé. »
En Bourse, l’annonce de Joe Biden a fait chuter les titres des fabricants de vaccins contre le COVID-19: à Francfort, l’action BioNTech, partenaire de Pfizer, a clôturé jeudi sur une baisse de 13,36%.
Vers 16h25 GMT, l’action Moderna réduisant ses pertes et reculait d’environ 2% à Wall Street. Celle de son concurrent Pfizer lâchait pour sa part 1,8%.
En Chine, CanSino Biologics a reculé de 14,38% et Shanghai Fosun Pharmaceutical Group de 10%.
Joe Biden, qui a soutenu une dérogation pendant la campagne présidentielle de 2020, a fait de la lutte contre le coronavirus une priorité absolue de son début de présidence.
La proposition des Etats-Unis pourrait ouvrir la voie à des négociations au sein de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC), chargée de la protection des brevets sur les vaccins.
Une décision de l’OMC nécessite un consensus parmi les 164 membres de l’organisation et les experts prédisent plusieurs mois de discussions avant d’aboutir à une levée de la propriété intellectuelle sur ces vaccins, qui sera en outre probablement bien plus limitée, aussi bien dans son champ d’application que dans sa durée, que les projets défendus par l’Inde et l’Afrique du Sud, deux pays durement touchés par le COVID-19.
(Andrea Shalal, Jeff Mason et David Lawder, avec Steve Holland, Michael Erman, Patricia Zengerle, Andreas Rinke, Phlipp Blenkinsop, Stephanie Nebehay et Gwenaëlle Barzic; version française Camille Raynaud et Blandine Hénault, édité par Jean-Michel Bélot et Jean Terzian)