Le dialogue national s’ouvre au Tchad après 16 mois de transition
À l'heure de l'intelligence artificielle, l'accès à des faits vérifiables est crucial. Soutenez le Journal Chrétien en cliquant ici.Repoussé à trois reprises, un dialogue national qui réunit la junte au pouvoir et les oppositions civile et militaire s’ouvre ce 20 août 2022 à N’Djaména.
Ce dialogue servira à organiser la fin de la transition militaire et une transmission du pouvoir d’Etat aux civils à l’occasion d’élections démocratiques. Les Transformateurs, Wakit Tamma et le FACT sont les grands absents.
Selon le programme indicatif lié à la feuille de route de la transition publié le 29 juillet 2021, la tenue du dialogue national inclusif était programmée pour novembre-décembre 2021. Cette date a ensuite été repoussé au 15 février 2022, puis au 10 mai avant d’être fixée au 20 août 2022.
Environ 1420 participants discuteront pendant 21 jours pour poser les bases d’une consolidation de la paix et de l’unité nationale et lancer le chantier d’une refondation des institutions. Un décret du 17 août 2022 a précisé que « le dialogue national inclusif est souverain » et ses résolutions « sont exécutoires ».
« Tous les sujets sont à l’ordre du jour du dialogue national, aucun sujet n’est pas tabou », a indiqué le Premier ministre de transition. Les échanges seront principalement focalisés sur 5 thématiques. La paix, la cohésion sociale et la réconciliation nationale. La forme de l’Etat, la constitution, les réformes institutionnelles et le processus électoral. Les droits humains et libertés fondamentales. Les politiques publiques sectorielles. Et enfin les questions sociétales.
Les leaders des principales formations politiques du pays prennent part à ce dialogue national. C’est le cas du Mouvement patriotique du salut (MPS), l’ancien parti au pouvoir, l’Union nationale pour la démocratie et le renouveau (UNDR) et l’Union pour le renouveau et la démocratie (URD) des anciens chefs de file de l’opposition, ou encore le Rassemblement national des démocrates tchadiens (RNDT Le Réveil) de l’actuel Premier ministre de transition.
Plusieurs organisations de la société civile sont également représentées à un haut niveau. Il s’agit notamment de la Ligue tchadienne des droits de l’homme (LTDH), le Conseil national consultatif des jeunes (CNJT), l’Association pour la promotion des libertés fondamentales au Tchad (APLFT), etc.
Du côté des groupes armés, des chefs rebelles redoutés comme Mahamat Nouri de l’Union des forces pour la démocratie et le développement (UFDD) et Timane Erdimi de l’Union des forces de la résistance (UFR) ont aussi fait le déplacement de N’Djaména.
Il n’est pas anodin de remarquer que l’actuel ministre en charge de la réconciliation nationale et président du comité d’organisation du dialogue national, Acheikh Ibn Oumar, était l’adjoint de Mahamat Nouri à la tête de l’UFDD entre 2005 et 2007. Il était également le représentant de l’UFR en Europe et conseiller spécial de son président Timane Erdimi de 2009 à 2010.
A ce dialogue national qui commence ce 20 août au Tchad, l’absence du Parti Les Transformateurs, de la coalition Wakit Tamma et du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT) est pour le moins remarquable.
Les Transformateurs avaient posé quelques préalables à leur participation au dialogue national. La prise d’un acte pour proclamer la souveraineté du dialogue, ce qui est fait le 17 août dernier. Mais aussi la co-définition de l’agenda du dialogue et la consécration d’un mode consensuel de rédaction de la future constitution.
Le FACT a, lui aussi, posé des conditions à sa participation, dont la libération de ses combattants arrêtés et l’amnistie de ses membres. Il est sceptique quant au caractère inclusif et souverain de ce dialogue « taillé sur mesure au CMT [le Conseil militaire de transition] et au MPS ». Le FACT se solidarise d’ailleurs avec Wakit Tamma qui organise une marche pacifique contre la tenue du dialogue national.
Les absents ne s’excluent néanmoins pas du jeu politique national. « Si les conclusions du dialogue prennent en compte les aspirations du peuple et aboutissent à l’élection d’un président civil, nous déposerons les armes », a par exemple souligné Mahamat Mahdi Ali, chef des FACT.
Yamingué Bétinbaye
Docteur en géographie