L’Ukraine muscle sa défense antiaérienne avant les frappes hivernales russes
par Max Hunder
RÉGION DE JYTOMYR, Ukraine (Reuters) – L’armée ukrainienne compte sur l’arrivée de davantage de systèmes de défense antiaérienne modernes pour éviter que le pays ne soit plongé dans le noir pendant un deuxième hiver consécutif en cas de nouveau bombardement massif du réseau électrique.
La Russie était parvenue à endommager environ la moitié des infrastructures énergétiques ukrainiennes l’hiver dernier en multipliant les salves de missiles et de drones, plongeant des millions d’habitants dans le noir et le froid, sans parvenir pour autant à vaincre la résistance de la population.
Les autorités de Kyiv s’attendent à ce que Moscou relance une campagne de bombardements massifs, d’autant que la Russie aurait ouvert des usines lui permettant de produire localement des drones Shahed-136 qu’elle importait jusqu’ici d’Iran.
Un responsable des services de renseignement ukrainiens, Vadim Skybytsky, a estimé la semaine dernière que l’armée russe pourrait utiliser ces drones pour saturer les défenses aériennes ukrainiennes dans l’espoir de permettre à davantage de missiles de croisière d’atteindre leurs cibles, le taux d’interception ayant augmenté de manière spectaculaire depuis le début de la guerre alors que les stocks dont dispose la Russie ont diminué.
Il a dit s’attendre à ce que la campagne de bombardements visant les infrastructures énergétiques ukrainiennes commence dès fin septembre-début octobre.
L’Ukraine a cependant été en mesure de réparer la plupart des dégâts provoqués par les bombardements de l’hiver dernier et a surtout considérablement renforcé dans l’intervalle sa défense antiaérienne, recevant des systèmes de missiles américains, allemands ou franco-italiens mais aussi des blindés Guépard allemands à l’efficacité redoutable contre les drones.
ABATTRE LES DRONES À MOINDRE COÛT
« Nous savons que l’ennemi n’a pas renoncé à ses intentions criminelles de frapper des infrastructures critiques et de causer des dommages à l’Ukraine et à son économie », a déclaré à Reuters le général Serhiy Naïev, qui commande les forces armées ukrainiennes dans la région de Jytomyr, dans le nord du pays.
« Nous avions moins (de systèmes antiaériens) l’hiver dernier. Nous en avons désormais davantage et leur efficacité sera meilleure », a-t-il assuré.
L’Ukraine et la Russie se livrent depuis 18 mois une course à l’efficacité de leurs armements, mais aussi aux coûts.
Les missiles tirés par les batteries antiaériennes fournies à l’Ukraine l’an dernier pour abattre les Shahed coûtaient par exemple beaucoup plus cher que les drones eux-mêmes, dont le prix est estimé à environ 20.000 euros par les experts militaires.
La livraison par l’Allemagne d’un nombre substantiel de chars Guépard supplémentaires a changé la donne, le coût de leurs obus étant évalué à moins de 1.000 euros pièce.
Même si l’Ukraine n’en a pas assez pour couvrir l’ensemble de son territoire, elle compte sur d’autres armes de ce type, notamment des mitrailleuses lourdes M2 Browning américaines, pour densifier ses protections sans avoir à recourir aux précieux missiles Patriot, IRIS-T ou SAMP/T Mamba contre des drones.
Le Guépard présente l’avantage d’être équipé d’un radar lui permettant de détecter ses cibles jusqu’à 12 km de distance, transformant chaque salve de drones en jeu de chasse à la souris dans le ciel ukrainien.
« Poussée d’adrénaline, surcharge émotionnelle… On ne peut pas expliquer ce qu’on ressent avec des mots », explique Anton, opérateur radar d’un Guépard dont l’équipage a abattu plusieurs Shahed pendant des attaques nocturnes dans la région de Jytomyr en août.
« On n’a pas peur », raconte-t-il. « Ça nous pousse à donner le meilleur de nous-mêmes pour nettoyer le ciel ukrainien. »
(Version française Tangi Salaün, édité par Jean-Stéphane Brosse)