Londres veut modifier par la loi le protocole sur l’Irlande du Nord
par Kylie MacLellan et Elizabeth Piper
LONDRES (Reuters) – Le gouvernement britannique a exprimé mardi son intention de présenter dans les semaines à venir un projet de loi modifiant le « protocole nord-irlandais » qui reviendrait de facto sur une partie de l’accord de Brexit et risque de provoquer une nouvelle crise avec l’Union européenne.
Dans une déclaration au Parlement, la secrétaire au Foreign Office, Liz Truss, a indiqué que la nouvelle loi faciliterait la circulation des biens entre la Grande-Bretagne et l’Irlande du Nord et attribuerait à Londres davantage de pouvoir de contrôle des lois en vigueur dans la province.
Le protocole nord-irlandais est une pomme de discorde entre Londres et Bruxelles depuis que le Premier ministre britannique Boris Johnson l’a signé en 2019 pour permettre la finalisation de l’accord sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne.
Ce protocole prévoit l’instauration de contrôles douaniers sur certaines marchandises transitant de Grande-Bretagne vers l’Irlande du Nord, afin d’éviter que le Brexit ne débouche sur le rétablissement d’une frontière physique avec l’Irlande, restée dans l’UE.
Mais loin de calmer les tensions, ce dispositif a entraîné des perturbations dans l’approvisionnement de l’Irlande du Nord et réveillé des tensions politiques menaçant l’accord de paix de 1998, les unionistes pro-britanniques dénonçant l’instauration d’une différence de fait entre la province et le reste du Royaume-Uni.
Liz Truss a assuré à plusieurs reprises devant la Chambre des communes, mardi, que le projet de loi préparé par le gouvernement ne remettrait pas en cause les engagements internationaux de Londres, et que les négociations se poursuivaient avec Bruxelles pour trouver une solution.
L’UE a mis en garde à maintes reprises contre toute remise en cause unilatérale du protocole et le vice-président de la Commission européenne, Maros Sefcovic, chargé des négociations avec Londres, a jugé mardi qu’une telle initiative « soulève des inquiétudes importantes » et ne serait « pas acceptable ».
« Si le Royaume-Uni décide d’aller de l’avant avec un projet de loi supprimant des éléments constitutifs du protocole, comme l’a annoncé aujourd’hui le gouvernement britannique, l’UE devra réagir avec tous les moyens à sa disposition », a prévenu Maros Sefcovic dans un communiqué.
PRESSION DES UNIONISTES NORD-IRLANDAIS
La révision du protocole évoquée par Liz Truss consisterait notamment à créer un régime réglementaire double destiné à faire en sorte que les marchandises expédiées en Irlande du Nord et destinées à y rester ne soient pas soumises à des contraintes administratives inutiles.
« Le projet de loi supprimera les barrières réglementaires pour les biens fabriqués aux normes britanniques vendus en Irlande du Nord. Les entreprises auront le choix entre le respect des normes britanniques ou européennes dans le cadre d’un nouveau régime réglementaire double », a dit la cheffe de la diplomatie britannique.
« Il continuera de garantir qu’il n’y a pas de frontière physique sur l’île d’Irlande. »
La présentation de ce projet de loi répond à une demande de Boris Johnson, qui a déclaré lundi que son gouvernement devait se doter d’une forme d' »assurance » qu’il pourra remettre en cause certaines parties de l’accord de Brexit lui posant problème.
Tout en reconnaissant que le protocole nord-irlandais pose des difficultés, un porte-parole de l’opposition travailliste pour les questions internationales, Stephen Doughty, a estimé que le Royaume-Uni devait agir avec calme et responsabilité.
« Il est profondément troublant que la ministre des Affaires étrangères présente un projet de loi visant apparemment à rompre le traité que le gouvernement lui-même a signé il y a à peine deux ans, qui ne résoudra pas les problèmes en Irlande du Nord à long terme, et qui sapera plutôt la confiance », a-t-il dit.
Le résultat des élections en Irlande du Nord, où les nationalistes catholiques du Sinn Fein, favorables à une réunification de l’Irlande, sont arrivés en tête il y a dix jours, pour la première fois dans l’histoire de la province, a accentué la pression sur Boris Johnson.
Le Parti unioniste démocrate (DUP), principal parti pro-britannique, a conditionné sa participation à un gouvernement de partage du pouvoir, prévu par l’accord de paix du Vendredi Saint, à une modification du protocole nord-irlandais.
Son dirigeant, Jeffrey Donaldson, a estimé mardi que la proposition de Liz Truss allait dans le bon sens, mais il a dit attendre pour se prononcer définitivement qu’elle se traduise en mesure concrète et rapide. « Nous ne voulons plus de frontière en mer d’Irlande », a-t-il averti.
(Reportage de Kylie MacLellan et Elizabeth Piper; avec Padraic Halpin à Dublin, Andrew MacAskill, William James, Muvija M et James Davey à Londres ; version française Bertrand Boucey et Tangi Salaün, édité par Sophie Louet)
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