Les Églises historiques du Valais à l’épreuve de la Constituante
À l'heure de l'intelligence artificielle, l'accès à des faits vérifiables est crucial. Soutenez le Journal Chrétien en cliquant ici.Si le rapport entre État et Églises historiques n’est symboliquement pas menacé par les débats de la Constituante valaisanne, les questions de leur financement et de la reconnaissance d’autres communautés religieuses feront l’objet de la suite des discussions.
«Pour l’instant, on se dirige effectivement vers un statu quo», se félicite Gilles Cavin, pasteur et président du Conseil synodal de l’Église réformée évangélique du Valais (EREV). Alors que les débats de la Constituante valaisanne sont en cours, et qu’une consultation populaire est apparue en ligne le 13 janvier sous forme de questionnaire, le rapport entre les Églises historiques du canton et l’État semble ne pas être plus questionné que ça, même si des craintes subsistent. «Les communes sont actuellement subsidiaires des paroisses tandis que l’État finance l’Église cantonale. Ce système de financement et les montants alloués pourront être repensés selon les prochaines discussions», s’inquiète Robert Burri, trésorier du Conseil synodal de l’EREV.
«Il est heureux que la question de savoir si les Églises relèvent du droit privé ou du droit public ne se pose plus», lâche Gilles Cavin, rendant attentif aux services que les Églises, en plus de leurs offices religieux, rendent à la collectivité. «Une partie de la population avait encore tendance à limiter notre rôle à la tenue des cultes et des messes, alors que nous sommes utiles à bien d’autres titres. Il existe notamment l’aide alimentaire ou la Maison de la diaconie de Sion, par exemple.» Et de rappeler qu’à Sierre, la seule structure distribuant de la nourriture, un service d’autant plus prisé à cause de la crise du coronavirus, est bien une association liée aux Églises. «Le travail autour de la Constituante nous a forcés à communiquer et faire valoir nos contributions. En effet, nous mettons constamment des bénévoles au service de la société.»
Quel financement?
Mais si le statut de droit public dont bénéficient protestants et catholiques est désormais assuré, après une première plénière en automne passé où la majorité s’est prononcée pour que ce statut soit inchangé, l’avenir économique des Églises n’est pour autant pas encore défini. Plusieurs cas de figures sont possibles. Le financement pourrait se limiter à l’aide étatique à l’Église cantonale, car si l’impôt communal était maintenu, ses modalités pourraient être modifiées, comme le souhaite Jean-François Lovey, élu du mouvement Appel Citoyen: «Aujourd’hui, pour la majorité des communes valaisannes, l’impôt ecclésiastique est prélevé sans autres dans l’ensemble des impôts et le citoyen est libre d’effectuer la demande d’en être exonéré. On pourrait imaginer l’inverse, c’est-à-dire que cet impôt figure nommément et séparément du reste et que le citoyen déclare si oui ou non il souhaite payer sa part.»
Si la question du statut public des Églises n’est dès lors plus questionné, comme il est possible de le remarquer dans la Consultation populaire à remplir sur le site du canton, le questionnaire, au moment d’aborder les questions religieuses, enjoint la population à se positionner sur un autre enjeu: celui de la possible reconnaissance publique d’autres communautés religieuses. Sous des conditions à définir, ces dernières pourraient ainsi prétendre à un simple statut «reconnu d’intérêt public» ou au précieux sésame qu’est le «statut de personne juridique de droit public», donnant notamment accès à des contributions financières de l’État et à un accès privilégié aux institutions et autorités.
Quid des autres communautés religieuses?
«La question du financement qui approche contient celle de la laïcité. L’actuelle et dominante idéologie autour des principes d’égalité va contraindre le débat à considérer la place donnée aux autres collectivités religieuses», fait remarquer Damien Clerc, élu PDC du district de Conthey, favorable au statu quo pour les Églises historiques. Co-auteur d’un amendement visant l’égalité de traitement entre les communautés, l’éthicien Johan Rochel, membre du mouvement Appel Citoyen, voit quant à lui se profiler un classement de «ligue A et de ligue B» entre les collectivités religieuses: «Ce qu’a accepté la majorité, c’est un système où les autres communautés religieuses n’auront jamais accès à la ligue A. Les Églises historiques sont favorisées de manière illégitime», se désole le chercheur. Pour ce dernier, une conception philosophique et juridique de la Constitution à venir ne devrait même pas permettre que les communautés religieuses soient à ce point considérées par l’État. «Une des valeurs clef devrait être l’égalité entre citoyens et citoyennes. Si l’État veut respecter cette égalité, il n’y a pas d’autre choix que de se tenir le plus en retrait possible de la question religieuse Et surtout, on ne devrait pas favoriser certaines communautés au détriment des autres.»
Mais ces communautés existent-elles vraiment et seraient-elles prêtes à se fédérer, si l’accession à un statut public leur était rendu possible? Si les communautés juive et musulmane semblent difficiles à identifier, Philippe Rothenbühler, président du Réseau évangélique valaisan, se dit plutôt intéressé: «Cela demanderait évidemment des tractations internes plutôt importantes, mais nous serions bien sûr partants pour acquérir un peu de reconnaissance. Après tout, nous faisons partie de la grande famille des protestants et partageons avec les réformés un passé théologique non négligeable.»
Reste que si les Églises historiques parviennent à rester financées par l’État, il risque sans doute qu’on leur demande de communiquer sur ces apports. «Nous sommes partisans d’une transparence financière et organisationnelle», confie Jean-François Lovey, une position confirmée par Johan Rochel: «Le fonctionnement financier doit absolument être rendu clair et connu de la population, mais cela devrait alors être le cas pour toutes les communautés religieuses, vu que celles-ci doivent être placées sur un pied d’égalité.» A ce sujet, le Chanoine Pierre-Yves Maillard, vicaire général du Diocèse de Sion, donne la position choisie de façon œcuménique avec les protestants valaisans: «Nous ne sommes pas opposés à ce que d’autres communautés ecclésiales puissent faire l’objet d’une reconnaissance. Elles bénéficieraient dès lors d’un statut de droit privé et non pas public comme les Églises historiques, qui ont quant à elles un lien millénaire avec le Valais et ont influencé la façon d’y vivre ensemble et d’y être citoyen.»
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