Brésil: Luiz Inacio Lula da Silva revient au pouvoir dans un pays tourmenté et divisé
Luiz Inacio Lula da Silva a prêté serment dimanche en tant que président du Brésil, promettant un changement de cap radical pour sauver ce qu’il a appelé une nation en ruine.
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Le président brésilien a accusé devant le Congrès le gouvernement de son prédécesseur d’avoir épuisé les ressources destinées à l’éducation, à la santé et à la conservation des forêts, et d’avoir porté atteinte aux droits de l’homme.
Lula souhaite faire du Brésil l’un des principaux producteurs alimentaires du monde, une superpuissance verte. Il a réaffirmé son engagement à mettre fin à la déforestation en Amazonie, qui a atteint son niveau le plus élevé depuis 15 ans sous le mandat de Jair Bolsonaro.
Il a par ailleurs lancé une menace indirecte contre son prédécesseur, qui fait face à des risques juridiques pour sa rhétorique anti-démocratique et sa gestion de la pandémie, maintenant qu’il ne bénéficie plus de l’immunité présidentielle.
« Nous ne portons aucun esprit de vengeance contre ceux qui ont tenté de soumettre la nation à leurs desseins personnels et idéologiques, mais nous garantirons l’État de droit », a déclaré Lula, sans citer nommément son prédécesseur. « Ceux qui ont fauté répondront de leurs erreurs ».
Il a accusé l’administration de Jair Bolsonaro d’avoir commis un « génocide » en n’ayant pas réagi correctement à la pandémie de COVID-19 qui a tué plus de 680.000 Brésiliens.
« Les responsabilités de ce génocide doivent faire l’objet d’une enquête et ne doivent pas rester impunies », a-t-il déclaré.
Lula est également revenu sur les accusations de fraude électorale de ses opposants.
« Si nous sommes ici, c’est grâce à la conscience politique de la société brésilienne et au front démocratique que nous avons formé », a-t-il dit.
« La démocratie a été le grand vainqueur, en surmontant la plus grande mobilisation de ressources publiques et privées jamais vue et la plus violente menace contre la liberté de vote. »
UNIR UN PAYS HAUTEMENT POLARISÉ
Après la cérémonie de prestation de serment au Congrès, Lula devait se rendre en Rolls-Royce décapotable au palais du Planalto, pour revêtir l’écharpe présidentielle, devant 30.000 partisans du dirigeant de gauche, tandis que des dizaines de milliers de personnes se massaient sur l’esplanade des ministères.
Lula, âgé de 77 ans, a remporté de peu l’élection présidentielle d’octobre devant Jair Bolsonaro, s’offrant un troisième mandat à la tête du pays après avoir été éloigné de la scène politique à la suite d’une affaire de corruption pour laquelle il a purgé un an et demi de prison avant que sa condamnation ne soit annulée.
Au cours de ses deux premiers mandats, entre 2003 et 2010, le chef de file du Parti des travailleurs (PT) a sorti des millions de Brésiliens de la pauvreté, dans le sillage de l’essor de l’économie nationale.
Le voilà désormais face au lourd défi de relancer une économie stagnante et d’unir un pays qui s’est hautement polarisé sous la présidence de Jair Bolsonaro.
« Beaucoup est attendu de Lula. Il aura la difficile mission de restaurer la normalité et la prévisibilité au Brésil, et par-dessus tout, d’obtenir rapidement des résultats pour améliorer la qualité de vie de ses habitants », a commenté Creomar de Souza, à la tête de la firme de conseil Dharma Political Risk consultancy, à Brasilia.
Par ailleurs, le président français Emmanuel Macron a salué dimanche l’investiture du dirigeant brésilien sur Twitter : « Ordre et Progrès : le Brésil fait honneur à sa devise. Bravo cher Président, cher ami Lula, pour ton investiture. Nous sommes ensemble ! »
AMBIANCE TENDUE
Jair Bolsonaro a quitté vendredi le pays à destination de la Floride, évitant ainsi d’avoir à remettre l’écharpe présidentielle à Lula – dont il n’a pas reconnu la victoire – mais aussi de potentiels risques juridiques liés à son mandat.
Depuis deux mois, les partisans du dirigeant d’extrême droite dénoncent une fraude électorale et appellent à un putsch de l’armée pour éviter le retour au pouvoir de Lula, dans un climat de vandalisme et de violence. L’un d’entre eux a été arrêté à l’entrée de l’aéroport de Brasilia pour avoir fabriqué une bombe artisanale avec l’intention de semer le chaos afin de provoquer une intervention militaire.
L’ambiance dans la ville était tendue dimanche dans la capitale et la police de Brasilia a annoncé l’arrestation d’un homme qui portait des feux d’artifice et un couteau et qui tentait de se rendre sur l’esplanade.
Dix mille soldats et policiers ont été déployés pour renforcer le dispositif de sécurité à Brasilia, où les participants aux festivités ont interdiction de transporter des bouteilles et d’autres objets divers, comme des pistolets en plastique.
Parmi les spectateurs de la cérémonie d’investiture sont attendus des délégations d’une cinquantaine de pays et 19 chefs d’Etat et de gouvernement.
(Reportage Maria Carolina Marcello, Ricardo Brito, Lissandra Paraguassu, Anthony Boadle et Fernando Cardoso ; version française Jean Terzian et Kate Entringer)