Orban maintient une ligne dure sur l’Ukraine avant le sommet de l’UE
par Krisztina Than et Gabriela Baczynska
BUDAPEST/BRUXELLES (Reuters) – Le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, a réaffirmé mercredi son opposition à l’ouverture rapide de négociations d’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne (UE) et au versement de dizaines de milliards d’euros à ce pays, ouvrant la voie à un affrontement avec la plupart des autres dirigeants des Vingt-Sept lors du sommet européen qui s’ouvre jeudi.
Viktor Orban, qui revendique une relation de proximité avec le président russe Vladimir Poutine, a déclaré au Parlement hongrois qu’une adhésion accélérée de l’Ukraine au bloc communautaire, défendue par la Commission européenne pour soutenir Kyiv face à l’invasion de la Russie, ne servirait les intérêts ni de la Hongrie ni des Vingt-Sept.
« Si on regarde les chiffres, les analyses économiques et si on envisage sérieusement que des discussions (avec l’Ukraine) viseraient à garantir une adhésion (…) alors nous devons dire que cette idée est pour le moment absurde, ridicule et pas sérieuse », a dit le Premier ministre hongrois.
Quasiment au même moment, Ursula von der Leyen tenait un discours diamétralement opposé devant le Parlement européen, exhortant l’UE à soutenir l’Ukraine « aussi longtemps que nécessaire » face à la Russie, qui a lancé en février 2022 une offensive qualifiée par Moscou d' »opération militaire spéciale » mais dénoncée comme une invasion par Kyiv et les Occidentaux.
« Outre notre soutien politique, l’Ukraine a aussi besoin de notre soutien financier durable », a dit la présidente de la Commission européenne.
« Nous devons fournir à l’Ukraine ce dont elle a besoin pour être forte aujourd’hui afin qu’elle puisse être plus forte demain à la table des négociations lorsqu’elle négociera une paix durable et juste pour l’Ukraine », a-t-elle ajouté.
Viktor Orban menace d’opposer son veto à la fois à l’autorisation d’ouvrir des négociations d’adhésion avec l’Ukraine et au versement d’une importante aide financière et militaire à ce pays.
Alors qu’elle redoute de voir le soutien occidental s’effriter face à la Russie, l’Ukraine espère obtenir de l’UE 50 milliards d’euros de soutien économique et 20 milliards supplémentaires d’appui militaire.
L’UKRAINE A REMPLI TROIS CONDITIONS SUR QUATRE, PENSE L’UE
La Commission européenne souhaite que le sommet de jeudi et vendredi débouche sur un feu vert de principe à l’ouverture de négociations d’adhésion avec l’Ukraine dès lors que cette dernière aura rempli quatre conditions fixées au préalable. Elle pense que cela pourrait être le cas en mars prochain.
Ursula von der Leyen a rappelé que l’Ukraine a adopté la semaine dernière un ensemble de lois levant trois de ces obstacles, notamment un texte relatif aux minorités ethniques, une priorité pour la Hongrie. Un seul objectif resterait donc à atteindre, consistant à contenir l’influence des oligarques.
Viktor Orban, qui dénonce le sort réservé à des dizaines de milliers d’habitants de l’ouest de l’Ukraine d’origine hongroise, conteste cette interprétation.
« Il y a trois domaines où même selon les critères de la Commission, les conditions ne sont pas remplies : la corruption, la lutte contre les oligarques et la question des minorités », a-t-il dit.
La Hongrie va étudier la nouvelle loi ukrainienne sur les minorités mais Viktor Orban considère déjà qu’elle n’accordera pas aux Hongrois d’Ukraine les mêmes droits qu’avant 2015.
Le Premier ministre hongrois juge en outre que l’impact financier d’une adhésion de l’Ukraine n’a pas été pleinement évalué. Il a cité des estimations allemandes selon lesquelles une pleine adhésion entraînerait 190 milliards d’euros de dépenses supplémentaires pour le budget pluriannuel de l’UE.
Parallèlement à cet affrontement sur l’Ukraine, la Commission européenne a exigé mercredi un dernier geste de la Hongrie pour lui débloquer le versement de milliards d’euros de fonds européens gelés l’an dernier en raison de préoccupations sur le respect de l’Etat de droit par le gouvernement Orban.
L’exécutif européen a prévenu qu’il attendrait la parution au journal officiel hongrois d’une loi récemment votée et censée renforcer l’indépendance de la justice avant de débloquer une partie de ces fonds, ce qui a été fait dans l’après-midi.
La Commission a ainsi annoncé que la Hongrie avait de nouveau accès à 10 milliards d’euros du fonds de cohésion. Elle a aussi rappelé qu’environ 21 milliards d’euros auxquels pourrait prétendre la Hongrie restaient gelés.
(Rédigé par Keith Weir; version française Bertrand Boucey, édité par Blandine Hénault et Jean Terzian)