Joël Le Scouarnec évoque les « blessures irréparables » infligées à ses victimes
par Juliette Jabkhiro
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VANNES, Morbihan (Reuters) -Joël Le Scouarnec, ex-chirurgien jugé pour viols ou agressions sexuelles aggravés sur 299 victimes, des mineurs en majorité, a évoqué lundi les « blessures (…) ineffaçables, irréparables » infligées à ses victimes à l’ouverture de son procès devant la cour criminelle départementale du Morbihan, à Vannes.
Durant quatre mois d’un procès fleuve, la cour se saisit de la plus grande affaire de pédocriminalité jamais jugée en France.
« Si je comparais devant vous, c’est qu’effectivement un jour j’ai, alors que la plupart n’étaient encore que des enfants, (…) commis des actes odieux », a déclaré l’accusé, costume sombre, fines lunettes.
Joël Le Scouarnec, qui est âgé de 74 ans, avait consigné dans des fichiers informatiques ses crimes, parfois commis sous anesthésie, durant toute sa carrière dans plusieurs établissements de santé, notamment à l’hôpital public de Quimperlé (Finistère).
Une impunité qui interroge aujourd’hui et jette une lumière crue sur les failles des institutions du secteur de la Santé et de la protection de l’enfance, qui font l’objet d’une enquête distincte.
« Si je comprends et je compatis à la souffrance qu’a pu provoquer chez chacune de ces personnes la très grande violence de mes écrits, je me suis efforcé tout au long de mes interrogatoires de reconnaître ce qui était des faits de viol et d’agression sexuelle, mais aussi de préciser ce qui à mes yeux n’en n’étaient pas », a poursuivi Joël Le Scouarnec.
« Je suis parfaitement conscient aujourd’hui que ces blessures sont ineffaçables, irréparables : je ne peux pas revenir en arrière. Et je me dois, non… Pas à moi. Je leur dois, à toutes ces personnes, à leurs proches d’assumer la responsabilité de mes actes et les conséquences qu’elles ont pu avoir et qu’elles auront tout au long de leur vie », a-t-il conclu.
« SILENCES »
Malgré une première condamnation en 2005 à quatre mois de prison avec sursis pour détention d’images pédopornographiques, Joël Le Scouarnec, chirurgien digestif et viscéral marié et père de trois enfants, a continué à exercer jusqu’à son arrestation en 2017, à la suite d’une dénonciation pour viol par une petite voisine, une fillette de six ans, à Jonzac (Charente-Maritime).
Lors d’une perquisition à son domicile, les enquêteurs avaient retrouvé sur son ordinateur des « journaux », qui détaillaient le nom, l’âge de ses victimes, ainsi que les actes commis.
Joël Le Scouarnec avait été condamné à 15 ans de prison en 2020 pour les viols et agressions sexuelles de sa voisine, de ses deux nièces, et d’une patiente alors âgée de 4 ans.
Les faits jugés à partir de lundi, jusque début juin, portent sur une période allant de 1989 à 2014. L’accusé, qui encourt jusqu’à 20 ans de réclusion criminelle, a reconnu son implication dans la plupart des faits.
La Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) a appelé dans un communiqué à mettre fin aux « silences » face à la pédocriminalité.
« Les carrières pédocriminelles sont construites, non par des monstres, mais par des silences successifs de tous les témoins », souligne-t-elle.
« François », agressé à l’âge de 12 ans par le chirurgien, se dit « trahi par les autorités » et dénonce les manquements des pouvoirs publics qui n’ont pas écarté le praticien, malgré des signalements, notamment ceux d’un psychiatre de l’hôpital de Quimperlé en 2006, qui vont rester lettre morte.
Le ministère de la Santé n’a pas répondu aux demandes de commentaires, ainsi que l’hôpital de Quimperlé.
Le Conseil national de l’Ordre des médecins dit coopérer avec les autorités judiciaires, et son antenne locale dans le département du Finistère, dont les documents judiciaires montrent qu’elle avait connaissance de la condamnation de Le Scouarnec en 2005, n’a pas répondu aux sollicitations de Reuters.
Les victimes « attendent de retrouver un peu de dignité, d’humanité et surtout de la considération de la part de la justice, parce que jusqu’à aujourd’hui, la violence judiciaire a été extrêmement importante », a déclaré à son arrivée au tribunal Me Marie Grimaud, avocate de 39 parties civiles.
(Reportage de Juliette Jabkhiro, version française Etienne Breban, édité par Sophie Louet)
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